J'ai la haine contre la police et la justice

Message par Combat » 22 Mai 2006, 19:23

Les émeutes, la prison... et maintenant ?
LE MONDE | 22.05.06 | 13h38 • Mis à jour le 22.05.06 | 13h38
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On les avait laissés au moment de leur condamnation pour les violences commises pendant la "crise des banlieues" d'octobre- novembre 2005. Six mois après, la plupart ont terminé leur détention et ont retrouvé leur cité. Beaucoup refusent de parler, trop éprouvés par la prison, le sentiment d'injustice ou l'impression que tout cela n'a servi à rien. Les rares qui s'expriment, à condition de rester anonymes, disent leur haine de la police et de la justice, leur incompréhension, leurs difficultés et, pour certains, leur désir de rebondir.




"JE N'AI RIEN À PERDRE"
Belkacem N., 20 ans, cité des Bosquets à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), condamné à deux mois de prison ferme.

Le jeune homme a l'habitude de voir les passants changer de trottoir ou détourner le regard quand ils le croisent. Une précaution face à cette caricature de la "racaille" : carrure d'athlète, lunettes de soleil aux montants dorés sur son crâne rasé, survêtement blanc immaculé, veste sombre.

Belkacem a été condamné, en novembre 2005, pour violences sur agents. Des policiers l'ont reconnu alors qu'il lançait des projectiles sur les forces de l'ordre au cours des premières nuits d'émeute à Clichy-sous-Bois et Montfermeil - ce qu'il conteste formellement, défendu par "un avocat des Champs-Elysées". Le jeune homme a été libéré à la mi-décembre 2005. Depuis, il laisse le temps filer, déprimé, défaitiste, sans travailler ni suivre de formation. Il dit avoir "la haine des flics" et ne plus croire dans la justice.

Couché à 4 heures du matin, après avoir traîné dans la cité avec ses amis, levé à 13 heures, il porte un regard très sombre sur lui-même. Non pas que la prison l'ait traumatisé : sa première expérience carcérale remonte à 2001 - à 14 ans -, pour une condamnation à sept mois ferme pour des bagarres entre bandes et des vols avec violence. Mais plutôt parce qu'il comprend très bien qu'avec son casier judiciaire et son niveau scolaire (BEP), son avenir est bouché.

Toujours logé chez ses parents, il "se débrouille" pour gagner un peu d'argent en faisant du trafic - de la revente d'objets notamment. "Je n'ai pas de femme, pas d'appart', pas de travail, pas le permis. Ça veut dire que je n'ai rien à perdre. La génération après moi, dans le quartier, ils croient que je suis un prince parce que j'ai de l'argent, une belle veste. Ils veulent devenir comme moi alors que je suis le plus gros clochard de la Terre."

Son seul espoir est politique : à peine sorti de prison, il s'est inscrit sur les listes électorales pour faire entendre la voix des banlieues.


"MON DOSSIER EST SALI"
Messaoud M., 20 ans, Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), condamné à deux mois de prison ferme.

Il a été interpellé et jugé en même temps que Belkacem pour des motifs identiques. Lui n'a pas eu les moyens de payer un avocat et s'est contenté de celui commis d'office. Ses parents ignorent qu'il a été condamné. "Mon dossier est sali. Quand je vais chercher du travail, ce sera plus comme avant", se désole-t-il au sortir de sa première expérience carcérale.

Il voit notamment se fermer les portes de l'emploi à l'aéroport de Roissy, souvent perçu comme un eldorado par les jeunes de la Seine-Saint-Denis. Ses ennuis judiciaires ne s'arrêtent pas là : il est convoqué devant le tribunal correctionnel de Bobigny le 31 mai afin d'être jugé pour outrage à agent. Dans cette affaire aussi, il affirme être poursuivi à tort.

Les émeutes ont accentué les tensions avec la police. "C'est encore pire qu'avant. Ce sont les CRS qui patrouillent dans le quartier et qui nous parlent comme à des chiens."

Son parcours scolaire ne le sauvera pas. Messaoud a arrêté l'école en classe de 4e et a uniquement travaillé sur les marchés avec un oncle. "Les agences d'intérim me rappellent jamais." Il voudrait passer son permis et se dit prêt à travailler "n'importe où" même s'il préférerait trouver un emploi dans le commerce.


"JE REVIENDRAI EN FRANCE"
Aubin M., 21 ans, Reims, condamnéà quinze jours ferme.

Il répond sur son téléphone portable entre deux cours à l'Alliance française, à Accra, au Ghana. Car sa vie a complètement basculé avec les émeutes. Jusqu'en novembre 2005, il était un étudiant sans histoires, arrivé du Bénin en 2003, en langues étrangères appliquées (LEA) à l'université de Reims. Un soir de violences urbaines, il a été interpellé, accusé d'avoir incendié deux poubelles. En comparution immédiate, le tribunal correctionnel de Reims l'a condamné à deux mois de prison dont quinze jours ferme.

Lui dément toute participation aux violences : "Je n'ai pas fait appel, mon avocat commis d'office me l'avait déconseillé." Il le regrette amèrement aujourd'hui : après sa condamnation, la préfecture de la Marne a décidé de ne pas renouveler son titre de séjour en France. A la mi-février, la police l'a reconduit au Bénin, où vit une partie de sa famille.

Depuis, il a repris ses études au Ghana. "J'y reste deux ans et après je compte aller aux Etats-Unis", explique le jeune homme, dont la mère est médecin et le père enseignant. Il promet de rebondir : "Je prouverai aux autorités françaises que je suis capable de faire quelque chose. Et je reviendrai en France."


"J'AI LA HAINE CONTRE LA POLICE ET LA JUSTICE"
Nizar B., 20 ans, cité de la Berthe, à la Seyne-sur-Mer (Var), six mois ferme.

Sans casier judiciaire, inscrit en BTS, des frères et soeurs étudiants, Nizar n'avait jamais été placé en garde à vue avant les émeutes. Des policiers l'ont vu jeter des projectiles dans un quartier de La Seyne-sur-Mer. Sur la foi de leurs témoignages, qu'il conteste, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulon.

L'expérience fut pénible. "Surtout quand vous voyez votre famille au parloir." La douleur de décevoir ses parents. "Heureusement, il y avait quelques personnes du quartier. Dans ces cas-là, on se raccroche à ce qu'on peut."

Nizar n'a pas abdiqué : ses parents l'ont inscrit à une formation à distance et lui ont acheté des livres. Pour un test d'entrée dans un lycée professionnel, il a bénéficié d'une permission d'une journée. "Il a eu 15 sur 20", indique son père, Mohamed, français depuis trente ans, originaire de Tunisie.

Sa libération est intervenue après quatre mois et demi de détention. Le lendemain, il s'inscrivait pour un baccalauréat professionnel. Mais le sentiment d'avoir été condamné "pour l'exemple" le révulse. "J'ai la haine contre la police et la justice", dit-il. Surtout, il craint chaque contrôle d'identité : "Je sais que tout peut basculer et que je peux me retrouver, sans raison, au poste puis devant un juge."
Combat
 
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Message par Matrok » 22 Mai 2006, 19:30

(Combat @ lundi 22 mai 2006 à 20:23 a écrit : Lui dément toute participation aux violences : "Je n'ai pas fait appel, mon avocat commis d'office me l'avait déconseillé." Il le regrette amèrement aujourd'hui : après sa condamnation, la préfecture de la Marne a décidé de ne pas renouveler son titre de séjour en France. A la mi-février, la police l'a reconduit au Bénin, où vit une partie de sa famille.
:bleu-vomi:
Matrok
 
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Message par branruz » 22 Mai 2006, 20:20

Intéressant mais le témoignage de Nizar n'est pas crédible : il dit être inscrit en BTS or il n'a même pas le Bac pro qu'il dit devoir passer. Le Monde devrait vérifier ses sources.
branruz
 
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Message par artza » 22 Mai 2006, 20:38

Une chose semble sur ces jeunes ont été condamné uniquement sur des témoignages de policiers et pour des faits somme toute bénins. "Jets de profectiles", sur les forces de l'ordre celà devient "violences à agents", ou incendies de poubelles.

Ils l'ont peut-être fait,peut-être pas. Est-ce que celà mérite la prison?

Il s'agit bien comme le dit l'un d'entre eux de condamnations pour l'exemple.
artza
 
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Message par Wapi » 22 Mai 2006, 22:11

branruz
a écrit :Intéressant mais le témoignage de Nizar n'est pas crédible : il dit être inscrit en BTS or il n'a même pas le Bac pro qu'il dit devoir passer. Le Monde devrait vérifier ses sources.


Euh ... ce n'est vraiment pas le coeur du sujet, mais sur ce point, ce scénario est possible.

Il existe des BTS privés, en alternance ou par correspondance dans lesquels on peut "s'inscrire", même sans avoir le bac. En fait, on repasse son bac en candidat libre la première année de BTS (c'est une formation en deux ans).

N'ayant pu suivre sa formation prévue, et ayant trop de retard pour repasser son bac, le jeune (re)change d'orientation et prépare un bac pro. Non seulement c'est crédible, mais c'est assez courant en fait.

Voilà pour le hors sujet ... et la vérification des sources, sur ce point-ci.
Wapi
 
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Message par logan » 30 Nov 2006, 19:33

Des peines incroyablement lourdes.
Plusieurs années de prison pour des jeunes dont personne ne sait vraiment ce qu'ils ont fait durant les émeutes.

a écrit :De 18 mois à 5 ans de prison pour les émeutiers d'Evreux

Par Serge ARNOLD

EVREUX (AFP)

Huit des 12 émeutiers du quartier de la Madeleine, qui comparaissaient depuis lundi devant le tribunal correctionnel d'Evreux, ont été condamnés mercredi soir à des peines allant de 18 mois à 5 ans de prison ferme.

Le jugement a été accueilli par les pleurs des familles des prévenus dans un Palais de justice investi par d'importantes forces de police interdisant l'entrée à une centaine de proches, qui ont attendus dehors pendant les quatre heures et demi du délibéré.

Le jugement ne correspond pas aux réquisitions du procureur de la République, Jean Berkani, qui avait requis des peines allant de trois à six ans de prison contre ces jeunes, accusés d'avoir blessé des policiers et brûlé des commerces lors de la "terrible nuit" du 5 au 6 novembre 2005, en pleine crise des banlieues.

Quatre relaxes ont été prononcées, contre une demandée par M. Berkani. La personne contre laquelle le procureur avait requis la peine maximale de six ans de prison a été relaxée.

Les avocats de la défense avaient, eux, demandé la relaxe de tous les prévenus contestant qu'ils aient pu être identifiés avec certitude.

"Un message doit être adressé à la population qui aspire à la tranquillité", a déclaré Jean Berkani, au dernier jour du procès. Les habitants de La Madeleine, "veulent vivre en paix" et "ne veulent plus avoir la peur au ventre".

"On était pas dans la violence urbaine, on était dans la guérilla urbaine", avait déclaré durant le procès le directeur départemental de sécurité publique, Frédéric Auréal, qui a dirigé 30 hommes face à près de 200 "individus qui voulaient casser du flic".

Ils ne s'agit pas de "faire payer" les prévenus pour les 150 à 200 personnes ayant participé aux violences de cette nuit-là, a clamé Me Xavier Hubert, l'avocat du prévenu contre lequel avaient été requis six ans de prison et qui a été finalement relaxé.

L'unique relaxe demandée par le procureur était pour un jeune homme, l'un des rares à ne pas avoir de casier judiciaire. Le matin du 5 novembre, ce jeune s'était levé à 05H00 pour travailler, contrairement aux autres prévenus qui ont très peu ou pas du tout travaillé dans leur vie et se réveillaient dans l'après-midi, parfois à 17H00. "Des habitudes de vie qui ne sont pas en harmonie avec le fonctionnement ordinaire d'une société... un mode de vie qui mérite qu'on s'attache à le remettre en ordre", selon M. Berkani.

Par ailleurs, la femme de 55 ans, 13e prévenue de l'affaire poursuivie pour "non assistance à personne en danger", a été relaxée conformément aux réquisitions du procureur. Elle était accusée de n'avoir pas alerté les autorités que des cocktails Molotov étaient fabriqués dans son immeuble.

Il semble que cette femme, transportée à l'hôpital mercredi après avoir été victime d'un malaise au tribunal, se soit tue par peur de sa fille et du petit ami de celle-ci, leader présumé de la "guérilla urbaine" d'Evreux.

yahoo-AFP
logan
 
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