Loiret: une mairie veut récupérer sa subvention
L'américain Deutsch avait promis en échange une centaine d'embauches.
Par Mourad GUICHARD
lundi 10 janvier 2005
Lorsqu'on interroge Christian Foiret, le président du groupe communiste au conseil municipal de Saint-Jean-de-la- Ruelle (Loiret), sur la situation de l'entreprise américaine Deutsch, celui-ci affirme sans détours : «On demande simplement que la loi soit appliquée.» Le contentieux qui oppose aujourd'hui la mairie de Saint-Jean-de-la-Ruelle au fabricant de composants et connecteurs électriques trouve son origine dans une subvention de 411 000 euros allouée le 8 mars 2000 par la ville, le conseil général et la région.
«Délicat». La validité du protocole reposait en effet sur la création d'une centaine d'emplois et l'agrandissement du site de fabrication. Or, à ce jour, seuls les investissements immobiliers ont été réalisés. «Lorsque nous avons pris la décision, lors du dernier conseil municipal, de réclamer le remboursement de notre quote-part environ 160 000 euros , nous nous sommes simplement basés sur le non-respect des engagements pris par Deutsch au moment de la signature», insiste Lucien Deniau, premier adjoint en charge du développement. Une décision qui est pourtant loin de faire l'unanimité. Ainsi, le conseil général du Loiret a, lui, accordé un délai exceptionnel de trois ans à l'entreprise qui emploie 180 salariés (contre 206 en 2002). Son président, Eric Doligé, ne souhaite pas «aggraver une situation déjà délicate eu égard à une conjoncture économique défavorable».
Il est vrai que ce sous-traitant, spécialisé dans l'équipement automobile et aéronautique, s'est vu frapper de plein fouet par les événements du 11 septembre 2001 et le désistement d'un partenaire local. «Deutsch misait sur deux contrats automobiles. L'un avec Renault qui, entre-temps, a stoppé la production de l'Avantime, et l'autre avec Mercedes qui n'a pas non plus abouti», rappelle Lucien Deniau, le premier adjoint, avant de relativiser les difficultés de l'entreprise : «Deutsch est une entreprise multinationale capable de rebondir.»
Voie judiciaire. La direction française du groupe qui n'a pas souhaité répondre à Libération n'a pas encore fait savoir si elle comptait ou non rembourser la subvention. Pour leur part, les élus de Saint-Jean-de-la-Ruelle se disent prêts à poursuivre la procédure de recouvrement, y compris par voie judiciaire, la somme réclamée étant déjà inscrite au budget 2005 dans la partie «recettes».
Un seul protagoniste ne s'est pas manifesté, le conseil régional. Et pour cause, il n'a jamais versé sa part. «Ils ont eu du flair», souligne le communiste Christian Foiret. Car la crainte formulée, en aparté, par bon nombre d'élus va plus loin. Ils redoutent une nouvelle délocalisation. «En 2000, le site du Loiret était déjà mis en concurrence avec celui des Yvelines. Aujourd'hui, la direction menace implicitement de mettre la clef sous la porte ou, au mieux, de délocaliser une partie de la production en Inde», poursuit Foiret. Des propos peu rassurants que Lucien Deniau se refuse à confirmer, concédant tout de même que «rien n'est impossible sur ce terrain».
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