a écrit :La France évaluée sur les droits de l’enfant :
n’a pas à être fière de sa copie
Au moment où des milliers de candidats planchent sur les épreuves du baccalauréat, d’autres reçoivent leur copie corrigée : c’est le cas de la France après sa 3ème évaluation périodique par le Comité des Nations Unies chargé de contrôler l’application de leurs engagements par les Etats parties à la Convention relative aux droits de l’enfant.
Après la « volée de bois vert[1] » de la précédente évaluation en 2004, le comité a cette fois-ci rendu une « copie couverte de rouge » à la France. Clairement, le jugement est nettement plus sévère, sur le fond, qu’en 2004, même si, conformément à l’esprit de la Convention, ces observations finales du Comité prennent des formes didactiques dans un langage diplomatique. DEI-France en analyse ci-après les grandes lignes[2].
Dans un document beaucoup plus long qu’en 2004 [3] et très équilibré, le comité réitère à la France ses observations de 2004, relativement générales mais dont une bonne partie n’a pas été suivie d’effets, en même temps qu’il les complète avec de nouvelles observations actualisées, bien spécifiques au cas de la France et parfois très précises dans un certain nombre de domaines. Il donne même des observations « préventives » mettant en garde le gouvernement sur plusieurs projets de loi, de réforme de l’adoption ou de réforme pénale notamment. Visiblement les membres du comité, comme cela avait été noté lors de l’audition publique du 26 mai, étaient bien au fait de la situation française et n’ont pas hésité à « appuyer là où cela faisait mal »[4]. Même s’ils n’ont pas pu entrer dans le détail de la totalité des questions soulevées dans les nombreux rapports alternatifs qui leur avaient été envoyés, les experts ont mis à profit, tout en gardant leur indépendance de jugement et en restant dans leur rôle, le travail –prévu par la Convention– des ONG et des institutions indépendantes des droits de l’homme tout au long du processus d’évaluation.
Nul ne sait si l’élève France a obtenu son bac... Mais le jury a visiblement trouvé cette candidate pleine d’assurance... et aussi de lacunes fondamentales en matière de droits de l’enfant, à l’écrit - dans son rapport au comité - comme à l’oral le 26 mai dernier[5].
Le gouvernement se dira peut-être soulagé, à la lecture des résultats, que les observations finales soient probablement en retrait dans certains domaines par rapport aux commentaires extrêmement sévères des membres du comité le jour de son grand oral : ainsi on n’y retrouve pas la suggestion de faire profiter les mineurs isolés du bénéfice du doute quant à leur âge plutôt que de continuer à utiliser des tests peu fiables. Il n’est plus question de signaler les pénuries de places ni de suggérer un service public d’accueil pour la petite enfance ou un plan santé jeunes. Le comité n’a pas remis par écrit son inquiétude face à la tendance généralisée, notamment dans l’école, d’opposer les devoirs des enfants à leurs droits comme si ceux-ci posaient problème aux adultes. Disparue aussi la question d’un membre du comité le 26 mai sur la position de la France concernant les ventes d’armes légères aux pays où des enfants soldats sont enrôlés
Le Comité ne reprend pas non plus en détail toutes les préconisations des ONG ou des institutions indépendantes de défense des droits de l’homme et de l’enfant sur deux grands sujets de préoccupation du moment : justice pénale et traitement des mineurs isolés étrangers. Mais c’est pour mieux réitérer à la fois ses observations à la France de juin 2004 et d’octobre 2007[6], non suivies d’effet, et renvoyer l’Etat aux deux observations générales (n°6 sur le traitement des mineurs isolés étrangers et n°10 sur les droits de l’enfant dans les systèmes de justice pénale) qui précisent les règles fondamentales à respecter vis vis de ces catégories d’enfants particulièrement vulnérables.
Il ne faut donc pas s’y tromper : l’architecture du document du comité, son insistance sur des chapitres fondamentaux comme les mesures d’application générales – diffusion de la convention, stratégie nationale coordonnée et évaluée avec le concours des ONG, des institutions indépendantes et des enfants- ou les grands principes transversaux de la Convention – non discrimination, intérêt supérieur, opinion de l’enfant - les recommandations exprimées quant aux recherches des causes profondes du non respect des droits - comme la pauvreté, les problèmes de logements ou encore la stigmatisation des adolescents notamment dans certaines banlieues - et le rappel des normes internationales qui doivent fonder le traitement pénal des enfants ou celui des mineurs isolés étrangers, disent bien à l’élève France, qui aurait parfois tendance à se prendre pour le professeur et à se proclamer patrie des droits de l’homme, qu’elle peut retourner sur les bancs de l’école et réapprendre les bases en matière de « droits de l’homme de l’enfant ».
Cette copie toute annotée de rouge ne l’empêchera pas de continuer son chemin mais le gouvernement ferait bien – car il en a l’obligation[7] - de donner suite aux présentes observations finales du comité,sous forme d’un plan d’actions à 5 ans clairement identifiées et planifiées, avec le concours de toutes les forces du pays, notamment les institutions indépendantes des droits de l’homme et les ONG de défense des droits de l’enfant[8]. Sinon, la patrie des droits de l’homme risquerait fort de se retrouver au ban des pays désireux d’assurer aux enfants le respect de leurs droits pour un meilleur avenir
[1] C’est le commentaire qu’en avait fait DEI-France à l’époque
[2] On ne dispose aujourd’hui que d’une version provisoire en anglais :
http://www2.ohchr.org/english/bodies/crc/d...-C-FRA-CO-4.pdf Les commentaires qui suivent sont donc fournis sous réserve de modifications dans la version finale ou de différences d’appréciation dans la traduction française.
[3] 25 pages et 108 observations contre 14 pages et 63 observations en 2004
[4] La présidente, qui avait jugé que le rapport de la France manquait d’analyse autocritique, avait prévenu lors de l’audition du 26 mai que le Comité placerait la barre très haut.
[5] Voir à ce sujet la lettre d’info DEI spéciale audition du 26 mai :
http://www.dei-france.org/lettre-DEI/Lettre_DEI_8.pdf [6] Le comité a examiné en octobre 2007 les rapports initiaux de la France sur les deux protocoles facultatifs à la Convention et transmis des recommandations sévères, qui concernent notamment les mineurs isolés étrangers.
[7] Rappelons que, si le comité n’a pas le statut d’un tribunal international comme la cour européenne des droits de l’homme et ne peut condamner un Etat, et s’il a été retenu pour cette Convention un processus d’évaluation périodique didactique pour inciter les Etats à progresser, ces observations finales du comité n’en ont pas moins une valeur aussi contraignante pour l’Etat que les engagements qu’il a souscrits en ratifiant la Convention.
[8] Voir à ce sujet le communiqué commun des ONG avant l’audition de la France le 26 mai dernier :
http://www.dei-france.org/lettres_divers/2...-14-05-2009.pdf