« La ville rejette le peuple à la périphérie »

Message par titi » 01 Déc 2004, 14:14

source (ne marche pas après qq jours)

Ouvriers et employés relégués, s'alarment deux géographes
« La ville rejette le peuple à la périphérie »

a écrit :Arrêtons de parler seulement des banlieues. Le vrai phénomène social, aujourd'hui, c'est l'embourgeoisement des villes et le rejet des ouvriers et employés à la périphérie et à la campagne. Tel est le pavé dans la mare lancé par deux géographes, Christophe Guilluy et Chistophe Noyé (1). « Cette ségrégation est une violence sociale », souligne Christophe Guilluy.
Les villes rejettent les classes populaires, dites-vous...


Depuis vingt ans on ne parle que des « quartiers sensibles ». Comme si tout allait bien pour la très grande majorité des gens ! En réalité, le vrai phénomène, la vraie dynamique sociale, est ailleurs : c'est la concentration des catégories supérieures dans les grandes métropoles et le départ massif des couches populaires dans les communes périurbaines et au-delà. À cause des prix de l'immobilier mais pas seulement. C'est dans les villes que se concentrent les secteurs économiques les plus en pointe, l'emploi le plus qualifié, les emplois publics alors que les usines ont quitté la ville pour la campagne.

Mais c'est quoi le peuple, les bourgeois, aujourd'hui ? La classe moyenne a disparu ?


La classe moyenne est un mythe des « Trente Glorieuses », des années sans chômage. On est tous « classe moyenne » ! C'est bien commode. Où sont alors les inégalités, les revendications ? En réalité, les ouvriers et employés représentent toujours 60 % de la population active. Comme en 1950. Et ils travaillent, dans leur grande majorité, dans le secteur privé : ils affrontent donc les évolutions économiques, le libéralisme, la flexibilité, le temps partiel, les bas salaires, le chômage, ont des vies de plus en plus fragiles. En face, il y a toujours l'ancienne bourgeoisie, qui détient le capital, et une nouvelle, les « bobos », ces « bourgeois bohèmes », à l'aise dans la nouvelle économie, qui pensent faire partie de la classe moyenne alors qu'ils appartiennent aux couches supérieures.

Il n'y aurait donc plus en ville que bourgeois et pauvres. On parle pourtant de mixité sociale...


Les catégories populaires ne pouvant plus vivre en ville, la distance sociale est devenue très forte entre ceux qui restent. Les logements sociaux, paupérisés, se trouvent enclavés dans un environnement de plus en plus embourgeoisé. La mixité sociale dont on parle tant, c'est confortable pour les couches supérieures mais pour les couches populaires, ce n'est absolument pas une priorité ! Les quartiers populaires, ouvriers, n'ont jamais été mixtes. Les banlieues ouvrières étaient ouvrières. On ne se posait pas la question de savoir s'il fallait qu'un avocat habite auprès d'un ouvrier. Dans les faits, les gens ne vivent pas ensemble : on s'évite, on choisit son école...

Les grandes villes s'embourgeoisent... mais ont des maires de gauche ?


Les bastions socialistes-verts, ce sont les centres-villes, partout. Et c'est logique. La gauche a lâché les ouvriers pour le sociétal, le culturel, les immigrés. Pour la gauche, la question sociale n'existe plus. Gérer le sociétal et la question des minorités, c'est moins compliqué, même si ça l'est, que de gérer la question des salaires dans le secteur privé. C'est une catastrophe absolue, offrir un boulevard aux extrémismes.

L'écart va se creuser entre des villes bourgeoises et des campagnes ouvrières ?


Quand on achète un appartement dans une grande ville aujourd'hui, y compris dans un quartier populaire, on ne va pas le revendre demain à un ouvrier. Plus il y a de propriétaires dans un centre urbain, moins la mobilité sera forte dans les années à venir. De leur côté, les catégories ouvrières doivent aller de plus en plus loin en espérant trouver en même temps du boulot.

Comment les gens vivent-ils ça ?


Cette ségrégation est une violence sociale. Il y a, dans les catégories populaires, du ressentiment en plus de l'insécurité sociale. Elles sont, de fait, les victimes de la mondialisation libérale, du marché économique et du marché foncier. En plus, l'ascenseur social, dans l'ensemble, ne fonctionne plus. On ne mesure pas assez l'effet que peut avoir le chômage des jeunes non pas sur les jeunes eux-mêmes mais sur leurs parents : l'idée même qu'avec l'école on allait monter ne fonctionne que pour une petite minorité. En plus, tout se passe comme si les ouvriers et employés n'existaient plus.

Les ouvriers et employés, en quittant la ville, deviennent invisibles ?


Les politiques, mais aussi les chercheurs, les journalistes, ne parlent que de ce qu'ils voient : les préoccupations des couches supérieures, des fonctionnaires et des banlieues. On oublie vite les plans sociaux : les usines sont le plus souvent à la campagne et, après tout, ces ouvriers ont leur pavillon ! Sauf que la carte de surendettement est la carte des zones pavillonnaires...


Les problèmes sociaux se déplacent donc de plus en plus à la campagne ?


De quoi parlent les maires des communes rurales ou périurbaines ? Des jeunes, du chômage. Les budgets sociaux des départements explosent. Voyez la révolte des maires de la Creuse. On ferme des équipements en campagne alors qu'on va en avoir de plus en plus besoin. Surtout, d'une logique d'accession, on peut basculer très vite dans une logique de paupérisation. Bizarrement, ça ne fait pas débat. C'est du privé...

D'où le vote extrême, l'abstention, aux élections ?


Aujourd'hui, les catégories populaires tendent à se désengager totalement de la sphère publique, qu'il s'agisse de la politique, des associations, des syndicats qui défendent surtout le secteur public. Donc les gens se disent : « A quoi bon ? ». D'où le vote extrême, Front national ou Lutte ouvrière, et l'abstention. Il y a une vraie logique de rupture que l'on constate, d'ailleurs, dans tous les pays développés. Quand j'ai vu la carte des dernières élections américaines, où les villes les plus riches sont démocrates et les États du centre, y compris ouvriers, républicains, je me suis dit : c'est ça ! Même s'il y a des spécificités américaines Où est passée la « leçon du 21 avril » 2002 ?

Vous sentez cette évolution aussi à l'Ouest ?


Historiquement, l'Ouest c'est la France tranquille. L'Ouest, « ça va ». Aujourd'hui, le renchérissement foncier impulsé par l'arrivée des cadres ou des retraités aisés sur le littoral et dans les villes fait penser à ce qui s'est passé dans le Sud-Est avec ses replis identitaires. On n'en est pas encore là. Mais il ne faut pas croire que l'Ouest va être épargné par les tensions que l'on voit ailleurs sur le vote extrême.

Que faire alors, en priorité ?


Il y a forcément plein de solutions ! S'intéresser aux gens déjà...

(1) À lire : "Atlas des nouvelles fractures sociales en France", Éditions Autrement, 14,95 €.
titi
 
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