a écrit :Irak : les accusations de torture se multiplient
LEMONDE.FR | 25.01.05 | 09h35
Le Pentagone est accusé par les défenseurs des droits humains d'abandonner volontairement les enquêtes. Human Rights Watch dénonce également les mauvais traitements infligés aux prisonniers par la police irakienne.
Le Pentagone s'est abstenu de mener à leur terme les enquêtes sur la culpabilité des forces spéciales américaines dans de multiples actes de tortures subis par des prisonniers en Irak, a accusé, lundi 24 janvier, l'ACLU, première association américaine de défense des libertés individuelles.
Dans l'un des cas relevés dans des documents obtenus par l'ACLU et d'autres organisations au sujet de ces sévices, une femme irakienne âgée est sodomisée avec un bâton, alors que d'autres documents font état de chocs électriques, brûlures de cigarettes et coups.
"Les documents que l'ACLU a obtenus parlent de cas de tortures à grande échelle qui vont bien au-delà de la prison d'Abou Ghraib", la grande prison située près de Bagdad, où ont été recensés depuis avril les principaux cas de sévices des forces américaines, relève l'association.
Ces nouvelles informations émanent de documents d'enquête internes du Pentagone et d'agences gouvernementales obtenues via un jugement fédéral au nom de la loi sur la liberté de l'information par l'ACLU et d'autres organisations (Centre pour les droits constitutionnels, Physicians for Human Rights, Veterans for Common Sense et Veterans for Peace).
"Les enquêtes gouvernementales sur les allégations de tortures ont été complètement inadéquates, certaines ont été complètement abandonnées", a déclaré le directeur de l'ACLU, Anthony Romero. L'enquête sur la femme irakienne sodomisée a été "bouclée" avant que l'enquête ait été menée à son terme, a précisé l'organisation.
HUMAN RIGHTS WATCH DÉNONCE LA POLICE IRAKIENNE
Les forces de sécurité irakiennes continuent d'utiliser la torture et à imposer de mauvais traitements à leurs détenus, selon l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch. Dans un rapport de 94 pages intitulé Le Nouvel Irak : torture et mauvais traitements des détenus dans les prisons irakiennes, l'association décrit comment les arrestations arbitraires ou les longs placements en isolement sont "devenus monnaie courante".
L'association, implantée à New York, indique avoir interrogé en Irak 90 détenus, dont 72 assurent avoir été torturés ou maltraités, notamment lors des interrogatoires. "On avait promis autre chose au peuple irakien après la chute du gouvernement de Saddam Hussein. Le gouvernement intérimaire irakien ne tient pas ses promesses d'honorer et respecter les droits de l'homme fondamentaux", estime Sarah Leah Whitson, directrice de HRW, dans un communiqué.
"Les forces de sécurité irakiennes font face à des défis énormes, dont une rébellion visant les civils. Nous condamnons sans équivoque la brutalité des insurgés. Mais le droit international est sans ambiguïté sur ce point : aucun gouvernement ne peut justifier la torture de détenus au nom de la sécurité", ajoute-t-elle.
Parmi les abus cités par les prisonniers, les coups, infligés avec des câbles, les gifles, les chocs électriques y compris sur les parties génitales, les yeux bandés et les mains attachées des jours entiers, les détentions en cellules bondées avec de l'espace seulement pour se tenir debout. Ces abus ont visé, selon l'organisation, aussi bien des détenus soupçonnés de menacer la sécurité nationale, des insurgés présumés, que des détenus de droit commun.
Les investigations de HRW entre juillet et octobre 2004 montrent aussi, selon l'association, l'"usage systématique" des arrestations arbitraires, des détentions sans procès, le refus d'accès aux familles et avocats. "A de rares exceptions près, les autorités irakiennes n'ont pas enquêté ni puni les responsables de ces violations. Les conseillers internationaux de la police, en premier lieu les citoyens américains payés par le gouvernement des Etats-Unis, ont fermé les yeux", assure HRW.
Avec AFP