Une vie de clandestin

Message par faupatronim » 23 Sep 2003, 13:49

CITATION
Une vie de clandestin  : dompter sa peur au quotidien


témoignages "Je sais me débrouiller, ne pas me faire remarquer en étant bien habillé"


Tout le monde l'appelle "Michel" à Belleville. Peu importe à M.  Lin, il a déjà changé plusieurs fois d'identité pour échapper aux contrôles. Ce Chinois de 38  ans, portant fine moustache et léger bouc, ne tient pas à se faire remarquer. Voilà quatre ans qu'il est arrivé en France de sa région du Wenzhou (au sud de Shanghaï), où il enseignait le chinois dans un lycée. Là-bas, son salaire de professeur était trop faible pour subvenir aux besoins de la famille. Et le jeune père voulait échapper aux pressions familiales qui obligent tout homme à s'endetter pour construire une maison. Il a préféré investir ses économies dans un billet pour l'Europe.

Débarqué avec sa femme à Saint-Louis (Alsace), il a travaillé durant neuf mois comme plongeur dans le restaurant d'un de ses cousins. Demandeur d'asile, "comme tous les Chinois qui arrivent", il n'avait pas d'autorisation de travail et l'allocation d'insertion à laquelle il avait droit s'élevait à tout juste 280  euros mensuels. Ne restait que le travail au noir pour vivre. Un travail "dur", douze heures par jour pour quelque 760  euros mensuels. "J'avais tout le temps mal au dos et ne cessais de me répéter que ce n'était pas possible de supporter ça, raconte l'ancien professeur. Après, la vie est devenue encore plus dure."

"Après", c'est au lendemain d'une descente de police dans l'établissement de son cousin. M.  Lin ne travaillait pas ce jour-là mais deux de ses collègues sans-papiers ont été arrêtés. Le patron du restaurant a refusé de le garder par peur de nouveaux contrôles. Parti pour Paris, il a cherché en vain une place dans un restaurant ou un atelier clandestin et a du se contenter d'un petit boulot de vendeur ambulant. Transportant chaque jour son lot de briquets, montres, foulards et autres babioles qu'il propose dans les cafés parisiens. "Certains jours, j'arrive à en retirer 75  euros, d'autres, même pas 30. Cela dépend de la chance et des clients...". Tout l'argent gagné passe dans la location de son petit studio de 20  m2, sans cuisine, au métro Goncourt, où il habite avec sa femme et ses deux enfants de 12 et 14  ans.

Malgré un quotidien pénible, il assure qu'il ne regrette rien  : "Ça ne sert à rien d'y penser. En Chine, le travail était plus facile, mais je gagnais si peu." Voilà quatre ans qu'il vit "comme ça", dit-il dans un joli sourire. Au moins se sent-il "indépendant",sans la pression des ateliers clandestins.

QUALIFICATION VÉRITABLE
La peur, "Rambo" T., un Turc de 36  ans, la connaît depuis quatorze ans. Presque une moitié de vie clandestine, sans-papiers, dans des conditions de stress telles qu'elles l'ont conduit à la dépression. Ce jeune homme impeccable dans son tee-shirt Adidas bleu roi et sa veste en jean est arrivé en 1989 à Paris et a demandé l'asile. Son statut l'autorisant alors à travailler, il est embauché dans un atelier de confection. Deux ans plus tard, la législation change et le droit au travail est refusé aux candidats à l'asile. Sa demande ayant échoué, Rambo passe à la clandestinité. "Mais j'ai continué à travailler au noir", confie-t-il.

D'autant que le jeune homme a acquis une véritable qualification en maroquinerie  : malgré son statut précaire, il est embauché par un sous-traitant de la haute couture travaillant "pour des marques connues comme Chanel", assure-t-il. Un poste de travail qui lui garantit un bon salaire (2  300  euros) et des conditions de travail décentes. "Rien à voir avec le sordide des ateliers clandestins où les étrangers sont payés à peine 10  euros la journée", assure Rambo. Sans papiers, malgré trois demandes à la préfecture - avec dix ans de présence, un étranger peut demander une régularisation -, le jeune homme a appris à dompter sa peur  : "Je sais me débrouiller, ne pas me faire remarquer en étant bien habillé." Tous les mois, pourtant, il appelle le Troisième collectif de sans-papiers pour s'enquérir de l'avancement de son dossier.

S.  Z.

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faupatronim
 
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