Chirac et les ArabesL'ennemi déguisé en ami

Message par Louis » 12 Avr 2003, 12:41

L'ennemi déguisé en ami


Grâce à sa posture antiguerre, Chirac s'est attiré la sympathie d'une partie des Arabes, en France comme à l'étranger. L'auteur revient ici sur ce phénomène.

Chirac est très populaire parmi les Arabes et les musulmans à l'étranger et en France. Il a été ovationné à Gaza, dans les quartiers populaires de Bab-El-Oued à Alger. Les youyous des femmes d'origine maghrébine l'ont accueilli sur la place de la République, le 5 mai 2002. De nombreux jeunes Français d'origine maghrébine, Arabes et musulmans plus âgés, le considèrent comme le héros de la lutte contre l'humiliation, contre l'arbitraire de la puissance impérialiste étatsunienne. Chirac est bien déguisé.

Avec les Palestiniens ?

Voici comment les chef du parti chiraquien s'adressent aujourd'hui au "boucher de Sabra et Chatila", au massacreur des Palestiniens : "L'UMP félicite le Premier ministre israélien Ariel Sharon pour sa victoire lors des élections législatives" (communiqué du 30 janvier 2003).
La France est le troisième partenaire d'Israël pour la coopération scientifique et technique. Dans le cadre de l'Union européenne, elle maintient l'accord Euromed et en particulier l'accord spécifique signé en 1996 avec Israël, qui font de l'Etat sioniste un partenaire économique et commercial privilégié. Toutes les protestations contre cet accord ne font pas bouger Chirac d'un pouce. Le gouvernement israélien peut massacrer les personnes et nier les "droits de l'Homme" quant il s'agit des Palestiniens, Chirac lorgne sur les profits avant tout.
Chirac a toujours approuvé la guerre contre l'Irak, en 1991, qui a fait plus de 150 000 morts civils et a rejeté ce pays dans une ère préindustrielle. L'Elysée a aussi toujours soutenu le programme onusien "Pétrole contre nourriture" et les sanctions infligées par l'ONU, responsables de la mort de plus de 500 000 enfant irakiens.
Le chef de l'Etat reste l'allié des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Il a toujours envisagé un nouveau recours à la guerre contre l'Irak comme dernière solution. Il autorise le survol du territoire français par les avions bombardiers qui vont semer la terreur en Irak. Alors que les troupes britanniques massacraient la population de Bassora en Irak, début avril, il adressait un message de regret et de solidarité... à la reine d'Angleterre : "Je peux vous dire qu'au moment où vos soldats sont engagés au combat, les pensées des Français leur sont naturellement consacrées."
La divergence entre la France et la coalition anglo-étatsunienne est due à de sordides intérêts pétroliers et financiers. En 2001, Total et Elf (désormais TotalFinaElf) avait signé, pour après la levée des sanctions, un accord d'exploitation des énormes champs pétrolifères de Majnoun et Nahr Omar dans le Sud de l'Irak. L'intervention anglo-étatsunienne remet tout en cause, en particulier ce qu'un expert du pétrole appelait "le boum qui nous attend". Et puis, le chef de l'Etat a l'oeil rivé sur les contrats dont les capitalistes français pourraient bénéficier pour la reconstruction d'un pays dévasté. C'est pourquoi il préfère que cela se fasse sous la houlette de l'ONU et non au seul profit de l'impérialisme étatsunien.

Contre le racisme ?

Pendant la campagne présidentielle est apparu le mythe d'un Chirac antiraciste, mythe qu'il tente de réanimer aujourd'hui à des fins diplomatiques (voir les nouveaux contrats français avec la Libye). Il n'a pourtant jamais hésité à utiliser le racisme pour servir sa politique. Le 19 juin 1991, il déclarait : "Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs. [...] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler... si vous ajoutez le bruit et l'odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou."
Chirac a rencontré à deux reprises Le Pen, par l'entremise de son bras droit de l'époque, Pasqua. Il voulait récupérer une partie de l'électorat raciste du chef fasciste. Aujourd'hui, son ministre de l'Intérieur, Sarkozy, procède à l'expulsion d'immigrés par centaines, au moyens de "vols groupés" hebdomadaires (les fameux "charters" racistes de Pasqua). Chirac et Sarkozy font du Le Pen sans Le Pen.
Pour la première fois, semble-t-il, la communauté musulmane, au même titre que les autres communautés religieuses, est reconnue officiellement. Un Conseil national du culte musulman (CNCM) sera mis en place à la suite des scrutins des 6 et 13 avril 2003. Est-ce la fin d'une discrimination historique ? L'objectif est bien différent. Le CNCM est une structure antidémocratique. Presque aucune de ses instances dirigeantes n'est élue. Le bureau est désigné pour un mandat de deux ans. Le Conseil est composé par accord et non par les résultats du suffrage. Les lieux de culte sont représentés en fonction de leur surface et non de leur fréquentation, prime aux notables et bourgeois musulmans. Les électeurs sont désignés par les mosquées. Au terme du processus électoral, ils n'auront été que quelques milliers. Chirac veut donner rapidement une voix à une bourgeoisie et à une petite bourgeoisie musulmanes qui lui servent de relais idéologiques dans les milieux bourgeois et les quartiers populaires musulmans.

Abattre le masque

Chirac est un des représentants historiques de la bourgeoisie française, conscient de sa force très relative. Puissance mondiale mais de seconde zone, l'Etat français est dépendant de parts de marchés anciens (Afrique, Moyen-Orient) plus que de marchés émergents. S'il était marginalisé au Moyen-Orient, le coup serait très rude. C'est ici que sa rhétorique "pro-arabe" trouve ses racines.
De nombreux jeunes beurs, enfants de prolos les plus opprimés, se politisent. C'est une chance historique. Mais ils sont souvent influencés par les versions occidentale et musulmane de l'idéologie chiraquienne. C'est la faillite historique de la gauche réformiste française, son anti-impérialisme et son antiracisme de pacotille qui expliquent le succès d'un tel personnage. C'est à la gauche révolutionnaire de relever le défi et de lever bien haut le drapeau de la lutte contre toutes les oppressions, quelles qu'elles soient, y compris religieuses. Chirac est l'ennemi des salariés et des pauvres, arabes et musulmans compris, à Gaza comme à Paris, en Côte-d'Ivoire comme lors des sommets européens, dans les entreprises, les rues comme dans les urnes.

Hassan Berber.
Louis
 
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