CITATION La photo qui pourrait coûter 36 000 euros à la LCR
LE MONDE | 21.07.03 | 14h34
C'EST une histoire d'affiche qui pourrait coûter très cher à la Ligue communiste révolutionnaire. Courant avril, la formation d'Alain Krivine et d'Olivier Besancenot tire à 20 000 exemplaires une affiche sur les retraites dans le cadre d'une campagne nationale. Pour illustrer son propos, elle utilise une photo de ses archives où l'on distingue un couple avec un enfant. Ce matériel militant commence à partir dans les sections quand un couple d'enseignants dans un établissement public de Menton (Alpes-Maritimes) appelle la LCR pour expliquer qu'il a été reconnu sur des affiches déjà collées dans la ville et que cela lui pose des problèmes.
"Immédiatement, on s'est dit qu'on avait fait une connerie. Le copain qui a eu les gens au téléphone a alerté tout le monde. On a mis le tirage initial au pilon et procédé à un nouveau tirage sans photo", explique Christian Picquet, l'un des dirigeants de la Ligue. La LCR pense que l'affaire va en rester là, mais elle reçoit, en juin, une assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Nice. Les plaignants réclament 12 000 euros par personne - parents et enfant - "à valoir sur la réparation de leur préjudice" au titre de l'article 9 du code civil sur le respect de la vie privée et de la jurisprudence sur le droit à l'image.
"La reproduction de l'image des requérants sans leur autorisation préalable leur a causé un préjudice certain", estime, dans son assignation, Me Frédéric de Baetz, l'avocat niçois des enseignants, ajoutant que leur identification sur "les affiches d'un parti politique pour le moins extrémiste a eu des répercussions graves tant sur le plan familial que professionnel". "Des parents d'élèves s'en sont émus. Ils sont gênés, car cela a suscité des questions de leur entourage comme s'ils étaient au FN", nous a-t-il précisé. Côté LCR, on juge "totalement disproportionnées" les sommes réclamées. Et l'on s'interroge sur les motivations des requérants. "La photo a été prise lors d'un meeting commun de la LCR et de LO pour la campagne des européennes, le 6 mars 1999 à Saint-Quentin, dans l'Aisne, affirme M. Picquet. On a été négligents, d'accord, mais si les gens qui viennent en famille à nos meetings se mettent à nous réclamer plus de 200 000 francs parce qu'ils se reconnaissent sur une photo, on peut mettre la clé sous la porte."
"JUDICIARISATION"
"Cela a un côté outrancier et peut créer un précédent terrible", indique, de son côté, Me Antoine Comte, avocat de la LCR, qui voit dans cette affaire à la fois "une nouvelle illustration de la tendance à la judiciarisation des litiges à des fins financières" et "une menace pour la liberté d'expression d'un parti minoritaire". Pour Me de Baetz, les sommes réclamées sont dans la norme des litiges sur le droit à l'image, soit de "12 000 à 15 000 euros par personne". Me de Baetz se défend - lui et ses clients - de toute motivation politique. "Pour l'UMP, cela aurait été la même chose", affirme-t-il.
L'audience de référé est fixée au jeudi 24 juillet.
Caroline Monnot
[/quote]