Cantat et Noir Désir

Message par pelon » 04 Août 2003, 15:10

CITATION
Le destin brisé de Noir Désir, groupe phare du rock français
LE MONDE | 02.08.03 | 12h59
Le groupe bordelais plébiscité par les 15-35 ans devait beaucoup à la personnalité charismatique de son chanteur
Parmi les parallèles hasardeux évoqués pour associer ce fait divers à la "mythologie" sordide du rock, le plus évident semble avoir été oublié : en 1978, Sid Vicious, le bassiste des Sex Pistols, et sa fiancée Nancy Spungen s'enferment au Chelsea Hotel de New York. On la retrouve morte, il est aussitôt incarcéré. Mais la comparaison s'arrêtera là : Nancy Spungen a été poignardée, et Bertrand Cantat n'est en aucun cas Sid Vicious, un desperado destructeur. Ce qui rend d'autant plus inimaginable la tragédie de Vilnius.

C'est que Bertrand Cantat, 39 ans, jouissait jusqu'alors d'une image très positive, celle d'un grand frère à forte gueule, interpellant les grands de ce monde, épousant de nobles causes et tentant de résoudre ce paradoxe : comment être contre le système tout en enregistrant pour une multinationale, Universal, via le label Barclay.

Bertrand Cantat était connu pour ses débordements, éventuellement sa violence. Mais toujours sur un espace artistique, la scène, dans le cadre de la musique de Noir Désir, un rock enfiévré porté par des guitares saturées, et dans la prose tourmentée et lyrique de son chanteur.

Aussi l'annonce du drame a-t-elle provoqué un raz-de-marée sur les sites Internet consacrés au groupe. "Je suis malade depuis le début de la semaine, écrit une jeune femme sur un forum. Marie Trintignant était une de mes actrices préférées. Noir Dez m'a donné des repères, m'a éveillée, endormie, fait hurler de révolte, de plaisir pendant ma jeune vie d'adulte."

L'horizon de Noir Désir est bouché aujourd'hui. Tous les engagements du groupe ont été annulés, qu'il s'agisse des concerts à Millau (en soutien à José Bové), celui des Nuits atypiques de Langon (Gironde) ou de la manifestation Septembre Ensemble, organisée avec les camarades de Zebda à Bordeaux et à Toulouse.

COMME TOUT LE MONDE

Né en 1987 à Bordeaux, Noir Désir n'est pas un groupe tout à fait comme les autres. Sa genèse est de celles qu'aiment consigner les biographies de rock : rencontre à Bordeaux de deux lycéens peu motivés, Bertrand Cantat et Serge Teyssot-Gay (le guitariste), qui évacuent dans le raffut l'ennui et la frustration d'une cité bourgeoise. A ses débuts, le groupe – formé en outre de Frédéric Vidalenc à la basse (remplacé depuis par Jean-Paul Roy) et de Denis Barthe à la batterie – se complaît dans un spleen romantique et adolescent. Bertrand Cantat, dont le port et la boucle à l'oreille font songer à Corto Maltese, s'attire des comparaisons avec Jim Morrison pour son jeu de scène chamanique.

Mais si le groupe déploie sur scène une théâtralité exacerbée, il cultive à la ville une simplicité assez éloignée des comportements en usage dans le show-business. On croisait Bertrand Cantat dans le métro ou à l'entrée d'un concert, dans la queue, comme tout le monde. Le groupe se méfiait des médias comme de la peste. Il refusait les émissions de plateau, se faisant fort, comme le Satan de Ferré, "de ne jamais paraître à la télévicon".

Noir Désir est sans conteste le groupe le plus populaire à avoir émergé en France depuis Téléphone. Il fédère deux générations dans la tranche des 15-35 ans, séduits autant par l'intensité rock du groupe, par ses textes exigeants jusqu'à en devenir parfois ésotériques, que par ses engagements. Lecteur de poètes, Cantat a été passeur. Sans lui, les noms de Maïakovski et de Lili Brik, celui de Lautréamont, voire de Léo Ferré, ne seraient sans doute pas arrivés aux oreilles de ses auditeurs.

Le groupe a aussi essayé de sensibiliser à ses combats une génération décrite comme détachée de tout, en accueillant à ses concerts des stands d'associations. La liste est longue : soutien aux travailleurs immigrés, aux sans-papiers, à José Bové, au sous-commandant Marcos, au Tibet, au peuple palestinien à travers des concerts donnés en Syrie, au Liban, au Yémen et en Turquie.

UN MILLION D'EXEMPLAIRES

Noir Désir se retrouve aussi en première ligne dans la lutte contre le Front national, visé dans la chanson Un jour en France. Le groupe s'est mobilisé pour défendre la salle Le Sous-Marin, fermée par la municipalité FN de Vitrolles, a organisé un forum de résistance à Toulon et a rassemblé 25 000 personnes à Bordeaux pour une journée de musique et de palabre associative, en 1997.

Hérauts de l'altermondialisation, Noir Désir et particulièrement Bertrand Cantat n'ont jamais fait mystère de leurs sympathies pour les idées libertaires. Dans un entretien au Monde du 13 septembre 2001, le chanteur déclarait : "Il faut que l'étoile libertaire soit toujours là. Evidemment, sa limite est la proposition concrète. L'anarchie est la formulation politique du désespoir. Elle n'est pas dans la course au pouvoir, puisqu'elle tape sur lui. Un anarchiste commence toujours par s'engueuler avec lui-même."

Noir Désir incarne enfin l'idéal du groupe arrivé en haut de l'affiche à la sueur des concerts et pour la force de ses chansons. Le succès massif viendra avec le remuant Tostaky (1992). La tournée qui s'ensuit sombre dans le chaos. A force de hurler, Bertrand Cantat s'est brisé la voix et doit être opéré.

Depuis, Noir Désir s'est maintenu au sommet, que ce soit avec 666 667 Club, en 1996 – meilleur groupe et meilleur single aux Victoires de la musique –, et surtout le dernier album en date, Des visages des figures, paru le 11 septembre 2001 et qui s'est vendu à un million d'exemplaires. Noir Désir a emporté le Prix du meilleur album de rock aux Victoires de la musique sans avoir cédé un pouce de sa liberté artistique. A la cérémonie, en mars 2002, Bertrand Cantat s'est offert le luxe d'interpeller avec virulence son "employeur" Jean-Marie Messier, accusé de récupérer l'image du groupe à son profit.

Bruno Lesprit, avec Raphaëlle Besse-Desmoulières

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pelon
 
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Message par pelon » 06 Août 2003, 21:18

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Les éléments de l'enquête sur la mort de Marie Trintignant sont accablants pour Bertrand Cantat
LE MONDE | 04.08.03 | 12h38
L'autopsie confirme la violence des coups.
Les résultats de l'autopsie et le témoignage de Vincent Trintignant, le frère de Marie, sont accablants : le chanteur Bertrand Cantat a bien porté des coups à l'origine du coma puis du décès de l'actrice Marie Trintignant, sa compagne. Et il a retardé l'intervention des secours en mentant sur la gravité de la situation au frère de la comédienne. Une semaine après les faits, les enquêteurs commencent à cerner les circonstances de la violente dispute du couple, dimanche 27 juillet, dans leur chambre d'hôtel, à Vilnius (Lituanie), où l'actrice tournait un téléfilm sur l'écrivain Colette.

Lors de son audition par la brigade criminelle, à Paris, samedi 2 août, Vincent Trintignant - présent à Vilnius comme assistant-réalisateur - a confirmé avoir été appelé au téléphone par Bertrand Cantat, vers 5 heures du matin. Le chanteur, qui avait participé à une petite fête avec d'autres membres du tournage, dit avoir giflé Marie Trintignant lors d'une dispute et demandé à son frère de venir. Quand ce dernier arrive, le chanteur le rassure, parle d'un œil au beurre noir et affirme que l'actrice dort. L'appartement qu'occupent Bertrand Cantat et Marie Trintignant dans leur résidence hôtelière comprend plusieurs pièces et l'actrice se trouve dans sa chambre, allongée dans la pénombre. Sur le moment, Vincent ne s'aperçoit pas de la gravité de son état et n'a pas de raison de mettre en doute la version du chanteur.

Bertrand Cantat entraîne alors Vincent Trintignant dans une discussion décousue où il évoque l'amour qu'il porte à sa sœur, contrarié d'après lui par la place qu'occupent le cinéma et sa famille dans la vie de l'actrice ainsi que par les liens qu'elle maintient avec son ex-mari, le metteur en scène Samuel Benchetrit. C'est d'ailleurs un message téléphonique de celui-ci à Marie Trintignant qui semble à l'origine de la dispute (Le Mondedaté 3-4 août). Dans la nuit, Bertrand Cantat passe plusieurs coups de fil à Samuel Benchetrit. Au cours de l'un d'entre eux, vers 2 heures du matin, le chanteur dit avoir giflé Marie Trintignant.

Les coups, en réalité bien plus violents, pourraient donc avoir été portés dès avant 2 heures. Vincent Trintignant l'ignore. D'après sa déposition, c'est seulement après environ deux heures passées avec Bertrand Cantat qu'il finit par vraiment s'inquiéter. En voyant une lampe mal remise à sa place, il comprend qu'il y a sans doute eu lutte dans l'appartement. Il se rend alors dans la chambre, constate que Marie Trintignant respire faiblement et qu'elle porte des traces de coup.

LOURDE RESPONSABILITÉ

Vers 7 heures, dès qu'il a compris la situation, il appelle les secours, qui conduisent l'actrice à l'hôpital, une heure plus tard. Toute responsabilité de sa part dans leur intervention tardive est a priori écartée. D'ores et déjà poursuivi pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et "non-assistance à personne en danger", Bertrand Cantat porte, lui, une lourde responsabilité dans l'intervention tardive des secours.

Les résultats de l'autopsie, vendredi 1er août, s'avèrent non moins accablants pour le chanteur. Confirmant les premières indications (Le Monde du 3-4 août), le rapport provisoire, cité par l'AFP, confirme que "l'entrée dans le coma et le décès sont consécutifs au traumatisme crânien lié à des coups" et que la victime a subi "des violences sur plusieurs points du visage". La thèse d'une chute accidentelle, défendue par Bertrand Cantat, n'est pas exclue mais ne saurait être la cause du décès.

Admis depuis vendredi 1er août à l'hôpital de la prison Lukiskiu à Vilnius, Bertrand Cantat devait recevoir la visite de son avocat français, Me Olivier Metzner, arrivé dimanche à Vilnius. Des policiers de la brigade criminelle devraient eux aussi se rendre sur place dans les prochains jours mais ils ne pourront interroger le chanteur que si celui-ci est extradé en France, comme l'ont laissé entendre les autorités françaises.

Frédéric Chambon et Piotr Smolar

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.08.03[/quote]
pelon
 
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