CITATION (Libération @ jeudi 02 octobre 2003)
LO et LCR : après l'orage, le rabibochage
Un accord est envisagé pour les régionales et européennes de 2004.
Par Pascal VIROT
A l'incitation de la LCR, LO accepte d'appeler à voter à gauche si le FN menace de l'emporter au second tour des régionales.
Un mariage de raison plus que d'amour. Lutte ouvrière (LO) et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) devraient prochainement sceller un accord en bonne et due forme pour les régionales et les européennes de 2004. Pour ce dernier scrutin, pas (trop) de problème : en 1999 (comme en 1979), les organisations d'Arlette Laguiller et d'Alain Krivine avaient fait cause commune. Il y a quatre ans, elles ont même récolté cinq parlementaires à Strasbourg. Pour les régionales, en revanche, c'est nouveau. L'accord général pourrait être validé à la fin de l'année, après les congrès des deux organisations, le week-end de la Toussaint pour la LCR, en décembre pour LO.
Frères ennemis. L'accouchement se fait dans la douleur. Le nouveau mode de scrutin régional, qui risque de marginaliser un peu plus les petites formations et le succès d'Olivier Besancenot à la présidentielle (4,25 % des voix contre 5,72 % pour Laguiller) ont visiblement convaincu les dirigeants de LO à bouger pour conclure une alliance.
Pourtant, depuis le printemps de 2002, les relations entre les deux frères ennemis du trotskisme étaient exécrables. En cause : l'appel de la LCR à faire barrage à Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. En juin, dans une lettre d'une rare violence, LO avait accusé la Ligue de s'être placée «dans le courant de la majorité chiraquienne» et d'avoir «contribué» à livrer «les travailleurs à l'offensive antiouvrière actuelle». Un texte qui, selon un dirigeant de la Ligue, avait surtout une portée interne visant à calmer au sein de Lutte ouvrière les «tensions» entre pro et antiaccord.
Depuis, LO a en effet mis de l'eau dans son vin. «Ils ont compris que les cinq ans de division avaient déplu à nos électeurs», avance Alain Krivine, le porte-parole de la LCR. LO a ainsi accepté deux points clés, voulus par la LCR. D'une part, comme la Ligue, la formation d'Arlette Laguiller appellera à voter à gauche si le FN menace de prendre une Région. LO a parfois déjà adopté ce type de comportement, par exemple contre le couple Mégret aux dernières municipales à Vitrolles. Mais, comme l'indique aujourd'hui l'hebdomadaire Lutte ouvrière, «au cas où ce serait une liste de droite (cas de la présidentielle) qui serait menacée par le FN, un tel appel n'aurait pas lieu». Autre compromis : les listes LO-LCR pourront s'ouvrir à des militants d'autres partis. Là aussi, un précédent, lointain, existe : aux municipales de 1977, le parti d'Arlette Laguiller avait accepté qu'une autre formation d'extrême gauche, l'Organisation communiste des travailleurs (OCT), soit associée à ses listes de candidats.
Ces «concessions» ne sont pas suffisantes au goût de Christian Picquet, l'un des dirigeants minoritaires de la LCR, hostile à l'alliance. «LO nous entraîne sur son terrain. S'agissant du FN, c'est en fait pour nous faire valider leur position. En outre, LO considère le seul enjeu national des régionales, alors que notre tradition, à la Ligue, c'est aussi de faire référence à l'enjeu local. Enfin, elle nous attire une fois de plus sur son terrain en renvoyant droite et gauche dos-à-dos : difficile dans ces conditions de s'adresser aux électeurs de gauche...» Christian Picquet qui ne désespère pas que la LCR rejette in fine l'accord, assure que nombre de militants de la Ligue «sont troublés». «Il peut encore y avoir rupture», reconnaît Krivine, partisan, lui, de l'entente électorale.
Rumeurs. Car tout n'est pas bouclé. Comme souvent, les discussions pourraient achopper sur des questions de personnes. Des rumeurs ayant attribué la tête de liste en Ile-de-France à Olivier Besancenot pour les régionales et à Arlette Laguiller pour les européennes, LO a réagi avec vigueur, mercredi soir, lors d'un round de négociations : disposant de trois sortants à la Région, elle «ne voit pas pourquoi elle se retirerait devant la LCR qui n'en a aucun. Cela reste donc l'objet d'un désaccord», écrit Lutte ouvrière aujourd'hui. «Il ne serait (...) pas juste de considérer comme nul le travail d'implantation politique que LO a fait dans certaines Régions», ajoute l'hebdomadaire. Le casse-tête est loin d'être réglé : les trois figures emblématiques de l'extrême gauche (Laguiller, Besancenot et Krivine) étant d'Ile-de-France, l'un ou l'une devra probablement «s'exiler» pour les prochains scrutins.
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