CITATION 14 septembre 2003
Meeting de la Fête de l'Humanité 2003
discours de Marie-George Buffet, Secrétaire nationale du PCF.
Chers amis,
Chers camarades,
Nous venons d'entendre ce chant de résistance et d'espoir qui nous parle du Chili. Résistance et espoir aussi pour la Palestine !
Nous venons d'entendre ces paroles de luttes, elles nous parlent d'espoir et de liberté. Elles sonnent comme un appel urgent à un autre monde, à une autre politique.
Car voyez les conditions de vie de notre peuple et des peuples du monde, qui s'aggravent de jour en jour. Voyez le capitalisme qui régit les relations entre les individus et entre les peuples. Voyez le libéralisme qui met en danger nos vies. Voyez ces tristes sires qui imposent leur loi de sacrifice et leur mépris.
Alors que le plus grand nombre se trouve exploité ou mis à l'écart, quelques nantis vivent dans l'opulence.
Alors qu'il existe dans notre monde de quoi vivre pour tous, l'activité humaine est soumise au bon vouloir de la Bourse, de l'OMC, d'actionnaires rapaces, de patrons voyous qui filent avec la caisse et les outils.
Alors que nous voulons être libres et égaux, des femmes sont lapidées, des femmes sont asservies.
Alors que nous pourrions vivre ensemble, le capitalisme nous met en concurrence pour mieux nous dominer. Il y a vraiment besoin de révolutions.
La planète est sous pression.
Au Proche-Orient, on ne sait plus où finira l'escalade de la violence. La communauté internationale doit réagir. Non, tout n'a pas été tenté. Oui, la paix doit reprendre l'initiative.
La France doit se faire entendre ! L'Europe doit mettre tout son poids dans la balance. On ne l'entend pas, on ne la voit pas.
Il faut que cesse cette guerre. En finir avec l'occupation ! Détruire le mur ! Yasser Arafat doit rester libre. Un jour viendra, où à côté de l'Etat d'Israël vivra un Etat palestinien dans la paix et la liberté.
La planète est sous pression. L'intervention américaine en Irak débouche sur le chaos. C'est l'ONU, seule, qui peut rendre le pouvoir au peuple irakien. Oui, démocratie en Irak !
La planète est sous pression. La guerre d'Irak a coûté plus d'argent que l'aide mondiale au développement. Nous ne voulons pas un monde de concurrence mais un monde solidaire. Ce n'est pas le cas des puissants réunis par l'OMC à Cancùn. Il y en a assez de leurs sommations capitalistes ! Non aux atteintes aux services publics, non aux projets funestes dans le domaine agricole, non à la tragédie qui frappe l'Afrique, non à la marchandisation du monde !
Si la planète est sous pression, la France est en dépression.
Le gouvernement n'en finit pas d'hypothéquer l'avenir de notre peuple. Il provoque la colère.
On nous dit : « Soyez modernes, adaptez-vous, il y a la concurrence ! »
Mais la modernité, est-ce trois millions de chômeurs ? La modernité, est-ce ces milliers de morts cet été ? Toutes ces souffrances, tout ce gâchis, c'est insupportable !
Au nom de la modernité, ce sont les exigences capitalistes qu'on veut nous imposer.
Pourtant, la droite en redemande. Après les fermetures de lits à l'hôpital, le gel des crédits pour les maisons de retraite, elle veut s'attaquer à la Sécurité sociale.
Les 35 heures lui sont insupportables, et maintenant même les jours fériés. Après le coup des retraites, ce gouvernement saisit toutes les occasions pour s'en prendre aux salariés qu'il veut, dit-il, « remettre au travail ».
Il y avait Robin des bois, voici son négatif : Raffarin qui prend aux pauvres pour donner aux riches ! Encore des baisses d'impôt pour les privilégiés. Peu lui importe que l'Etat ne puisse plus assumer ses missions essentielles, tout est à vendre, liquidation totale des droits, de la solidarité, des services publics !
Après l'école, avec le Medef, il s'attaque à la culture.
Il organise lui-même les plans de licenciements –aides-éducateurs, intermittents. Je demande ici, avec vous, le retrait immédiat du protocole qui les frappe. Pour moi, l'emploi est le problème numéro un de cette rentrée. Les annonces de fermetures d'entreprises n'ont pas cessé. Je pense en particulier aux dernières victimes connues, les hommes et les femmes de Flodor, d'Alstom, du Giat, de la Comilog, de Tati et d'autres encore... En notre nom à tous, si vous me le permettez, je voudrais leur témoigner notre solidarité. Je voudrais leur dire : « Nous sommes dans l'action, à vos côtés ! »
Malgré l'augmentation régulière du chômage, le gouvernement poursuit encore sa politique de baisse des charges, de baisse des salaires, d'augmentation du temps de travail, de réduction des effectifs de la fonction publique et des services publics. Face à cela, le Parti communiste français vous appelle à participer nombreux à une manifestation européenne pour l'emploi, le 4 octobre prochain.
En réalité, au nom de l'ordre mondial, le gouvernement a décidé de rompre avec tous les acquis de la Libération et d'imposer à notre peuple une régression jamais connue.
Mais cette politique soulève des résistances.
Comment accepter que ces grandes conquêtes du mouvement ouvrier - la retraite, la Sécurité sociale-, ces grandes avancées humaines soient effacées des tables de la loi ? Comment accepter ces débordements sécuritaires ? Comment accepter que des syndicalistes soient condamnés en nombre ? Nous demandons pour eux une loi d'amnistie.
Oui, nous avons le choix, entre cette société d'élitisme et d'injustice que fabrique la droite, et une société de solidarité et de liberté.
Je voudrais dire à tous ceux et celles qui en doutent que l'espoir est permis. N'est-ce pas d'ailleurs ce que disent celles et ceux qui luttent au quotidien ? N'est-ce pas aussi ce que l'on entendra lors du prochain Forum social européen ?
Le mouvement qui s'est levé, pour la démocratie et contre Le Pen, contre la guerre, pour la défense des retraites et de l'Education Nationale, pour la culture, pour une autre mondialisation, ouvre de nouveaux horizons.
Que dit-il ? Non à la régression sociale, au recul de civilisation, oui au progrès pour tous. Il interpelle, comme je l'ai entendu dans les assemblées générales et les manifestations : quels sont les moyens de faire gagner le mouvement, comment battre la droite ? Qu'est-ce que vous proposez ?
Ces questions, il faut y répondre ensemble ! Il serait fou de penser qu'il y aurait, d'un côté, le mouvement social posant ses exigences et de l'autre des politiques seuls habilités à y répondre. Cette conception nous a conduits à bien des échecs. Quel avenir pour des forces de gauche qui se couperaient du mouvement social ? Quel avenir pour un mouvement social qui déclarerait la mort du politique ? Ne pourrions-nous pas sortir de tous ces anciens schémas et décider ensemble qu'il faut bâtir ensemble les choix politiques et les rassemblements à la hauteur des attentes populaires ?
Si nous ne voulons pas connaître de nouvelles déceptions, si nous ne voulons pas donner des ailes à la droite et à l'extrême droite, il faut changer la conception même de la politique, il faut la mettre entre toutes les mains. Quand je vois tous ces rassemblements populaires porteurs d'intérêt général, alors je suis convaincue qu'il est possible d'ouvrir une perspective politique en se rassemblant sur des objectifs anti-libéraux.
Mais que veut-on à gauche ? Cherche-t-on vraiment le rassemblement ? Cherche-t-on vraiment le changement ? Beaucoup d'hommes et de femmes doutent, se méfient. Ont-ils vraiment tort ? Ils ont le sentiment qu'à gauche, on ne tire pas toutes les leçons des échecs, qu'on leur propose les mêmes impasses : soit attendre les élections de 2007 sans bouger, soit en appeler éternellement à de miraculeux troisièmes tours sociaux. Cela ne marche pas, on en a fait l'expérience.
Il faut débloquer la situation, il faut débloquer la gauche, c'est ce que nous voulons faire.
Pas dans la recherche de compromis à l'eau tiède, pas plus en s'enfermant dans un splendide isolement.
Si on veut construire une perspective durable, il n'y a de réponse que dans un rassemblement sur un projet qui change la vie. Ceux qui proposent l'un sans l'autre sont des marchands d'illusions. J'entends bien que l'on essaye de nous faire rentrer dans des cases qui ne nous correspondent pas : « choisissez entre le Parti socialiste et l'extrême gauche ». Que cela plaise ou non, nous sommes communistes et nous voulons porter notre projet, notre démarche : un projet de changement, une démarche de rassemblement.
Entamons le débat sur le contenu. Nous, communistes, nous voulons une société de la dignité humaine. La dignité humaine, c'est la liberté, c'est l'égalité, c'est la fraternité. Ces idéaux, que le peuple français s'est fixé lui-même, Alors que le capitalisme les bafoue, nous voulons les faire avancer dans la vie.
Nous voulons une société de liberté.
Mais est-on libre quand on se retrouve du jour au lendemain sans emploi, sans argent ? Alors finissons-en avec la précarité et le chômage : créons pour l'emploi et la formation une sécurité aussi audacieuse que le fut après guerre la Sécurité sociale.
Est-on libre quand on manque de l'essentiel ? Alors garantissons les droits vitaux par des services publics efficaces, démocratisés, étendus, mondialisés. Enfin, est-on libre quand on n'a pas son mot à dire ?
Alors bâtissons une sixième République fondée sur le développement d'une véritable démocratie participative dans la cité comme à l'entreprise. Refusons cette Constitution Européenne qui établit une fois pour toutes le règne du marché ! Exigeons un référendum et une autre Europe !
Nous voulons une société d'égalité. Une société qui offre à chacun les mêmes chances et les mêmes droits.
Mais où est l'égalité si l'école n'est pas celle de la réussite pour tous ? Alors faisons de l'éducation une priorité nationale. Assurons la gratuité réelle de l'enseignement depuis la maternelle jusqu'à l'université. Donnons à l'école les moyens d'assumer sa mission pour former des individus libres et responsables !
Où est l'égalité, quand les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ? Alors recherchons un autre partage des revenus par une refonte de l'impôt, par l'augmentation décisive des salaires et du SMIC ! Mobilisons tous les leviers de l'Etat, mobilisons l'Europe pour que l'écart se résorbe, pour que l'on fasse le pari des salaires pour la croissance et non des profits pour la spéculation !
Nous voulons une société de fraternité.
Mais peut-on parler de fraternité lorsque la solidarité est brisée ? Alors engageons une véritable politique de santé publique, investissons dans la prévention, développons l'accès aux soins, étendons les droits couverts par l'assurance maladie, restaurons le droit à une retraite à 60 ans! Depuis trente ans, le capital a retiré ses billes du pot commun, il a profité du développement économique et du travail des salariés. Alors aujourd'hui, mettons les profits à contribution !
Peut-on parler de fraternité lorsque l'on lègue à nos enfants une planète délabrée ? Créons une organisation mondiale de l'environnement, un service public mondial de l'eau, refusons l'aménagement sauvage du territoire guidé par la rentabilité à tout prix !
Peut-on parler de fraternité lorsque la majorité du monde se voit imposer la misère ? Mettons la France et l'Europe à l'offensive pour un nouvel ordre mondial basé sur la coopération ! Assignons à l'ONU et à toutes les institutions internationales pour unique objectif la paix et le progrès partagé !
Oui, nous proposons une société de liberté, d'égalité et de fraternité. Mais pour cela, la société doit être façonnée pour les hommes et les femmes et non le contraire. L'économie doit être au service des êtres humains. Ce sont donc eux qui doivent pouvoir décider de ses objectifs et de ses choix. Et cela depuis l'entreprise jusqu'à la Banque centrale européenne et au Fonds monétaire international. La démocratie doit jouer à plein pour que chacun prenne toute sa place. Il y a des Bastilles à prendre.
Je veux le dire à tous ceux et celles qui doutent, à ceux qui cherchent, à ceux qui désespèrent de la politique et de l'avenir. Oui, une autre politique est possible !
Mais comment faire ? Car un beau projet politique, c'est indispensable. Mais, s'il reste dans les cartons, il ne sert à rien. Il a besoin d'être porté au pouvoir par des hommes et des femmes suffisamment nombreux pour lui donner force politique. Il a besoin d'élus qui l'incarnent, comme le font les élus communistes.
Hommes et femmes de ce pays : nous vous proposons d'inventer ensemble l'avenir.
Ecartons les divisions, partons des besoins concrets, des exigences, des aspirations. Que les organisations progressistes, syndicats, associations versent leur contribution dans ce débat. Que les partis politiques disent ce qu'ils proposent. Nous le faisons. Et qu'ils aient le courage de la confrontation publique. Echangeons, débattons. Que chacun et chacune fasse son propre jugement. Initions ensemble une dynamique sociale et citoyenne capable de changer la donne.
Si je lance cet appel, c'est parce que je suis convaincue qu'il faut faire autrement qu'hier. Il faut sortir des sentiers battus. Il faut prendre la mesure de notre tâche, être à la hauteur de notre visée. Non, l'heure n'est pas à des bricolages ou à des rafistolages. L'heure est à l'audace de vraies révolutions en politique.
Et si aucune force politique ne prend le pari de rendre toute leur place aux citoyens et citoyennes, notre démocratie se meurt et tout espoir de changement se fragilise encore. Les communistes relèvent ce pari ! Rien ne peut se faire sans notre peuple. Rien ne doit se faire sans notre peuple.
Depuis déjà un an, nous avons engagé des forum citoyens. Nous voulons mettre toute notre énergie pour que chacune, chacune, puisse y participer. Nous voulons des forum partout ! Et nous irons partout où le débat est ouvert !
Cette démarche, je propose de la déployer tout de suite pour se rassembler face à la droite. Travaillons aussi dans ces forum à des projets pour nos régions et pour l'Europe ; voyons comment les défendre ensemble. Et pour inscrire ces milliers de rencontres dans le calendrier politique, je propose deux rendez-vous, sous forme d'Assises ouvertes, en novembre dans chaque région et en décembre pour l'Europe.
Oui, pour répondre aux attentes et aux aspirations de notre peuple, il est impératif de battre la droite. Nous n'entendons pas y parvenir seuls. Mais prenons garde aux raccourcis qui nous ramèneraient au passé, à l'échec. La voie de l'union est exigeante. Elle implique un immense débat sur les choix à faire, sur une politique qui ait le courage de s'opposer aux logiques libérales avec la ferme intention de donner raison aux salariés de Métaleurop, de Moulinex, et à tous les autres !
Menons ce débat avec les citoyennes et les citoyens dans les semaines et les mois qui viennent, et si besoin est jusque devant les électrices et les électeurs. Poursuivons-le dans la durée sans relâche jusqu'à bâtir une alternative politique forte de l'engagement de notre peuple.
Cette démarche va bousculer les choses. J'en suis persuadée.
Chers amis,
Chers camarades,
Oui, la planète est sous pression, oui, la France est en dépression, mais il y a des raisons de se révolter et d'espérer. Il y a des raisons de faire de la politique. Je crois que les communistes ont une place à tenir dans cette tempête, et j'appelle tous ceux qui veulent nous rejoindre à franchir le pas. Notre peuple a besoin d'hommes et de femmes engagés pour le bien commun. Cette Fête de l'Humanité, elle entr'ouvre le voile qui pèse sur l'horizon, comme l'Huma s'essaye à le faire tous les matins. Cette Fête de l'Humanité, cette Fête de notre peuple, elle nous donne à voir une autre politique possible. La liberté, l'égalité, la fraternité, c'est cela qui nous fait hommes et femmes, c'est cela qui nous fait ensemble humanité. Oui, ce projet mérite de l'audace., ensemble, allons de l'avant !
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