CITATION
Respecté dans la cité, Abdelaziz a été tabassé par des policiers étrangers à la ville. Polémique
Les flics d'ailleurs font la loi à Bagneux
Par Michael HAJDENBERG
mercredi 09 juillet 2003
Abdelaziz le reconnaît : il aurait pu être plus poli. «J'ai dit aux flics de dégager leur voiture. Comme ils refusaient, j'ai ajouté qu'ils allaient entendre parler de moi.» Ce soir de juin, Abdelaziz est venu accueillir son père malade, qui rentre de l'hôpital en ambulance. Mais les policiers qui stationnent dans la cité des Tertres de Bagneux (Hauts-de-Seine) «bloquent l'accès à son immeuble». Abdelaziz ne comprend pas. «Je pensais qu'ils allaient se pousser et m'aider à porter le brancard de mon père.» Tout faux. Non seulement les policiers ne bougent pas d'un centimètre, dit-il, mais lorsqu'il revient leur demander des explications, après s'être frayé un chemin, le contrôle d'identité tourne mal. «Ils m'ont fait manger le sol», raconte Abdelaziz, qui dit avoir simplement voulu sortir ses papiers. Un mois après l'incident, une boule sur le nez et un front encore entaillé témoignent de la violence de l'interpellation. Tout comme l'arrêt de travail de huit jours qui lui a été prescrit.
Mobilisation. Samedi matin, 5 juillet, ils sont une soixantaine à s'être mobilisés. Pour soutenir Abdelaziz, pour demander «l'arrêt de toutes les violences», et pour que cet incident soit le dernier du genre dans la cité, à défaut d'être le premier. Une pétition commune à cette affaire et à une autre intervention policière, a déjà recueilli près de 700 signatures, ce qui est plutôt inhabituel. Si les comités locaux d'Attac, de la LCR ou de la LDH ont mobilisé, difficile de trouver trace de jeunes du quartier. «Le samedi matin, ils dorment», sourit un manifestant. Les cris «les jeunes avec nous», lancés depuis le bas des tours, ne suffiront pas à les réveiller. Tout juste susciteront-ils quelques sourires aux fenêtres. «Ils pensent que ça ne sert à rien de manifester. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas solidai res», estime Olivier, de la LCR.
«Passé chargé». Depuis un an, Abdelaziz n'habite plus le quartier. Mais il y est toujours apprécié, y compris par les policiers de Bagneux, qui ont déjà fait appel à lui comme médiateur. Car si Abdelaziz avoue un «passé chargé», il dit s'être «rangé» depuis longtemps, lui qui, à 30 ans, est marié et père de famille. Du coup, l'incident n'a pas été compris. Jusqu'à ce qu'Abdelaziz et trois témoins expliquent : les policiers ne venaient pas de Bagneux. Ils appartiennent aux brigades départementales. «C'est la nouvelle technique du gouvernement, explique Joëlle, pendant la mar che. Ils envoient des types qui ne con naissent pas les jeunes et qui se sentent libres de faire ce qu'ils veulent.»
La version des policiers est évidemment différente. Selon eux, Abdelaziz s'est débattu. Le syndicat de police Alliance des Hauts-de-Seine explique que, «si l'individu est dur à maîtriser, il peut être légèrement secoué». En fait, le syndicat s'est surtout mobilisé sur un aspect plus politique. Après que le commissariat a refusé de prendre la plainte d'Abdelaziz pour violence policière, Janine Jambu, la députée-maire (PCF) de Bagneux, a accepté d'accompagner le plaignant au commissariat pour que la demande soit bien enregistrée. «Où va-t-on si les élus de la République se permettent d'investir les commissariats ?», se demande le syndicat dans un tract. Les policiers expliquent quant à eux que la plainte aurait dû être déposée à l'IGS (Inspection générale des services), la police des polices. Ce qui sera fait quelques jours plus tard, le temps pour l'opposition locale d'accuser Janine Jambu d'être «du côté des voyous».
Caillassage. Ces querelles politiciennes, les manifestants s'en moquent. Ils préfèrent souligner le caractère «emblématique» de la situation. Il y a moins de trois mois, des jeunes se sont déjà fait frapper par des policiers départementaux dans la cité des Brugnauts. Rien ne pouvait leur être reproché, si ce n'est le caillassage d'une voiture de police... par d'autres jeunes, quel ques minutes auparavant. Là aussi, l'IGS enquête. «Ils ont intérêt parce que, depuis que Sarko est au pouvoir, il y a des flics qui se prennent pour des cow-boys», tonne un manifestant. Un autre, incrédule : «Le lendemain de notre plainte à l'IGS, ils sont venus mettre des contraventions aux voitures dans les propriétés privées. Quand j'ai protesté, le policier m'a fait un grand sourire en pointant son flash-ball vers le ciel.» Le 19 décembre, Abdelaziz sera jugé pour outrage et rébellion.
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