Le langage en furie

Message par faupatronim » 02 Sep 2003, 14:14

CITATION (Le Monde @ 27.08.2003)
Le langage en furie


Le défenseur français de Bertrand Cantat, Me Olivier Metzner, a employé, vendredi 22 août, des mots chargés de sens en donnant la version de son client sur la lutte fatale qui l'a opposé à sa compagne, à Vilnius. Il a en effet déclaré : "Marie est apparue comme jamais il ne l'avait vue.  En furie, hystérique, mais il ne pensait pas qu'elle puisse être comme cela."

"Hystérie", entré dans le dictionnaire au XVIe siècle, vient du grec hustera (via le latin hystericus) qui signifie utérus, et désignait un accès d'érotisme morbide féminin, à une époque où la femme et son corps étaient fortement diabolisés, à une époque aussi où la femme venait tout juste de se voir reconnaître une âme par l'Eglise. Le mot ressortit désormais à la psychiatrie, et s'applique indistinctement aux hommes et aux femmes, dans le sens de "névrose", mais n'en reste pas moins rattaché au corps féminin par l'étymologie et en garde une nuance passablement négative.

La "furie", du latin furia, a aussi une connotation péjorative pour les femmes. Le mot est maintenant synonyme de "colère", sans autre signification sexuelle, mais il a d'abord eu le sens de "femme donnant libre cours à sa colère", comme "harpie" ou "mégère" ! Il vient en droite ligne de la mythologie gréco-romaine : les Furies des Romains étaient ces trois divinités infernales qui châtiaient les crimes, en particulier "la démesure, l'homicide et les crimes contre la famille ou contre l'ordre social" (Petit Robert). Les noms de deux d'entre elles, Alecto et Tisiphone, ne disent plus rien à personne, mais la troisième n'était autre que… Mégère, qui se survit en signifiant maintenant, loin de toute mythologie, "femme acariâtre et méchante" en perdant sa majuscule au passage. Ces trois sinistres divinités (appelées Erinyes chez les Grecs, divinités de la vengeance) étaient filles de Gaïa, fécondée par le sang d'Ouranos que son propre fils, Chronos, venait d'émasculer.

Quand un homme parle d'une femme, il lui est bien difficile de ne pas tomber dans l'ornière de la misogynie. Car l'accumulation de ces mots : "harpie", "mégère", "furie", "hystérique", qui n'ont pas vraiment d'équivalent masculin, laisse à penser que c'est notre vocabulaire lui-même qui n'aime pas trop les femmes.

Olivier Houdart
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faupatronim
 
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