Articles de sociologues plutôt sympa

Message par Cyrano » 15 Déc 2005, 10:23

Gipsy, tu nous dit que Beaud et Pialoux «reconnaissent l'appartenance des émeutiers à la classe ouvrière!» Et tu ponctues par un "!"… (sous-entendu: y'a des pommes qui n'y voient rien...)
Ecrire ainsi l'affaire me semble tiré par les cheveux.

Le terme "émeutiers" ne te semble-t-il pas abusif?…
J'ai ouvert mon dico, et je lis :
"emeu : Grand oiseau ratite d'Australie aux ailes rudimentaires".
Donc, on voit bien, à l'évidence, que les "ailes rudimentaires"… que? euh? oh, excuses ! attendez, j'me suis trompé de ligne… Je recommence :
"Emeute : Soulèvement populaire spontané."
Et of course :
"émeutier, ère: personne qui participe à une émeute." (bon, déjà, là, on pourra enlever l'option "ère", puisque comme le dit avec amertume une jeune fille citée dans l'article, pour l'option "ère", c'est le couvre-feux permanent.)

Le terme "émeute" me semble alors inadéquat pour qualifier ce qui s'est vu il y a quelques semaines. A la rigueur, on pourrait l'admettre pour Clichy. On a un quotidien usuel : une "guérilla" entre la police et des groupes de jeunes (par "les" jeunes…), un véritable jeu de "gendarmes et voleurs", où il est bien difficile de repérer qui est l'œuf, qui est la poule (qui est le "poulet", j'allais écrire). Et alors, combien de fois, depuis quelques années, avons-nous eu ce genre de réactions suite à un événement dans une banlieue, que ce soit suite à un accident ou à un contrôle policier qu'a mal tourné?
Comment parler d'émeutes sans émeutiers pour qualifier ce qui s'est passé fin octobre et début novembre?

Gipsy, imagine un instant… imagine que tu rencontres un navigateur solitaire qu'avait pas de radio à bord, pas de télé, ni téléfon, rien, et qui arrive à terre, imagine que tu veuilles lui parler des brûlages de poubelles, voitures, édifices, ou d'un fauteuil abandonné sur le trottoir. Si tu lui dis qu'il y a eu des "émeutes" dans plein, plein de communes de France, dans presque toutes les zones sensibles de France, imagine ce que le terme "émeute" fait croire à notre navigateur solitaire? Quand il va s'informer de la réalité, il va déchanter!
Bon sang, Gipsy, ressens-tu que le terme est abusif et que l'utiliser c'est vouloir faire croire qu'ils s'est passé autre chose que ce qui s'est réellement passé ?
Et le jour où y'aura des émeutes, alors, on écrira quoi?


Tu écris que nos sociologues «reconnaissent l'appartenance des émeutiers à la classe ouvrière!»
La belle affaire, pardi!

Tes "émeutiers" sont-ils fils de petits commerçants ou artisans ? fils de paysans ? fils de docteur, ou de petits chef dans une banque ou une entreprise ? Ah bin oui, les incendiaires ne venaient pas des beaux quartiers.

Et si deux bandes s'affrontent ? Tu vas écrire que «deux bandes de jeunes prolos se sont affrontées à coup de battes de base-ball ou autres ustensiles divers». Tu vas défendre qui contre qui ?
Vas-tu écrire qu'une fraction de la classe ouvrière sème le bordel dans les stades ? et que cette fraction fait parfois le salut nazi?
Vas-tu écrire, genre "Voici": « Odieux! Sohane a été brûlée par un jeune prolo!»"? Pourquoi ne pas écrire : «Des bandes de jeunes gens, appartenant à la classe ouvrière, se livrent à des tournantes, viols collectifs nouvelle mouture.» ?

Surfer ainsi avec le sens des mots, c'est vouloir faire croire qu'il s'est passé ce qui ne s'est pas passé, c'est se piéger soi-même.
Cyrano
 
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Message par gipsy » 17 Déc 2005, 19:40

Ottokar , j'en conviens le terme " les plus prolo d'entre eux" était plutôt malvenu de ma part, c'est pas vraiment ce que j'ai voulu exprimer. En tout cas je ne voulais pas dire que les militants de LO de Montbéliard n'étaient pas des militants ouvriers. Loin de moi cette idée. Je pensais plutôt au galère de travailleurs intérimaires qui essayent de se faire embaucher, qui ne sont ni militants politiques, ni syndicalistes, dont il est fait part dans leurs ouvrages.

Sur la suite à propos du "servir la soupe", je ne crois pas que ce soit "méprisant " à l'égard de LO. Ce que ça signifie c'est exactement ce que tu dis par la suite: bien que Beaud soit un sociologue dont le sujet d'étude est la classe ouvrière il n'est pas révolutionnaire et donc pas étonnant qu'il favorise des militants syndicalistes réformistes au détriment de révolutionnaires. C'est un choix politique.(en tout cas au moment où j'écrivais ces lignes il n'y avait pas quoi que soit qui qui s'appparentait un tant soit peu à une critique de LO...). On ne peut pas attendre non plus de sociologues réformistes qu'ils aient de la reconnaissance pour des militants révolutionnaires. En clair j'ai l'impression qu'on dit la même chose (si ce n''est que tu as l'air de connaitre bien mieux que moi les dits sociologues et montbéliard) mais qu'on arrive à ne pas être d'accord :hinhin:


ps: cyrano :33: :hum:
gipsy
 
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Message par Ottokar » 18 Déc 2005, 07:36

(gipsy @ samedi 17 décembre 2005 à 19:40 a écrit : On ne peut pas attendre non plus de sociologues réformistes qu'ils aient de la reconnaissance pour des militants révolutionnaires.
Je ne leur demande pas cela, mais quand des gens choisissent comme sujet d'étude la classe ouvrière, je leur demande de voir TOUTE la classe ouvrière, y compris la classe ouvrière qui est LO, qui suit LO, qui aime LO, même si elle ne cadre pas avec leur analyse. Bref, je leur reproche d'être conduit par leur réformisme à faire un mauvais travail scientifique.

Leur thèse est que la génération ouvrière des années 50 avait une trajectoire qui les conduisait naturellement de leur famille au CET, du CAP à l'usine, de l'usine au syndicat et au Parti, et que la génération actuelle, notamment les bacs pro sur lesquels ils se sont focalisés, parce qu'on leur a tenu des discours contradictoires, parce que les usines ont licencié ou fermé, qu'on a dévalorisé la condition ouvrière même dans les écoles professionnelles (on ne forme plus que de futurs techniciens, pourquoi pas des ingénieurs !) bref que ces jeunes ne vivent plus la "condition ouvrière" (titre de l'ouvrage) comme un débouché normal, en ayant une cetaine fierté, mais comme une sorte de déchéance qu'ils espèrent provisoire. Le sentiment est renforcé par leur condition d'intérimaires. Et ils n'adhèrent plus a au syndicat, ils voient les militants adultes ou de plusde 50 ans comme faisant partie d'un monde qui leur est étranger, etc.

Tout cela n'est pas totalement faux, mais ce que je leur reproche en ayant négligé LO à Montbéliard (ou d'autres ailleurs) c'est de n'avoir pas vu que des partis révolutionnaires peuvent changer la donne, que la conscience ce n'est pas seulement quelque chose d'automatique mais le produit d'un travail volontariste de militants (cela a déjà été le cas au XIXème), et que ces jeunes ne sont pas défnitivement perdus pour le syndicat ou les partis. Et que dans bien des cas on voit des jeunes manifester une certaine conscience de classe et une certaine réactivité : jeunes de Peugeot Aulnay cette année, jeunes profs il y a deux ans, jeunes postiers, jeunes de Roissy... et le Monde titrait cette semaine sur le rôle des jeunes dans la récente grève SNCF du RER D.

Bref que des sociologues s'intéressent à la condition ouvrière, c'est bien. Mais cela ne doit pas nous faire abandonner tout sens critique sur ce qui se dit.
Ottokar
 
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