Chérèque et la sécurité de l'emploi

Message par faupatronim » 07 Avr 2003, 10:08

Chérèque et la sécurité de l'emploi
propos recueillis par Julie Joly et Corinne Lhaïk




Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, veut obtenir de nouvelles garanties pour les salariés du privé. Il en livre le détail à L'Express




Quelle est votre analyse de la situation de l'emploi?

Le chômage augmente depuis bientôt deux ans et le gouvernement semble le découvrir à la faveur des derniers plans sociaux, alors que nous sommes depuis vingt ans dans une économie en perpétuelle adaptation. A cela s'ajoute l'actuelle incertitude internationale et le fait que certaines entreprises n'acceptent plus de subir des moments difficiles, obnubilées par leurs résultats à court terme.

La suspension du volet antilicenciements de la loi de modernisation sociale a-t-elle été un facteur aggravant?

Elle a surtout eu un effet d'attentisme sur le Medef, qui a espéré la suppression pure et simple de cette loi, et retardé d'autant l'ouverture d'une négociation sur l'emploi, comme nous le réclamions. Huit mois perdus!

Pour lutter contre les licenciements, le président de la République a parlé d' «assurance-emploi». Qu'en pensez-vous?

C'est un concept très attrayant, mais dont on n'a pas bien vu le contenu jusqu'à présent. Nous, nous voulons lui en donner. Nous voudrions que chaque salarié soit doté de quatre atouts, pour assurer une plus grande sécurité de l'emploi à chacun: le droit à une formation initiale, à la sortie du système scolaire - là, la responsabilité de l'Etat est totalement engagée; le droit à une formation tout au long de sa vie; le droit au reclassement au moment d'un éventuel licenciement, et ce sujet sera au c½ur de la négociation qui s'ouvre le 3 mars; enfin, quatrième atout, le droit de tout salarié licencié à un accompagnement vers un nouvel emploi - notamment à travers le Pare.

«Il faut anticiper les restructurations des grandes entreprises»
Vous parlez de «sécurité de l'emploi». Que voulez-vous dire en utilisant cette expression réservée aux fonctionnaires?


Il ne s'agit pas de donner de faux espoirs aux salariés en leur laissant croire que, une fois sortis du système scolaire, ils seront pris en charge jusqu'à leur retraite. Notre objectif, avec ces quatre atouts, est d'apporter des garanties à chaque étape de la vie professionnelle sous la forme d'un capital formation.

Concernant la formation initiale, quelles sont vos propositions?

Entre 60 000 et 80 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, c'est énorme. Il faut, en particulier, développer les formations en alternance et l'apprentissage, y compris pour des métiers où cela n'existe pas encore, sujet que nous allons négocier avec le Medef. Le gouvernement peut faire des ouvertures en termes financiers, pour y aider.

Vous allez négocier, sur les plans sociaux, avec le Medef, à partir du 3 mars. Comment améliorer la situation du salarié licencié?

Il faut anticiper les restructurations des grandes entreprises, sans oublier les 85% des licenciements économiques, qui concernent les salariés des petites entreprises, sans plan social. En France, nous ne savons que jouer les pompiers et, de ce fait, nous avons beaucoup de mal à réemployer tout le monde: on le voit bien avec Moulinex, Bata, etc. Nous souhaitons qu'un code de bonne conduite permette de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard. Cela nécessite de la clarté dans les comptes, de la confiance entre partenaires sociaux et éventuellement le courage de restructurer avant l'apparition des difficultés.

Y compris pour une entreprise qui fait des bénéfices?

C'est quand l'entreprise a les moyens financiers qu'il faut les utiliser, pas quand elle ne les a plus!

Et pour les petites entreprises?

Il faut que la responsabilité des grandes entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants soit engagée. Quand Peugeot resserre les finances de ses fournisseurs, ce sont eux qui licencient. Par ailleurs, il faut trouver une manière de mutualiser les moyens des entreprises, par exemple, au niveau d'un bassin d'emploi, pour aider les salariés des plus petites sociétés. Enfin, il faut responsabiliser les entreprises sur les reconversions de site. Quand un grand groupe ferme une unité, il doit aider à la création de nouveaux emplois, comme Danone essaie de le faire à Evry ou à Calais.

Sur ces sujets, quels pourraient être les points de blocage entre vous et le Medef?

Le patronat acceptera-t-il de jouer le jeu de la transparence des comptes? Nous regrettons que la loi sur la sécurité financière ne traite que des relations avec les actionnaires et pas de celles avec les acteurs sociaux. Et puis, l'idée de responsabiliser les grandes entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants, cela n'ira pas de soi!

Comment améliorer la formation tout au long de la vie?

Nous proposons que tous les salariés bénéficient, à différentes étapes, de bilans de compétence, d'évaluation de leurs acquis et de formations. Et que ces avantages ne soient pas réservés, comme c'est le cas actuellement, à ceux qui possèdent déjà une bonne formation d'origine - chaque salarié aurait son «passeport formation», comme un carnet de santé qui le suivrait d'une entreprise à l'autre. Aujourd'hui, si vous changez d'entreprise, on vous dit: «Vous êtes nouveau, vous devez attendre votre tour.» Et si vous changez de branche, c'est encore pire, car ce n'est plus le même fonds de formation qui paie!

La formation se fera-t-elle pendant le temps de travail?

C'est un débat. Dans les cas où la formation ne relève pas d'un plan d'entreprise, mais d'une démarche volontaire, nous sommes prêts à discuter de la participation du salarié: on peut, par exemple, envisager qu'elle se fasse hors temps de travail. Mais à deux conditions: la formation doit être qualifiante et garantir une évolution de carrière pour le salarié. Ce sera un des points durs de la négociation avec le Medef.

Dans le contexte actuel, comment jugez-vous l'efficacité du Pare?

Il a été créé à un moment où la croissance était forte et les offres d'emploi nombreuses. Mais il atteint son rythme de croisière en une période de difficultés conjoncturelles. Le Pare ne peut donc pas répondre, seul, à toutes les difficultés. D'où la nécessité de réfléchir aux «contrats de site», proposés par le gouvernement, compléments utiles au Pare au niveau local ou régional.

L'ANPE s'est-elle suffisamment impliquée dans la mise en ½uvre du Pare?

Aujourd'hui, les résistances culturelles sont surmontées. Il faudra évaluer l'impact des 3 600 emplois affectés à l'ANPE et financés par l'Unedic pour appliquer le Pare. De son côté, le gouvernement doit réfléchir aux moyens qu'il veut donner au service public de l'emploi.

Avez-vous le sentiment que le gouvernement se décarcasse pour l'emploi, comme Jean-Pierre Raffarin vient de le demander à ses ministres?

Je ne suis pas sûr que derrière les mots il y ait une réalité. Il y a trois semaines, le ministre du Budget a annoncé le gel de 23% des dépenses de la politique de l'emploi; le gouvernement a supprimé les emplois-jeunes; il n'a pas affecté de moyens au Civis, ce contrat destiné aux jeunes qui ont un projet; enfin, il dit vouloir créer des «contrats de site» pour les zones industrielles sinistrées, mais je n'ai pas vu le moindre euro affecté à cette cause. Je constate que les intentions sont louables, mais que les moyens financiers ne sont pas là. Le gouvernement devrait privilégier l'emploi au lieu des baisses d'impôt, qui ont provoqué une hausse de l'épargne de 5% et non la relance de la consommation promise.

Qu'attendez-vous de la prochaine conférence sur l'emploi et la formation annoncée par Jean-Pierre Raffarin?

Qu'elle permette de distinguer ce qui relève du gouvernement d'un côté, des syndicats et du patronat de l'autre, et que le gouvernement nous laisse clairement l'autonomie sur les deux chantiers qui relèvent de notre responsabilité: les plans sociaux et la formation. Quitte à ce qu'il nous demande d'accélérer le pas. Nous pourrions alors nous retrouver plus tard pour faire le point sur l'ensemble de ces sujets et nous engager sur un pacte pour l'emploi, en parallèle à la négociation des retraites. Car les deux sujets sont, en partie, liés: nous avons besoin d'une discussion avec les entreprises et avec l'Etat sur l'emploi des 50-60 ans. Nous voulons également profiter de cette conférence pour rappeler au gouvernement qu'il doit aussi travailler pour l'emploi, au niveau de l'Europe, notamment par une véritable politique économique et sociale.
faupatronim
 
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