CITATION (Rouge N° 2032 @ 25 septembre 2003, trente-quatrième année)
ALSTOM
Non à l'union sacrée
Suspendu a un "plan de sauvegarde" et à son acceptation par Bruxelles, le groupe Alstom était au bord du dépôt de bilan : 118 000 emplois sont menacés dans le monde, 26 000 en France, 13 000 en Grande-Bretagne et 12 000 en Allemagne.
Comment expliquer la faillite du constructeur des TGV et métros, des turbines pour les centrales, des infrastructures pour l'énergie, le propriétaire des Chantiers de l'Atlantique? S'agirait-il d'une erreur de gestion, de la folie des grandeurs du PDG - qui a acheté à son principal concurrent son activité de turbines pour répondre à l'augmentation de puissance des centrales hydroélectriques ? Cela éviterait de poser le problème de fond : comment les banques ont-elles pu engager 17 milliards d'euros pour Alstom ? Comment le groupe a-t-il pu s'endetter de cinq milliards d'euros ?
Après avoir été Alcatel-Alsthom, Gec-Alsthom, Alsthom, le groupe devient Alstom en 1998. À cette date, Alcatel et Marconi pillent la trésorerie : huit milliard de francs. Les caisses sont quasiment vides ! Les secteurs du groupe connaissent un développement important par croissance externe : acquisition d'usines concurrentes pour conquérir des parts de marchés. Cela permet à Alstom de devenir un groupe mondial, soit leader, soit dans les premiers mondiaux. Mais cette politique, nullement remise en cause, est très consommatrice de prêts de capitaux.
La faillite d'Enron a entraîné un revirement de la politique des banques. Aujourd'hui elles refusent de se porter caution d'Alstom qui réclame un plan de désendettement du fait de baisse rapide du montant de ses actions (moins d'un euro cet été).
En mars 2003, le groupe annonce un plan de redressement prévoyant la vente des petites turbines, celle de T&D (transmission et distribution d'énergie) ainsi que 5 188 licenciements. Début août, ne trouvant pas les financements, il menace de déposer le bilan. L'Etat se pose alors en sauveur "de ce fleuron de la technologie française", se déclare prêt à entrer dans le capital à hauteur de 300 millions d'euros, mais surtout se porte garant des dettes passées et futures.
Ouf ! Les banques sont sauvées. Francis Mer déclare alors que "le concours de l'Etat a pour objectif de créer les conditions pour que les banques internationales réorganisent la dette de l'entreprise". Quand Raffarin prétend sauver les emplois, F. Mer affirme que "c'est de la responsabilité du management d'Alstom de gérer les conséquences industrielles et sociales de ce plan de restructuration, certainement pas à l'Etat actionnaire". Malgré cela, la Commission européenne refuse de donner son aval.
Les ventes prévues continuent. Alstom a signé un "compromis de vente" de T&D à Areva (Framatome, CEA, Cogema). Les licenciements annoncés ne sont pas annulés ; pire, ils pourraient s'annoncer plus nombreux.
La crainte des licenciements, aggravée par la menace du dépôt de bilan, fait perdre les repères aux salariés, comme ceux de T&D qui souhaitent même partir au plus vite chez Areva pour être tranquilles... Alors même qu'il n'y a aucune garantie de maintien de l'emploi à moyen terme. La tentation de l'union sacrée, tous derrière le patron et l'Etat, est vive. Elle est relayée par la CGC qui, tout en regrettant les licenciements, souhaite bonne chance aux entreprises vendues et se place résolument du côté de ceux qui veulent sauver le groupe ; comme par des délégués centraux CFDT qui, après s'être interrogés sur la volonté de sauver le groupe, déclarent ne rien vouloir faire pour gêner le plan.
La CGT, très impliquée dans les batailles juridiques, n'a pas sorti un seul tract central sur ce sujet... Comme si elle craignait de gêner un patron et un Etat qui veulent "sauver l'entreprise" !
Les licenciements doivent être interdits, Alstom doit être nationalisé. Ce groupe s'est construit essentiellement au travers des marchés publics, des subsides de l'Etat. Il est indispensable au développement, au fonctionnement des transports, de l'énergie. L'Etat doit renationaliser. Non pas comme en 1981 ; cette fois, sans rachat et sous contrôle des travailleurs.
Alain Gillon
Rouge 2032 25/09/2003[/quote]