Editorial d'Informations Ouvrières du 17.11

Message par Raskolnikov » 20 Nov 2005, 17:29

Lettre à un ami américain

Ainsi donc, la presse américaine présente-t-elle la France sous un jour apocalyptique. Certains éditorialistes, me dis-tu, s’en donnent à coeur joie sur « l’échec du modèle français : liberté, égalité, fraternité ».

De cette affirmation, ils concluent qu’il faut aller encore plus loin dans la dislocation de tous les principes de 1789, dans la remise en cause d’un « Etat social », dénoncé comme « beaucoup trop généreux », dans la déréglementation du Code du travail et dans l’éclatement de la société en « communautés » (1).

Mais aucun ne dit cette vérité pourtant indiscutable : c’est le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Union européenne qui ont dicté toutes les politiques appliquées en France depuis vingt-cinq ans.

22,4 % des jeunes de 15 à 24 ans sont au chômage. Dans ce que le gouvernement appelle les « zones urbaines sensibles », ce pourcentage approche les 40 % !

Et les autres ?

Deux embauches sur trois dans le privé se font en contrat à durée déterminée (d’une durée variant de 2,5 à 11 mois). A cela, s’ajoutent les stages, les « emplois aidés », les « contrats de travail temporaire », le « temps partiel » imposé. Au total, l’immense majorité des jeunes dans ces « zones sensibles » a le sentiment — justifié — d’être condamnée à une précarité sans fin !

Echec du modèle républicain hérité de la Révolution française ? Non ! Résultat d’une politique menée avec constance par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, depuis plus de vingt ans en application des exigences de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.

Les contrats à durée déterminée n’existaient pas il y a vingt-cinq ans.Toutes ces formes de précarité ont été développées comme source de travail surexploitable, échappant aux garanties collectives des salariés.

Pour cela, on s’en est pris également à la qualification de la jeunesse. De 1985 à 2004, ont été fermés 25 % des lycées professionnels (qui permettent d’obtenir un diplôme professionnel, meilleur moyen d’obtenir un contrat de travail à durée indéterminée).

Faut-il poursuivre ? Faut-il évoquer les écoles primaires et maternelles (15 % ont été fermés en vingt ans) ?

Faut-il évoquer les hôpitaux (10 % ont fermé en dix ans, un tiers des capacités d’accueil supprimé) ?

Et l’on pourrait parler des services publics, de la Sécurité sociale, de toutes ces institutions qui ont fait naguère la cohésion et l’unité sociale de la classe ouvrière et de la jeunesse, produit de la lutte de classe, et que les gouvernements successifs se sont attachés à défaire.

Toutes ces statistiques découlent de mesures, de lois, de contre-réformes, qui portent les noms de ministres, « de droite » ou de « gauche » selon les années, mais toujours exécutants zélés des directives européennes.

Faut-il chercher ailleurs les racines sociales des événements ? N’est-ce pas pour en finir avec cette politique que l’immense majorité, le 29 mai, en France, a rejeté la « Constitution » européenne ? (N’est-ce pas d’ailleurs le même mouvement qui a conduit l’électorat de Californie, le 8 novembre dernier, à balayer les projets de lois antisyndicales et anti-services publics du gouverneur Schwarzenegger, un résultat que la presse a qualifié de « victoire de l’unité ouvrière et syndicale » ?)

Les coupables, ce sont les politiques qui se sont attachées à détruire l’égalité républicaine et les conquêtes sociales. Mais pas la République elle-même, qui, dès son origine, garantissait que « le but de la société est le bonheur commun », que « le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles » et que « la loi doit protéger (…) contre l’oppression de ceux qui gouvernent ».

Ces lignes de notre Constitution de 1793 s’inspiraient de votre « Déclaration d’indépendance », qui, en 1776 (2), affirmait : « Tous les hommes naissent égaux ; (…) dotés de droits inaliénables, parmi lesquels la Vie, la Liberté et la Recherche du bonheur » ; et que, « pour garantir ces droits, des gouvernements sont institués parmi les hommes, dont les justes pouvoirs émanent du consentement des gouvernés » ; et enfin que, « si un gouvernement, quelle qu’en soit la forme, vient à méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement ».

Reconquérir 1793 en France, reconquérir 1776 aux Etats-Unis, n’est-ce pas cela, chez vous comme chez nous, la reconquête de la démocratie ?



DANIEL GLUCKSTEIN


(1) Lire notre revue de presse, page 3.
(2) Parmi les rédacteurs de cette déclaration, Benjamin Franklin, ultérieurement
ambassadeur en France, à l’époque où les Etats-Unis « exportaient » la révolution et la démocratie.
Raskolnikov
 
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Message par ianovka » 20 Nov 2005, 17:31

"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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ianovka
 
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