a écrit :Arlette Laguiller gère au mieux son petit capital
Bertrand de Saint Vincent.
Publié le 01 mars 2007
Elle ne paie pas l’impôt sur la fortune, roule en Clio, habite aux Lilas. On lui donnerait le bon dieu sans confession. D’ailleurs, elle a fait sa première communion. Sa mère y tenait. Son père était plutôt du genre anarchiste. Arlette Laguiller ne fait plus le coup de poing depuis longtemps. Elle n’a plus besoin de parcourir la France dans tous les sens, comme ses camarades travailleurs, pour se faire admettre dans le jeu politique. C’est une vieille routarde, une rentière de la révolution. Elle a constitué son petit capital: outre un livret d’épargne de 3000 euros et un maigre Codevi, 500 signatures. Elle les a mises de côté, dans un coffre, au Crédit lyonnais, dont elle est retraitée.
C’est la récompense d’un dur labeur. Car la principale activité de la dame des Lilas, depuis environ trente-cinq ans, est d’être candidate. À l’élection présidentielle ou aux européennes.
Sa première participation, sous la bannière de Lutte ouvrière, date de 1974. Pionnière dans la course à l’Élysée, elle dépassa les 2% de voix et se fit un prénom. Depuis, elle n’a pas raté
une compétition. Elle a annoncé que celle-ci serait la dernière. Pour son ultime combat, cette sexagénaire indigne, mamie Nova sortie de ses gonds, piétine, loin du cap (de bonne espérance) des 5,72% de voix atteint en 2002. Sa candidature s’est normalisée. Elle fait partie du casting, pour ne pas dire des meubles. Lundi soir, sur TF1, temple de la consommation, elle a répondu sans rien casser aux questions des invités, dans le sillage de François Bayrou, Dominique Voynet, José Bové. Il était tard, elle dut avoir l’illusion de vivre le grand soir. Dans un frémissement, elle a promis le smic à 1500 euros pour tout de suite, l’interdiction des licenciements, l’abolition de toutes les réformes Raffarin, Fillon, Balladur. Un grand coup de fusil, pour revenir en arrière. Encore une adepte de la nostalgie. Avec un peu d’élan, elle serait capable de nous faire sauter jusqu’en 1917. Ce temps béni où Lénine, Marx et Trotski libéraient l’homme du capitalisme. Malgré ses idées, tranchantes comme la lame d’une guillotine, Arlette Laguiller reste populaire. À sa manière, modeste et gouailleuse, c’est une star. Alain Souchon lui a composé une ode, les Français la trouvent sincère, dévouée à sa cause; ils pensent qu’elle croit vraiment ce qu’elle dit. Pour attirer la sympathie, il eut mieux valu qu’elle n’y croit pas.