néo-malthusianisme,

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par pelon » 11 Jan 2004, 18:10

a écrit :

LE NÉO-MALTHUSIANISME: THÉORIE RÉACTIONNAIRE À
L’USAGE DU CAPITALISME SÉNILE 3/73

La publication de la fameuse «lettre Mansholt» où celui-ci exposait ses vues concernant
la croissance économique, semble avoir ouvert les vannes à un véritable déferle-ment
des idées malthusiennes.
Prenant appui sur les inquiétudes largement ressenties devant la multitude des nuisances
engendrées par la production capitaliste anarchique, s’emparant des mises en
garde formulées par un grand nombre de naturalistes devant la destruction sauvage
d’équilibres naturels, les courants malthusiens ont brusquement débordé les cénacles
universitaires. D’un seul coup, des organisations comme le «Club de Rome»,regroupe-ment
jusque-là confidentiel d’intellectuels et de capitalistes partisans de la limitation de
la croissance économique, ont accédé à la notoriété publique.
Le rapport, à la fois alarmiste et à prétention hautement scientifique, élaboré par, des
chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, sous le titre évocateur de «Halte
à la croissance», a connu une diffusion de best-seller. Le nom de l’association américaine
pour la «Croissance Economique Zéro» a traversé l’Atlantique pour donner une
étiquette et, en même temps, le résumé d’un programme à tout un courant d’idées.
Ainsi, la croissance économique, portée au pinacle depuis la guerre comme la justification
suprême, la raison d’être, de l’économie capitaliste, est brusquement précipitée
aux enfers. Les nouveaux prophètes du malthusianisme annoncent que, sans l’arrêt de
la croissance tant économique que démographique, la société va vers une catastrophe
inéluctable. L’humanité du XXI e siècle, trop nombreuse sur une terre trop petite, engluée
dans ses propres déchets qu’elle sera incapable d’éliminer, épuisant ses réserves de
terres arables et de ressources énergétiques et minérales, tombera dans un rapide et
inévitable déclin jusqu’à, peut-être, la disparition totale.
L’horizon de l’an 2000 semble remplir le monde bourgeois de la même panique que
l’horizon de l’an 1000 feu le monde féodal. Malthusianisme économique et démographique
sinon pénitence et auto-flagellation, la société humaine n’aurait d’autres moyens de
conjurer la fin du monde qu’en faisant le sacrifice du progrès.

LES MÉFAITS DE LA CROISSANCE CAPITALISTE
Cette brusque flambée de pessimisme malthusien contraste avec l’optimisme agressif
affiché par les idéologues de la bourgeoisie pendant les quelque vingt ans qui ont
suivi la guerre. Prétendant avoir éliminé les crises, ils annonçaient triomphalement
qu’une ère de croissance harmonieuse illimitée s’ouvrait et que cette croissance, en
augmentant dans des proportions considérables la quantité des biens matériels, permettrait
progressivement l’acheminement prospère pour tous.
Laissons de côté le caractère quantitativement limité de cette croissance, même pendant
cette période de relative prospérité pour les affaires capitalistes, ainsi que son
absence totale d’harmonie marquée par des périodes de récessions plus ou moins longues.
Mais, telle quelle, la croissance capitaliste non seulement n’a résolu et n’a pu
résoudre aucun des grands problèmes qui pèsent sur la société humaine à l’échelle du
monde, mais a considérablement aggravé ceux qui existaient déjà, et en a ajouté
d’autres.
La croissance ou la reproduction capitaliste élargie, ne se traduisent pas seulement
par un accroissement de la production des biens matériels sous forme de marchandises,
elles se traduisent également par la reproduction des rapports capitalistes eux-mêmes
à une échelle plus grande L’augmentation quantitative de la production n’avait et ne
pouvait avoir d’effet sur la nature sociale de la répartition, si ce n’est dans le sens de
l’aggravation.
La croissance économique n’est pas socialement neutre, ses fruits ne se répartissent
pas au même titre entre tous. Au contraire, le surcroît de richesse créé par l’économie
capitaliste, s’accumule toujours au même pôle ; au lieu de combler, il aggrave l’écart
entre ceux qui contrôlent et monopolisent le capital social et les autres.
En particulier, l’expansion économique de l’après-guerre, au lieu de combler l’écart
entre les riches puissances impérialistes et les pays pauvres, l’a élargi encore. Cette
aggravation du retard économique est d’autant plus catastrophique pour les larges mas-ses
de ces pays qu’elle se conjugue avec un accroissement démographique rapide. Il a
suffi de bien peu de choses : la généralisation des vaccinations, voire tout simplement
un peu de chlore ou de permanganate dans les réservoirs d’eau potable des grandes
cités des pays pauvres, pour que la mortalité due aux maladies contagieuses baisse de
façon spectaculaire. Mais à l’accélération brusque de la croissance démographique qui
en résultait, ne correspondait pas un plus grand accès aux biens de ce monde. Pour les
deux tiers de l’humanité, non seulement il n’est pas question de cette prospérité annoncée
par les chantres de la croissance capitaliste, mais la simple survie quotidienne pose
des problèmes de plus en plus insurmontables.
La survie de l’homme est menacée d’une toute autre manière, mais socialement pour
les mêmes raisons, dans les pays développés également. Ayant comme seul moteur le
profit individuel, incontrôlée par la société, la production capitaliste choisit ses méthodes
et ses moyens en fonction de ce qui est rentable aux possesseurs du capital qui la mettent
en oeuvre. La conséquence en est double : l’incapacité de la production capitaliste à
faire face à la demande nécessaire mais non solvable, mais aussi, de façon symétrique,
le gaspillage de la force de travail et des ressources naturelles pour satisfaire toutes les
demandes solvables, même lorsqu’elles sont inutiles, voire quand elles sont franche-ment
nuisibles.
Le gaspillage des ressources naturelles et la dégradation du milieu naturel par souci
de rentabilité individuelle, immédiate et au détriment de l’homme, sont aussi vieux que
l’économie capitaliste. Les pays qui, comme l’Angleterre par exemple, furent les berceaux
du capitalisme, en portent les traces indélébiles. Aujourd’hui, la dégradation a
changé d’échelle avec le changement d’échelle de la production: Les habitants des
agglomérations urbaines sont menacés d’asphyxie par les émissions de gaz toxiques,
l’eau des rivières et des lacs, chargée de produits chimiques voit périr sa faune et sa
flore, les océans eux-mêmes sont progressivement menacés par les déjections provenant
des rivières et des navires, l’emploi de certaines méthodes d’agriculture accélère
l’érosion des sols et menace de détruire des équilibres écologiques essentiels.
Voilà les menaces que l’économie capitaliste, même lorsqu’elle est en croissance, fait
planer sur la société humaine. Voilà le réquisitoire des faits à l’encontre de ceux pour qui
le taux de croissance constitue l’ultime argument pour défendre le système social
capitaliste.
Le seul mérite de la flambée malthusienne actuelle est d’attirer l’attention sur ces
faits-là.
Mais c’est tout. Car l’explication que ces courants donnent de ces faits, est une explication
inepte et réactionnaire, et surtout, les remèdes qu’ils proposent font peser sur l’avenir
de l’homme un danger aussi grave que les maux qu’ils sont sensés combattre.

FRAPPER LES PLUS MAL LOTIS...
Auguste Bebel, un des fondateurs de la social-démocratie allemande écrivit il y a
quelque 100 ans que la peur de la surpopulation et la prolifération des idées malthusiennes
qu’elle engendre se manifestent «toujours dans les périodes de décadence de l’ordre
social». Il ajoutait «Le mécontentement général qui prend alors naissance est
attribué alors en premier lieu à l’abondance d’hommes et au manque de vivres, et non
pas à la manière dont on les obtient et les divise».
La première grande vague de malthusianisme de l’après-guerre a fait suite à la  publication,
au début des années cinquante, des résultats du premier recensement à l’échelle
du globe, ainsi que des prévisions qui en ont été tirées par un certain nombre de
sociologues et d’économistes. La démographie galopante des pays sous-développés
est devenue subitement un sujet à la mode. Elle l’est devenue en même temps qu’un
autre : la faim dans le monde. Il ne manqua pas de théoriciens pour établir immédiate-ment
un lien simple entre les deux : si les peuples des pays sous-développés sont mal
nourris, si des centaines de milliers de personnes meurent tous les ans dans le monde
de faim ou des conséquences directes ou indirectes de la malnutrition, c’est parce qu’il y
a trop d’hommes pour trop peu de ressources. Comme les ressources ne peuvent pas
augmenter au même rythme que la population, c’est le rythme d’accroissement de cette
dernière qui doit être limité. Entourés par la marée montante de la misère dans les pays
pauvres, les idéologues de la bourgeoisie des pays bien nourris pointaient leur doigt
accusateur vers les victimes de la misère pour les accuser d’en être la cause. Pendant
que d’immenses richesses – accumulées pour une large part justement par l’exploitation
des pays pauvres – étaient gaspillées en Occident capitaliste, et que d’autres, plus
immenses encore, n’ont pas été créées alors qu’elles auraient pu l’être, les puissances
riches faisaient généreusement cadeau, aux pays ravagés par la faim, de la pilule et du
stérilet.
Il y eut même des théoriciens malthusiens pour aller plus loin encore dans l’ignominie
: l’un des plus connus d’entre eux, l’américain Vogt, proposa froidement «la limitation
des naissances par tous les moyens, y compris par la suppression des secours et des
soins médicaux aux nations prolifiques.»
Ce malthusianisme-là, expression de la crainte des bourgeoisies des pays de l’Occident
capitaliste devant cette accumulation explosive de misère lourde de menaces de
révolte, était démographique et réservé, en quelque sorte, à l’usage des pays pauvres. Il
pouvait fort bien se marier avec la conviction que les possibilités de développement de
l’économie capitaliste sont illimitées et que, en ce qui concerne les pays développés,
tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes possibles.
Le malthusianisme en vogue aujourd’hui ne se limite plus à la démographie et, en
matière de démographie, il ne se limite pas aux pays arriérés.
«Le problème-clé est celui de l’évolution démographique dans le monde. C’est surtout
dans les pays en voie de développement que la natalité prend des proportions angois-
santes, mais l’Occident industriel ne pourra non plus échapper à la nécessité de contrô-
ler la natalité»– affirme la lettre Mansholt. Il faut même plus que stabiliser la croissance
démographique affirme de son côté le «plan pour la survie» proposé par un groupe d’écologistes
anglais : l’Angleterre par exemple «devrait se donner comme objectif pour les
150 ou 200 ans à venir, un chiffre ne dépassant pas 30 millions (d’habitants) – et sans
doute faudra-t-il se tenir encore en dessous, pour tenir compte de la fluctuation des res-
sources».
L’argumentation célèbre de Malthus, rejetant la responsabilité de la misère du grand
nombre, sur la contradiction entre la croissance arithmétique de la production et la croissance
géométrique de la population, est dépassée par les successeurs actuels de l’économiste
réactionnaire du siècle passé. Aujourd’hui, selon eux, la croissance de la
production ne devrait même pas être arithmétique, elle devrait tout bonnement s’arrêter,
faute de quoi les ressources naturelles seraient épuisées en quelques années et
définitivement.
«Il est évident que la société de demain ne pourra pas être axée sur la croissance, du
moins pas dans le domaine matériel»affirme Mansholt. La conséquence naturelle c’est
que, non seulement, il faut réduire la population, mais encore il faut «une forte réduction
de la consommation de biens matériels par habitant»... Il faut «la prolongation notable
de la durée de vie de tous les biens d’équipement».
Forrester, un des initiateurs du rapport du Massachusetts Institute of Technology qui
sert peu ou prou de référence «scientifique» à tous les croisés de la croisade anti-croissance,
chiffre les limitations souhaitées de la manière suivante: réduction de l’exploitation
des ressources non renouvelables de 75%, du montant des investissements en
capital de 40%, du taux de naissance de 30%, de la production de nourriture de 20 %.
Il n’est pas étonnant que les vulgarisateurs des travaux de Forrester en tirent comme
conclusion que, probablement, les pays occidentaux connaissent à l’époque actuelle
leur âge d’or.
«Jamais leur niveau de vie n’a été aussi haut dans le passé, et il est permis de penser
qu’il ne sera jamais plus aussi haut dans le futur», voilà la perspective pour l’Occident
développé. Les pays arriérés ? «Par un très simple calcul arithmétique et que la simula-
tion par ordinateur confirme largement, il semble impossible d’envisager d’une façon
réaliste que le niveau de vie des pays sous-développés rejoigne jamais celui des pays
riches»... ou encore «Dans ces conditions, une éventuelle égalisation des niveaux de
vie tendra à s’effectuer davantage à travers un déclin dans les pays riches que par le
biais d’un rehaussement dans les pays pauvres».
Reste à savoir ce que proposent les prophètes et artisans de la régression, pour faire
entrer dans les faits les limitations qui leur semblent indispensables.
Malthus affirmait naguère, sans trop se soucier de précautions oratoires, que ceux qui
ne sont pas conviés au «grand banquet de la nature» n’ont qu’à disparaître. Ne serait-ce
que pour ne pas gêner la digestion de ceux devant qui les plats sont abondants. L’égoïsme
de classe du nanti face à la misère s’étalait en toute franche cruauté.
Ses successeurs sont moins loquaces sur la question, et aussi moins francs. La
régression envisagée ne peut cependant pas être «neutre» socialement dans une
société de classes. Et encore moins égalisatrice.
Frapper le pauvre pour préserver le riche, ne concerne pas seulement l’ensemble
constitué par les pays développés d’une part, arriérés de l’autre. Les mesures avancées,
pour l’instant timidement, sont également sélectives dans le cadre d’une même
société, y compris en l’occurrence celle des pays développés.
«Il nous incombe d’indiquer les éléments économiques qui peuvent contribuer à pro-mouvoir
la limitation des naissances» réclame Mansholt «A cet égard, on peut penser à
la politique fiscale et à la suppression des aides sociales aux familles nombreuses».
Autrement dit, en clair, frapper celles des familles nombreuses qui ont besoin d’aide
sociale.
Le «plan pour la survie» déjà cité du groupe anglais «the Ecologist» va dans le même
sens, et parfois de façon quelque peu plus explicite et plus systématique encore. La
régulation démographique, comme la régulation de la consommation, doivent se faire
par un système de sélection par l’argent. C’est ainsi que, pour ne citer que cet exemple,
étant donné que la production d’un bien durable, du fait même qu’il ne faut pas le reproduire
immédiatement, pèse moins sur les ressources naturelles que les biens immédiatement
consommables, il faut encourager fiscalement les premiers et décourager les
seconds. Autrement dit, la fiscalité doit peser essentiellement sur les biens de consommation
– biens consommés pour l’essentiel par les travailleurs – et parmi ceux-ci, sur
ceux qui durent le moins.
Tailler brutalement dans la consommation du nécessaire des pauvres, laisser en
même temps aux possesseurs d’argent toutes les possibilités d’accommodement avec
la restriction, voilà le principe de base du malthusianisme bourgeois.
Derrière ces propositions, basées sur le désir apparemment humanitaire de prévenir
les effets néfastes d’une croissance trop rapide dans un monde aux ressources limitées,
se profile le seul moyen de les imposer aux classes exploitées : la trique. Le «plan pour
la survie» annonce, avec toute l’innocence d’intellectuels uniquement préoccupés du
bonheur de tous, que «s’il est prouvé que les sociétés humaines peuvent vivre heureu-
ses à l’état stationnaire pendant de longues périodes, il n’est pas moins certain que pen-
dant toute la durée de la transition, nous aurons à faire appel, nous-mêmes et nos
enfants, à toutes nos ressources morales de courage et de discipline. Pour assurer cette
discipline, il faudra une législation, une police, des tribunaux ; mais c’est notre conviction
que ces contraintes extérieures n’auront jamais la portée et l’efficacité de celles que
nous nous imposerons de nous-mêmes ...»

... AU NOM D’UNE IDÉOLOGIE RÉACTIONNAIRE
Le propre des courants malthusiens bourgeois est d’ériger les maux qui découlent de
la production et de la répartition capitalistes en produits de lois universelles. Tout en se
payant de la sorte le luxe de dénoncer les maux – au point parfois de trouver des sou-tiens
plus à gauche qu’on n’oserait le penser – ils innocentent les coupables.
L’affirmation selon laquelle il y a trop d’hommes ou, si ce n’est pas le cas aujourd’hui,
cela le sera nécessairement demain car, sans une limitation draconienne de la croissance
démographique, les vivres finissent nécessairement par manquer, est la première
des inepties professées par tout malthusien qui se respecte. La persistance avec
laquelle cette affirmation revient au long des siècles en constitue le meilleur démenti.
Humour tout-à-fait involontaire : le chapitre du rapport du Massachusetts Institute
consacré précisément aux graves conséquences du caractère géométrique de la croissance
démographique, porte un exergue. L’auteur de cet exergue déplore gravement la
tendance de chaque famille à avoir beaucoup de fils, car de cette façon, «il y a donc
davantage de monde et. moins de richesses.»Le texte est signé d’un nommé Han Fei-Tsou,
qui avait écrit cette mise en garde... sous la dynastie Tchou, 500 ans avant notre
ère. Pourtant, s’il en est qui n’ont pas spécialement intérêt à exhiber leur identité de vue
avec un auteur vieux de deux millénaires et demi, ce sont précisément les prophètes de
la catastrophe démographique pour dans 20 ans...
L’extraordinaire impulsion donnée à l’économie par le mode de production capitaliste
a, pour la première fois, donné à l’humanité le moyen d’échapper aux restrictions démo-graphiques
imposées par la nature. Le rapide développement démographique, depuis
quelque deux siècles, reflète quoique de façon déformée, justement ce fait-là. Mais,
paradoxalement, tout en donnant à l’humanité les moyens techniques et économiques
d’échapper à la surpopulation, le mode de production capitaliste engendre inéluctable-ment
la surpopulation. Non qu’il y ait trop d’hommes. Mais parce qu’il y a –et il y a
nécessairement en économie capitaliste – trop d’hommes insolvables par rapport à la
capacité de production existante, capacité de production qui, justement, s’adapte, en
régime capitaliste, non point aux hommes existants et à leurs besoins, mais à leur capa-cité
d’achat. La surpopulation, sous le capitalisme, fait ainsi pendant à la surproduction
capitaliste. Et on en arrive à ce résultat, scandaleux à l’égard de la raison, mais parfaite-ment
dans la logique du système, que les mêmes malthusiens qui réclament le freinage
brutal de la croissance de la population, réclament le freinage tout aussi brutal de la
production.
Certes, nous diront les malthusiens, la deuxième restriction procède d’autres nécessités,
auxquelles aucune économie ne saurait échapper, à savoir la quantité limitée des
ressources naturelles, terres arables, mais aussi ressources minérales. Soit dit en passant,
les mêmes auteurs qui brandissent triomphalement ces raisons d’économie pour
le futur, sont d’un mutisme total en ce qui concerne le gaspillage de ces matières premières,
notamment par la production d’armement. Mais si, pour une économie rationnellement
organisée, il y a là  en effet de sérieuses économies à faire dans le futur, là est
même pas le problème.
Invoquer les réserves minérales connues, faire des extrapolations alarmistes,
serait-ce à l’aide d’ordinateurs, pour démontrer qu’au rythme de la consommation
actuelle, il ne reste guère que tant ou tant d’années avant l’épuisement des stocks, pro-cède
d’un esprit profondément pessimiste, profondément réactionnaire, à l’égard de la
capacité de l’homme. Pas seulement parce que les stocks sont encore loin d’être con-nus
et, comme le souligne François Callot auteur d’un livre sur les «Richesses minières
mondiales», l’expérience du demi-siècle passé prouve que la courbe des découvertes
de réserves nouvelles progresse à un rythme souvent plus rapide que la courbe de la
consommation. Pas seulement parce que, en tout état de cause, ce n’est pas la quantité
des ressources minières ou énergétiques qui est prise en considération dans le régime
capitaliste, mais aussi la rentabilité de leur exploitation, rentabilité qu’une économie planifiée
et dirigée de façon consciente peut juger en fonction de tout autre critère que l’économie
de profit. Mais aussi et surtout, parce que cette façon d’envisager le futur
comme une projection linéaire du présent, quand bien même on se targue, comme le fait
le rapport du Massachusetts Institute, d’avoir «combiné les facteurs essentiels dans un
modèle dynamique», et l’avoir traité à l’aide d’un ordinateur, est complètement inepte.
Avec la même logique simpliste, l’homme de Cro-magnon disposant d’un ordinateur,
capable d’intégrer dans le même «modèle dynamique» la quantité de glands et de racines
comestibles poussant sur le territoire de sa tribu, le nombre de bisons ayant l’habitude
d’y séjourner, ainsi qu’éventuellement la quantité de haches en silex susceptibles
dl y être fabriquées, en aurait sans doute conclu que les limites des ressources naturel-les
ne présageaient rien de bon pour la multiplication de la race humaine. Il aurait eu
encore quelques excuses : la croissance des forces productives n’avait à l’époque rien
de commun avec le tumultueux développement qu’elle connaît depuis quelques siècles.
La notion de «limites naturelles» des ressources n’a aucune signification. Pour ne
citer que cet exemple-là, des réserves de charbon, en quantité tout aussi «naturellement
limitée», sont laissées à l’abandon par la découverte de nouvelles sources d’énergie
insoupçonnées il y a un siècle, comme l’uranium par exemple.
Il faut tout le pessimisme d’une classe décadente, dépassée par l’histoire, pour tracer
des limites infranchissables devant le génie humain. Le développement de la société
humaine est effectivement freiné, et freiné considérablement. Non point par on ne sait
quelles données objectives, mais par la domination de la bourgeoisie. C’est bien pour-quoi
seuls les révolutionnaires sont résolument optimistes quant à l’avenir de la société
humaine ; mais c’est bien pourquoi ils ont aussi la conviction que la révolution sociale
est d’une nécessité absolue.

UNE AGGRAVATION DU MALTHUSIANISME ÉCONOMIQUE ?
L’utilisation des formules mathématiques et le traitement par ordinateurs ne fait pas
des idées du Massachusetts Institute ou du «Club de Rome» autre chose que des
vieilleries aussi dépassées, aussi réactionnaires, que la classe au nom de laquelle elles
sont formulées.
Mais il ne serait pas juste de croire qu’il ne peut s’agir-là que de douces lubies d’intellectuels
dépassés par une évolution qu’ils ne comprennent pas, et qui les remplit d’une
peur panique.
Le renouveau du malthusianisme coïncide avec le spectre de la crise économique.
Y-a-t-il entre les deux des liens directs de cause à effet ? Là n’est pas la question. Ce qui

est infiniment plus important, c’est que la bourgeoisie décadente peut faire siennes les
propositions malthusiennes. Plus même, elle ne peut pas, sous une forme ou sous une
autre, suivant le degré de gravité de la crise économique qui la menace, ne pas les faire
siennes. Et elle le faisait déjà bien avant que ses intellectuels ressortent les vieilleries
malthusiennes, les habillent dans un vocabulaire plus neuf et plus «humanitaire», pour
le justifier.
Elle le faisait parce que le capitalisme décadent, le capitalisme des monopoles, a profondément
besoin des pratiques malthusiennes.
La contradiction fondamentale de l’économie capitaliste, est celle entre la tendance
des forces productives au développement illimité, et la capacité d’absorption limitée du
marché, du fait du pouvoir d’achat limité de la fraction la plus importante de la population,
notamment de la classe ouvrière. En régime de capitalisme de libre concurrence,
l’adaptation de la capacité de production à la capacité de consommation se fait après
coup, sur le marché, au travers des crises périodiques. Sous l’impérialisme, pour l’essentiel,
également. Mais l’existence des monopoles et le rôle de l’Etat rendent possible,
non point de se libérer du marché, mais de s’y adapter dans une certaine mesure par
avance. Et s’y adapter par avance, précisément par une politique malthusienne, en limitant
volontairement la production bien en-deçà des capacités productives. Autrement
dit, en cherchant à conjurer la crise... en anticipant par avance ses conséquences sur le
niveau de production.
Les trusts, ayant, seuls ou par regroupement en cartels, une position de monopole sur
le marché, pratiquent cette attitude depuis toujours, et particulièrement en période de
difficultés économiques. Comme ils pratiquent déjà, mais en fonction de leurs seuls intérêts,
un contrôle rigoureux des sources d’approvisionnement.
Il y a déjà un demi-siècle, bien avant que les partisans de la «Croissance Zéro» formulent
les conclusions de leur «découverte», un économiste célèbre à son heure allait
jusqu’au bout de leurs idées en affirmant : «La destruction peut être génératrice de
richesses, comme le prouve la loi de Davenant, dont nous avons vérifié non pas une
fois, mais cent fois, l’exactitude... La destruction peut devenir une mesure de salut
public... et une mesure de sagesse !».
Cette sagesse-là, les capitalistes n’avaient pas besoin d’ordinateur pour la découvrir.
Comme n’en avait pas besoin Roosevelt, tentant de sortir de la Grande Crise en finançant,
non seulement la non-production, mais la destruction de richesses, destruction
financée par des impôts accrus, mais surtout en faisant marcher la planche à billets.
Comme n’en avait pas besoin Hitler en menant une politique économique malthusienne
d’un autre genre.
Depuis la guerre, malgré la relative prospérité, l’appareil de production américain ne
fonctionne qu’à 80 % environ de sa capacité, politique malthusienne évidente dont sont
victimes, outre l’ensemble de l’humanité pour les richesses perdues de la sorte, les mil-lions
de travailleurs qui, bon an mal an, sont en chômage.
Et, en fin de compte, l’adaptation par avance aux capacités limitées du marché, en
produisant pour des débouchés «hors marché», si l’on peut dire, qu’est la production
d’armement, est également une forme de malthusianisme économique.
Cette forme de malthusianisme-là a été pratiquée au prix de l’inflation généralisée
que l’on sait. La facture est en train d’arriver avec la crise monétaire. Aussi, les capitalistes
sont peut-être en train de chercher à changer leur fusil d’épaule, en tournant vers un
malthusianisme plus franc. Les conséquences de la crise monétaire sur le commerce
mondial, le tournant vers un protectionnisme accru et généralisé, les y conduiront
probablement.
Il n’est donc pas impossible, loin de là, que les recommandations des illuminés du
«Club de Rome» soient suivies d’effets – ou plus exactement, que les trusts et les Etats
à leur service s’emparent des arguments énoncés avec des dehors humanitaires par
ces gens-là, pour enrichir leur arsenal malthusien de quelques nouveaux aspects.
La lutte contre la pollution elle-même peut être, dans ces conditions, la source de nouvelles
subventions étatiques pour les trusts, au détriment de la consommation des classes
travailleuses.
Alors, en accordant le bénéfice du doute sur leur sincérité à certains écologistes,
sérieusement préoccupés par les dommages causés à la nature par l’anarchie de la production
capitaliste, qui se sont fait les chantres de la «Croissance Zéro», on peut considérer
qu’ils ont tiré, à leur façon, la sonnette d’alarme.
L’humanité a cependant une autre alternative que de choisir entre se noyer sous les
déchets du capital ou refuser le progrès. Mais la solution n’est pas technique. Elle est
sociale. Elle passe par le remplacement du mode de production bourgeois par la production
socialiste, planifiée sous le contrôle et dans l’intérêt de tous.
Il y aura alors, non pas deux, mais de multiples choix pour la collectivité, quant au
rythme de croissance, quant à l’orientation générale de l’économie. Mais aucun ne sera
dramatique pour l’avenir de la race humaine.



pelon
 
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Message par Dolmancé » 12 Jan 2004, 14:52

Ce que j'aime bien avec les communistes c'est leur rigueur (hum!hum!) intellectuelle...

Du style commencer par parler des partisans de la décroissance soutenable et puis après mentir (en associant décroissance économique et nécessité d'une décroissance de la population humaine, ce qui est faux) ce qui permet de broder autour des mensonges.

En plus parler d'une idéologie bourgeoise de la part d'un LO ça me fait bien marrer...

Elle a été écrit par qui votre idéologie ? Par des bourgeois.

--- Message modéré par Byrrh ---
Dolmancé
 
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Message par Fan_Bizet » 12 Jan 2004, 17:40

(Dolmancé @ lundi 12 janvier 2004 à 14:52 a écrit : Ce que j'aime bien avec les communistes c'est leur rigueur (hum!hum!) intellectuelle...

Du style commencer par parler des partisans de la décroissance soutenable et puis après mentir (en associant décroissance économique et nécessité d'une décroissance de la population humaine, ce qui est faux) ce qui permet de broder autour des mensonges.

En plus parler d'une idéologie bourgeoise de la part d'un LO ça me fait bien marrer...

Elle a été écrit par qui votre idéologie ? Par des bourgeois.

--- Message modéré par Byrrh ---

A court d'argument, on diffame
Envie d'un câlin on dit "femme"

(Lenine: oeuvres complètes tome XXIV)
Fan_Bizet
 
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Message par pelon » 12 Jan 2004, 18:49

(Dolmancé @ lundi 12 janvier 2004 à 14:52 a écrit :

Du style commencer par parler des partisans de la décroissance soutenable et puis après mentir (en associant décroissance économique et nécessité d'une décroissance de la population humaine, ce qui est faux) ce qui permet de broder autour des mensonges.


Qu'est-ce qui est faux ? Ce que nous rappelons de la "lettre Mansholt" ? Nous déformons ce qu'ils disent ? Nous ne leur répondons pas bien ? En quoi ? Peux-tu expliquer ce que tu veux dire ?
pelon
 
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Message par Dolmancé » 12 Jan 2004, 21:35

a écrit :Qu'est-ce qui est faux ? Ce que nous rappelons de la "lettre Mansholt" ? Nous déformons ce qu'ils disent ? Nous ne leur répondons pas bien ? En quoi ? Peux-tu expliquer ce que tu veux dire ?


Je vous ai trouvé un résumé du rapport commandé par le club de rome au MIT :

http://www.manicore.com/documentation/club_rome.htm

A comparer avec les délires du texte initial qui amalgame les partisans de la décroissance soutenable à des zélotes de la limitation de la population mondiale.

Ceci étant dit :

a écrit :Décidément en ce moment on réunit la crème des gauchistes, soi-disant anti-conformistes mais qui reprennent les arguments des plumitifs journalistiques anti-communistes.


déjà merci d'éviter les insultes... activiste je veux bien mais je ne sens pas assez la naphtaline pour qu'on puisse me qualifier de gauchiste

Ensuite sur le coup de la diffamation : ont été jugé diffamatoire les propos sur le licenciement pour cause de maternité ainsi que les rapports de Barcia avec le snip... et pas ceux qui affirment que Barcia fut actionnaire et dirigeant de société.

(ce que lutte ouvriere a bien été forcé de reconnaitre dans ses pages suite au droit de réponse de Koch :

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/arti...1754&ARTICLE=33

)

Donc maintenant qu'on m'explique en quoi l'association Terre & Humanisme de Pierre Rabhi ou les casseurs de pub (pour prendre des exemples de partisans de la décroissance soutenable en France) seraient plus "bourgeois" que les communistes ?
Dolmancé
 
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Message par pelon » 12 Jan 2004, 22:06

(Dolmancé @ lundi 12 janvier 2004 à 21:35 a écrit :
a écrit :Qu'est-ce qui est faux ? Ce que nous rappelons de la "lettre Mansholt" ? Nous déformons ce qu'ils disent ? Nous ne leur répondons pas bien ? En quoi ? Peux-tu expliquer ce que tu veux dire ?


Je vous ai trouvé un résumé du rapport commandé par le club de rome au MIT :

http://www.manicore.com/documentation/club_rome.htm

A comparer avec les délires du texte initial qui amalgame les partisans de la décroissance soutenable à des zélotes de la limitation de la population mondiale.


Le lien ne fonctionne pas.
pelon
 
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