(Libération @ jeudi 27 janvier 2005 a écrit :Trafic interrompu hier sur presque tout le réseau ferré.
SNCF: coup de colère après l'annonce d'une agression
Par Blandine GROSJEAN
mardi soir, l'annonce du viol d'une collègue. Tous les jours, «ce sont des agressions verbales, la peur au ventre quand on repère un voyageur sans billet, on se dit est-ce qu'il va sortir un papier d'identité ou un cutter ?», raconte une cheminote toulousaine qui, en apprenant l'agression, s'est aussitôt mise en grève. Hier soir, les trois quarts des régions françaises étaient bloquées par la grève des contrôleurs de trains régionaux, Corail et TGV. Le mouvement s'est répandu «comme une tache d'huile», selon la direction de la SNCF, après l'agression sexuelle dont aurait été victime une contrôleuse de 31 ans.
Un passager l'aurait violée alors qu'elle assurait seule le service sur une ligne de TER (train express régional) circulant entre Toulouse et Cahors. La grève spontanée a démarré par solidarité, puis s'est faite plus revendicative. L'Unsa cheminots a dénoncé «un environnement de plus en plus hostile» pour les cheminots. L'enquête policière a été bouclée en moins d'une heure, grâce au signalement détaillé fourni par la contrôleuse à l'arrivée du train en gare de Cahors, mardi soir à 20 h 24. L'auteur présumé du viol a été interpellé chez lui à 21 h 15. Il est âgé de 24 ans et il serait bien connu des services de police, mais pas pour des agressions sexuelles. La jeune femme a été hospitalisée durant la nuit de mardi à mercredi. Hier, le parquet de Cahors a ouvert une enquête pour «viol» et le président de la SNCF, Louis Gallois, téléphonait à la jeune femme pour lui faire part de sa «profonde émotion».
Ce genre d'agression serait sans précédent. La SNCF emploie 8 400 contrôleurs, dont 18 % de femmes. En 2004, il y a eu 487 agressions commises contre des agents de la SNCF, dont 27 % sur des femmes. «Les policiers ne font jamais de contrôle seul, eh bien nous, si. Les trois quarts du temps. Et je sais que les collègues femmes regrettent beaucoup de ne plus pouvoir communiquer avec le conducteur. C'était un soutien, et désormais nous n'avons plus le droit de leur parler.» Les syndicats sont montés au créneau. Dénonçant le «contrôle» des contrôleurs, sommés dernièrement de remettre leur casquette. «Beaucoup d'entre nous ne la portaient plus, nous avions perçu qu'aux yeux des gens cela faisait flic, et cela les rendait agressifs.»
Les trains de nuit ayant été supprimés dans la soirée, la direction de la SNCF a réagi rapidement pour tenter d'obtenir une reprise du trafic. Son directeur général exécutif, Guillaume Pépy, a indiqué hier soir, au terme d'une table ronde avec les syndicats, que plusieurs mesures avaient «été actées» en faveur de la sécurité des contrôleurs. Il a annoncé «pour 2005 la création de 100 emplois supplémentaires par rapport à 2004, spécialement affectés au service de la formation sûreté» et «la mise en place d'une cartographie de lignes et de zones sensibles dans les dix jours qui viennent afin de mettre les moyens les plus appropriés». Dans le même temps, il a insisté sur l'enjeu de «service public» et renouvelé l'appel de la direction à reprendre le travail. Avant la table ronde, SUD Rail exigeait la présence de «deux contrôleurs par train de jour et trois la nuit» pour mettre un terme au mouvement.
Le trafic promet d'être encore perturbé ce matin sur les grandes lignes et les TER. Selon la direction, les lignes RER et grande banlieue ne devraient pas être affectées.