a écrit : EDITORIAL
Pour 1 ou 2 euros l'heure...
L 'ASSOCIATION ATTAC vient de prendre position pour le non à la " Constitution ". On ne peut que s'en féliciter. Elle organise une souscription (1) pour " jouer pleinement son rôle dans la campagne pour la victoire du non " et annonce son intention de se battre contre " le parti du oui ". C'est bien légitime. Dans son calendrier de campagne pour le non, l'association met en bonne place le " rassemblement du 19 mars à Bruxelles ". De quoi s'agit-il ? D'une manifestation convoquée par le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (2), qui est la première organisation européenne à s'être prononcée... pour le oui à la " Constitution " ! ATTAC en est bien consciente, qui, dans sa réunion du 9 novembre 2004, a décidé " de constituer une délégation pour rencontrer la Confédération européenne des syndicats à propos de la manifestation unitaire du 19 mars 2005 sur l'Europe " (3). Et Nikonoff lui-même, président d'ATTAC-France, évoque " une manifestation européenne le 19 mars 2005 à Bruxelles, à laquelle appellent le mouvement altermondialiste et la Confédération européenne des syndicats, sur la question de l'emploi " (4).
Sur l'emploi ? ! On pourrait défendre l'emploi au coude à coude avec " le parti du oui " à la " Constitution " européenne, celle-là même dont le maître mot est déréglementation, flexibilité, baisse du " coût du travail ", licenciements en masse ! L'Europe et1'emploi, ce thème a été résumé par le commissaire européen aux entreprises et à l'industrie, M. Günter Verheugen, qui a déclaré : " Nous sommes dans un processus de délocalisations qu'il n'est pas possible d'arrêter " (5). Et Verheugen de préciser que le rôle de l'Union européenne, c'est de " créer un environnement qui soit favorable aux entreprises ".
L'Union européenne et l'emploi ? Voilà ce que viennent de subir des travailleurs de Dole (Jura). On lit dans Le Progrès (30 décembre) que " les salariés d'Amphenol ont reçu tout dernièrement une lettre de la direction leur proposant de bénéficier de postes disponibles (...) dans les autres sociétés du groupe ". Auparavant, la totalité du personnel " dédié à la fabrication de produits de télécommunication " sur le site dolois avait été licenciée. La lettre de la direction citée par Le Progrès informe les travailleurs concernés par le licenciement collectif qu'il existe " en permanence des postes disponibles " au Mexique, en Chine ou en Inde, " à des coûts horaires correspondant à 1 ou 2 euros ". Et le journal de préciser : " A ce tarif-là, en cas d'acceptation, la direction assure le coût du loyer sur 6 mois et un aller-retour en avion unefois par an. "
Quel cynisme ! L'exil ou le chômage, c'est cela, " l'environnement favorable aux entreprises " de la " Constitution " européenne!
L'exil ou le chômage, ou bien... appliquer chez nous les " normes salariales " de Chjne, d'Inde ou du Mexique.
Un ou deux euros l'heure ! 1 000 à 2000 francs par mois ! C'est à ce niveau que - menace de délocalisation à l'appui - la " Constitution " européenne veut ramener les salaires ! C'est à cela que conduirait la remise en cause des Codes du travail, des conventions collectives, des statuts ! C'est cela le contrat intermédiaire du ministre Borloo, inspiré par la proposition de Bernard Thibault (7) !
Et on pourrait mélanger le oui et le non ? Certainement pas ! Pas plus qu'on ne peut mélanger l'eau et le feu. Pour en finir avec le chantage cynique aux délocalisations et la destruction des emplois, pour 1a défense des conventions collectives, des statuts et du Code du travail, pour la défense et l'augmentation générale des salaires, c'est-à-dire contre la " Constitution " européenne, c'est pour cela que nous serons dans la rue, de Dole et de toute'la France, le 22 janvier prochain, à Paris.
(1) Appel " Un autre avenir pour l'Europe est possible. Construisons-le " (7 janvier 2005).
(2) Voir UNSA-Info, n° 277, 6 décembre 2004.
(3) Compte rendu sur le site ATTAC.
(4) Cité par ATTAC-Québec, intervention à la conférence eurocities 2004 de Vienne, le 11 novembre 2004.
(5) Le Monde, 6 jànvier 2005.
(6) Lire en page 8 à quoi conduit la surexploitation de la classe ouvrière chinoise.
(7) " La CGT ne peut qu'applaudir à ce discours (...). On peut compter sur la CGT pour passer des bonnes intentions à leurs réalisations "(La Nouvelle Vie ouvrière, 24 décembre 2004).
Daniel Gluckstein