Philippe Herzog, du Parti communiste au coeur du grand capit

Message par Combat » 25 Mai 2006, 20:56

Un article du monde:

Les yeux bleu gris ne scillent pas : "Du Parti communiste à la Bourse ? Je vous assure qu'il n'y a rien de contradictoire dans mon évolution." Cette question, l'économiste, 66 ans, dont presque trente de fidélité au Parti communiste français (PCF), a dû l'entendre des dizaines de fois. Et il risque de l'entendre encore souvent : il vient d'accepter la présidence de l'Institut pour l'éducation financière du public, une association mise sur les rails par l'Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme de la Bourse.

Parcours
1940
Naissance à Bruay-en-Artois (rebaptisée Bruay-la Buissière, Pas-de-Calais).

1959
Sort de l'Ecole polytechnique.

1965
Prend sa carte au Parti communiste français (PCF).

1989
Tête de liste du PCF, il est élu député européen.

1996
Quitte le PCF.


2006
Il est nommé président de l'Institut pour l'éducation financière du public.

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Autant dire qu'il a pactisé avec le grand capital, à la source de tous les maux, selon l'orthodoxie marxiste. Sans s'impatienter, à sa manière, discrète mais convaincue, voire passionnée, Philippe Herzog explique comment il arrive à concilier des visions sociales et économiques apparemment incompatibles.

En bon cartésien, ce polytechnicien - de la même promo que Francis Mer - commence sa démonstration par un de ses mots-clés : la "participation". Celle des ouvriers à la gestion des entreprises, des citoyens aux prises de décision politiques. C'est pour cet idéal qu'il prend sa carte au PCF, en 1965. Il a alors 25 ans, est administrateur à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), où il se passionne pour les modèles prévisionnels des comptes de la nation. Le jeune intellectuel n'a pas encore lu Le Capital mais va vers le "parti des travailleurs", parce qu'il est persuadé que "les cadres doivent travailler avec les ouvriers".

La brillante recrue devient vite un grand commis du parti. Il participe à la rédaction du programme commun de gouvernement (signé par le PCF, avec le PS et le Mouvement des radicaux de gauche en 1972), intègre le comité central en 1972, le bureau politique en 1979. Il en garde un bon souvenir. A la tête de la section économique du comité central, un "Etat dans l'Etat", l'économiste bouillonnant d'idées joue l'électron libre. "Les dirigeants du parti m'ont laissé faire, raconte-t-il, parce qu'ils étaient dans une logique d'alternance par rapport aux gouvernements d'alors, mais aussi parce que mes idées rejoignaient celles d'une minorité importante de militants, partisans de l'autogestion."

C'est le début des années 1980 qu'il juge le plus "fructueux" dans sa carrière politique. Quatre ministres communistes entrent au gouvernement de Pierre Mauroy, en 1981. "Nous devions faire face à des problèmes concrets tous les jours", se rappelle-t-il. C'est l'époque des restructurations industrielles du Nord et de l'Est de la France. L'économiste passe du temps dans les entreprises, mettant en pratique ses convictions participatives en tentant d'imaginer avec les salariés des solutions alternatives à la fermeture des sites de production. Il a grandi au coeur du bassin industriel lorrain, se sent proche de ses interlocuteurs.

Son père, brillant chimiste émigré de Croatie, a terminé sa carrière comme directeur de recherche chez Pont-à-Mousson. Sa mère est issue d'un milieu modeste (son grand-père était contremaître à la mine de Bruay-en -Artois). "Nous avions plus d'amis ouvriers que cadres", se souvient-il.

Sa foi dans le parti s'émousse à partir du milieu des années 1980. Quand les ministres communistes décident de ne pas participer au gouvernement Fabius, en 1984, Philippe Herzog se retrouve en porte-à-faux avec le reste du bureau politique, qui "ne s'inscrit plus que dans la critique". La vraie rupture intervient sur la façon de mener la campagne pour les élections européennes de 1989. Tête de la liste communiste, Philippe Herzog défend une campagne jugée pas assez critique de l'Europe libérale.

La création par l'économiste de l'association Confrontations Europe, en 1991, provoque des remous chez ses camarades. Et pour cause. Ce think tank, toujours très couru aujourd'hui, est d'emblée fréquenté par des communistes contestataires (l'apparenté communiste Jean-Pierre Brard, maire de Montreuil) et des grands patrons (Jean Peyrelevade, alors président de l'UAP). Pourtant, Philippe Herzog ne quittera la Place du Colonel-Fabien qu'en 1996. "Si j'ai tenu aussi longtemps, c'est parce que j'avais du pouvoir et de solides amitiés à la base", avance-t-il. "C'est difficile de renoncer à un appareil où il suffit d'être conformiste pour faire carrière", relève Jean Peyrelevade. Issus de la même école, les deux hommes s'apprécient.

Aujourd'hui, Philippe Herzog reconnaît s'être "trompé de boutique", et fustige un PCF qui, selon lui, a été capté par le bolchevisme, une "forme primitive de l'étatisme". Robert Hue, avec qui il dit ne s'être "pas trop mal entendu", garde de lui le souvenir d'un homme "rigoureux, qui a enrichi le débat au sein du parti". L'ex-secrétaire général du parti, aujourd'hui sénateur, rappelle cependant que si M. Herzog a souvent été en opposition avec le reste du bureau politique, "il a parfois été l'un des bons élèves de la classe".

L'Europe a agi sur lui comme une thérapie. "Elle m'a permis de retrouver une utopie", assure-t-il. Au Parlement de Strasbourg, il a découvert d'autres députés qui partageaient son objectif : concilier économie de marché et convictions de gauche. "J'ai surtout saisi que, pour avoir une chance de réformer le marché, il fallait en comprendre les mécanismes. Crier à l'horreur économique, c'est complètement contre-productif", dit-il.

Où l'on retrouve les convictions du politique, qui refuse de laisser aux experts le soin de trancher sur des questions techniques. A côté de thèmes sur lesquels il était plus attendu (il était rapporteur du Parlement sur l'avenir des services d'intérêt général en Europe), il ferraillait avec la socialiste française Pervenche Berès, contre les députés libéraux britanniques, sur les sujets financiers les plus ardus. Directive sur les marchés d'instruments financiers, déminage de la directive sur les offres publiques d'achat (OPA)...

Le président de l'Institut pour l'éducation financière du public va devoir imaginer des moyens de former à grande échelle les Français aux subtilités de la finance. Il s'agira de "protéger les épargnants, mais aussi de moderniser leurs comportements", selon Michel Prada, président de l'AMF. Philippe Herzog ne craint-il pas d'être instrumentalisé par le gendarme boursier ? "Il est hors de question de pousser les Français à investir en Bourse. Je suis partisan d'une information qui leur permette d'être plus libres de leurs choix." Et de conclure : "Je garde de Marx la faculté de critique du capitalisme."
Combat
 
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