Le CE, nouveau temple de la consommation

Message par faupatronim » 17 Jan 2005, 12:25

(Libération @ lundi 17 janvier 2005 a écrit :La bibliothécaire de Renault-Le Mans licenciée... une illustration de la mutation des comités d'entreprise en France.
Le CE, nouveau temple de la consommation



Par Nicolas DE LA CASINIERE et Muriel GREMILLET
A Nantes



samedi, ils étaient 400 à venir apporter leur soutien à Isabelle Chenon, la bibliothécaire du comité d'entreprise de l'usine Renault du Mans. En poste depuis quinze ans, elle figure toujours à l'effectif 2005 des salariés du comité d'entreprise, mais, dans l'organigramme, sa case est vide. La majorité CGC-CFDT du comité d'entreprise a déjà décidé de la fermeture de la bibliothèque et voté le licenciement de sa responsable. L'entretien préalable est prévu fin février, après dispersion de l'ensemble du fonds de 28 000 livres, disques et documents, bradés 2 euros pièce.

La nouvelle équipe dirigeante du CE de l'usine Renault en place en 2002 justifie sa décision par son obligation de faire des choix. «Nous devons gérer 6500 m2 couverts, une salle de mariage, un gymnase, 35 hectares de foot et de rugby. 46 % de notre budget servent à l'entretien et aux salaires. C'est autant qui ne va pas aux oeuvres sociales. Il faut faire des choix. Sur un fichier de 8500 noms, on n'a que 200 adhérents à la bibliothèque», expliquait, il y a un mois, Alain Violeau, de la CFDT. Isabelle Chenon a évidemment un autre regard. «Intéresser les enfants, les parents aux livres, c'est un travail de longue haleine. On a fait venir Albert Jacquart, eu un débat public sur la souffrance au travail, organisé un prix des lecteurs avec la médiathèque du Mans. Avant, on était des médiateurs. Aujourd'hui, on est devenu un service administratif», dénonce-t-elle.

Lieu de combat. Le cas de l'usine du Mans n'est pas isolé. Ce conflit est exemplaire de l'évolution de l'activité des 36 000 comités d'entreprise constitués dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui ont progressivement abandonné un travail de promotion de la culture pour glisser vers le consumérisme. «Dans les années 70, à Paris, se souvient une syndicaliste CGT du commerce, on prenait des billets pour le Théâtre de la ville ou le TEP. Et les bibliothèques étaient des bibliothèques de combat pour que les salariés s'ouvrent à la culture, y compris politique.» .

Aujourd'hui, la vision militante du CE n'est bien souvent qu'un souvenir d'ancien combattant. Les comités d'entreprise sont devenus des marchés en puissance ­ presque 12 milliards d'euros de prestations pour les oeuvres sociales et culturelles sont offerts aux salariés chaque année. Depuis vingt-cinq ans, un salon leur est consacré à Paris (du 1er au 3 février) qui mixe rôle économique et prestataire de loisirs. De plus en plus de sociétés, des agences de voyages aux salons de coiffure, convoitent ce marché. Pour un prestataire, travailler avec un CE est un bon moyen de recruter une nouvelle clientèle : de nombreux salariés, par exemple, sont allés passer une journée à Disneyland Paris grâce au tarif préférentiel du CE. Quitte à y revenir ensuite.

Bons d'achat. Les comités ressemblent aussi de plus en plus à des distributeurs de bons d'achat, délaissant l'organisation d'activités collectives. «Les bons d'achat, c'est plus facile à gérer que des cadeaux pour Noël, dit Gilles, qui gère le CE d'une entreprise de transport. Et, surtout, les salariés préfèrent. Ils achètent ce qu'ils veulent ensuite.»

Ces bons d'achat s'apparentent finalement à des compléments de salaire: «Les gens qui ont des petits revenus ou des problèmes d'argent préfèrent ça à un voyage organisé entre collègues, témoigne Nina, élue au CE d'une entreprise de pièces automobiles. J'ai des collègues qui rhabillent leurs enfants avec les bons d'achat de Noël...» Cette substitution au salaire fait grincer des dents dans tous les syndicats. Surtout que les CE, à part quelques organismes richissimes, manquent de moyens, financiers et humains.

Les comités d'entreprise sont de plus en plus accaparés par leur rôle économique lors des plans sociaux ou des réorganisations. A tel point que certains élus en sont aujourd'hui à demander un accroissement du nombre des élus, ou une séparation des deux fonctions. Pour éviter un ratatinement du rôle social du CE, cantonné à devenir un fournisseur de loisirs à prix réduit.
faupatronim
 
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