Menacé par des skins, le quartier se rend justice

[faupatronim]

CITATION (La Dépêche du Midi @ 19 août 2003)
HAUTE-GARONNE - EXPÉDITION PUNITIVE - DES ADOLESCENTS SONT MENACÉS PAR UNE BANDE DE SKINHEADS, LE QUARTIER SE REND JUSTICE

Chasse aux skins dans les rues de Colomiers


Elle habite allée d'Aspin, quartier du Val-d'Aran, Colomiers-Ouest. Grande terrasse à l'étage, avec vue sur la station Shell, juste de l'autre côté du boulevard. Elle raconte : « J'étendais mon linge, j'ai tout vu. Il était environ 19 h 30, dimanche. La bande de skins, visage découvert, a débarqué du skate-park derrière et s'est ruée sur les pompes à essence. Ils ont cassé les voitures des clients à coup de battes de base-ball et de barres de fer, ils ont arrosé de lacrymo, ils ont frappé. Ils étaient assoiffés de haine. Un tel déchaînement de violence... Pour moi, il s'agit d'une agression caractérisée à laquelle les gens du quartier ont réagi tout à fait légitimement. »

Trois voitures ont été détériorées : une première avec un enfant dans un siège-auto derrière le passager, une Clio grise appartenant à un moniteur auto-école. Et une 306 bordeaux dont le propriétaire est encore sous le choc : « Je venais acheter le pain. Un adolescent a déboulé, il était blanc de peur, il avait les skinheads à ses trousses. Ils étaient six. Ils m'ont dit : ''Sale bougnoul, on va te crever !'' Et ils ont tapé sur tout ce qu'il y avait. Je me suis sauvé. »

Dès lors, le bouche à oreille fonctionne et « la vendetta » se prépare. Les gens du quartier, pas seulement des jeunes, se retrouvent vite à une centaine. Une seule idée en tête : se venger. « Ici, on est des Gaulois, explique Saïd, 21 ans. On se protége. Et il ne faut surtout pas toucher aux gosses ! » Un habitant, place du Gers : « On s'est séparés pour mieux retrouver ces skins ! »

« ça courait partout »

Place du Val-d'Aran, l'une des étapes de la poursuite. Coursives, commerces et bar-brasserie-PMU. Georges, la trentaine, y réside depuis toujours. Il était aux première loges : « Il était presque 21 heures. Je le sais précisément, car le film avec Delon venait de commencer. J'ai entendu du bruit. Je me suis mis à la fenêtre. ça

courait dans tous les sens ; ils venaient apparemment de derrière (cité des Fenassiers). On reconnaissait les skins : treillis, rangers, t-shirts moulant et crânes rasés. »

Un homme de 47 ans, à deux blocs de là : « Je promenais mes deux chiens. Je suis de suite remonté. Il fallait voir comment les jeunes galopaient... » Allée du Béarn, un appartement est saccagé et un jeune homme tabassé (lire ci-dessous). La chasse se termine vers En-Jacca. Elle fera deux autres blessés, mais le bilan aurait pu déboucher sur un véritable bain de sang. Une mère de famille armée d'une poêle à frire, un mari avec son marteau : des scènes surréalistes qui se sont déroulées jusqu'après 22 heures.

En réalité, les hostilités ont commencé dès vendredi soir. Des jeunes du quartier, de 8 à 13 ans selon nos informations, croisent la route des skins qui squattent le skate-park depuis une quinzaine de jours. Les choses dégénèrent : les skins leur mettent couteau sous la gorge et pistolet sur la tempe. « Ils boivent, ils fument, certains vont jusqu'à dormir sous les rampes, raconte un autre jeune. J'y suis allé et j'ai eu droit au même traitement. Ils m'ont même mis une hache sur les poignets. Samedi, il pleuvait, on a pas bougé. »

Jusqu'à dimanche...


Patrick DESPREZ
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