tract JR

Message par Alceste » 05 Nov 2004, 10:28

a écrit :Ouvrons la discussion avec M.Antonmattei sur la Charte des Droits fondamentaux, intégrée à la « constitution » européenne.

Monsieur Antonmattei, Doyen de la Faculté de Droit de Montpellier, a émis une opinion personnelle concernant la question de « l’Europe sociale » lors d’un de ses cours de droit du travail, ce qui est son droit le plus absolu. Répondant à l’argument du dirigeant socialiste Laurent Fabius sur l’absence de « social » dans le projet de constitution européenne, Monsieur Antonmattei s’est appuyé sur certains articles de la Charte des Droits Fondamentaux pour affirmer que l’Union Européenne s’occupe des questions sociales.
Monsieur Antonmattei a entièrement raison contre Laurent Fabius : la « Constitution » européenne traite des questions sociales, c’est indéniable. Mais dans quel sens ? Celui de défendre les droits conquis par des décennies de combats par les jeunes et les travailleurs dans le cadre des nations ? Regardons-y de plus près…

Pourquoi ne pas parler des commentaires du Présidium ?

Rien ne peut être compris concernant la Charte des droits fondamentaux sans les commentaires du présidium, qui a rédigé la Charte. Le préambule de la partie II du projet de « Constitution » européenne apporte cette précision essentielle : « La Charte sera interprétée par les juridictions de l’Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du présidium de la Convention qui a élaboré la Charte ». Les « explications » du présidium ont ainsi une valeur juridique contraignante pour les Etats membres. Il est donc impensable de ne pas prendre en compte ceux-ci pour déterminer le contenu exact des dispositions de la Charte. Prenons quelques exemples…

Art II-2 : « Toute personne a droit à la vie. Nul ne peut être condamné à la peine de mort et exécuté »
Commentaire du présidium : « La mort n’est pas considérée comme infligée dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire (…) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection »
Donc la peine de mort est interdite, sauf s’il s’agit de tirer sur la foule !

Art II-23 : « L’égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération. »
Commentaire du présidium : « cet article a été fondé également (…) sur l’article 2§4 de la directive 76/207/CEE du conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes »
C’est au nom de cette directive de 1976 que la CJCE a intimé l’ordre au gouvernement Jospin de remettre en cause l’interdiction de travail de nuit des femmes dans l’industrie (ce qu’il a fait, bien entendu).

Art II-3 : « Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales »
Le commentaire actualisé du présidium invite à se reporter notamment à « la directive 2001/23/CE sur la protection des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise ». L’article 4 de cette directive précise qu’il « ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques, ou d’organisation, impliquant des changements sur le plan de l’emploi ». Avec cette directive, autant dire que tous les licenciements sont justifiés.

Art II-32 : « Le travail des enfants est interdit. L’âge minimal d’admission au travail ne peut être inférieur à l’âge auquel cesse la période de scolarité obligatoire, sans préjudice des règles plus favorables aux jeunes, sauf dérogations limitées… »
Commentaire du présidium : « Cet article se fonde sur la directive 94/33/CE relative à la protection des jeunes au travail ».
L’article 4(2)b de la directive 94/33/CE se réfère à « un système de formation en alternance ou de stage en entreprise, pour autant que ce travail soit accompli conformément aux conditions prescrites par l’autorité compétente ». Sous couvert de « dérogation », la Charte permet – tout comme la directive citée mais en lui donnant de surcroît valeur constitutionnelle – le travail des enfants.

Nous pourrions continuer si nous avions plus de place. Mais avec ces quelques exemples, ne peut-on pas dire qu’il s’agit là d’une véritable entreprise de démantèlement de tous les acquis sociaux ? N’y a-t-il pas un lien entre tous les coups qui sont portés à nos droits et la volonté de donner force de loi à cette Charte ?
Monsieur Antonmattei, n’y a-t-il pas, à la lumière des commentaires du présidium, une entreprise qui vise partout à en finir avec tout ce qui fait obstacle à la pénétration des capitaux américains dans les pays européens ? L’objectif n’est-il pas de briser toutes les conquêtes sociales afin de faire baisser le coût du travail, seule variable ajustable ?
Nous nous engageons devant l’ensemble des étudiants à publier toute réponse que vous nous feriez parvenir.
Alceste
 
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