a écrit :La Biélorussie honore Dzerjinski, le père de la Tcheka
LE MONDE | 14.10.04 | 15h08
Plus que jamais tournée vers son passé soviétique, la Biélorussie a célébré, le 7 octobre, la mémoire de Félix Dzerjinski (1877-1926), le père de la police politique (la Tcheka, l'ancêtre du KGB). Un monument à l'honneur de l'organisateur de la terreur bolchevique, a été inauguré à Dziarjynava, sur le territoire de l'ancienne propriété familiale de "Félix, l'homme de fer", laquelle sert en même temps d'"académie du KGB", non loin de Minsk.
"Il est loin, l'âge d'or des services spéciaux", a regretté le président Alexandre Loukachenko lors de la cérémonie d'inauguration. L'ancien directeur de kolkhoze qui caresse l'idée d'un troisième mandat à la tête de sa république - la moins réformée de tout l'espace post-soviétique aux portes de l'Union européenne élargie - a rendu à cette occasion un hommage appuyé au "grand homme", lequel "consacra sa vie à l'édification d'un mode de vie paisible au sein d'un Etat puissant". "Cette tâche reste d'actualité", a-t-il conclu. A ses côtés, les chefs des services de sécurité des pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), au premier rang desquels figurait le Russe Nikolaï Patrouchev, ont approuvé.
Pas un mot, bien sûr, n'a été dit du régime de la terreur et des premières purges du régime déclenchées dès 1918 par la Tcheka, "bras armé de la dictature du prolétariat", lorsque des millions de "koulaks" (paysans enrichis), de "parasites" ou autres "agents de l'impérialisme mondial" prirent le chemin des camps de rééducation par le travail.
En Russie, où le président Poutine tire orgueil de sa carrière au KGB et où "les hommes en épaulettes" ont envahi les structures étatiques, Dzerjinski n'est pas oublié. En 2002, lors du 80e anniversaire de la création de la police politique, des timbres avaient été émis à l'effigie de six de ses membres. En revanche, aucune suite n'a pour l'instant été donnée à la revendication de groupes nationalistes de remettre sur sa stèle l'immense statue de "Félix de fer" sur la place de la Loubianka, au centre de Moscou. Depuis le déboulonnage de "Félix", en août 1991 - l'un des temps forts de la grande vague d'aspiration à la démocratie - la stèle est restée vide. Mais les "démocrates" qui avaient fait tomber le monument ont de plus en plus de mal à faire entendre leur voix.
Marie Jégo
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.10.04