L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Marxisme et mouvement ouvrier.

L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par Gayraud de Mazars » 29 Déc 2023, 18:45

Salut camarades,

On peut lire dans la Tribune des Travailleurs n°421 du jeudi 28 décembre 2023 ces documents sur "Abeiter und Soldat"

L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » est constituée

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Juillet 1944 : « À bas la guerre ! Paix immédiate ! »

Entretien : « Faire connaître aux jeunes générations ces pages glorieuses »

François Preneau est coauteur du livre Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste.
Il préside la nouvelle association, dont Loïc Le Bars est le secrétaire.

À l’initiative de la IVe Internationale, le bulletin clandestin Arbeiter und Soldat fut édité en 1943 et en 1944 sous la responsabilité du militant trotskyste allemand Martin Monath, dit Widelin. Son objectif était d’assurer un travail de fraternisation entre les travailleurs allemands sous l’uniforme et les travailleurs français pour préparer la révolution sociale qui seule apportera « un terme définitif à cette guerre ». Il fut diffusé à Brest parmi les soldats allemands travaillant à l’Arsenal, mais aussi en Italie.

À Brest, les soldats allemands regroupés autour du bulletin et les militants français payèrent de leur arrestation, de la torture et, pour beaucoup, de leur vie leur engagement pour l’internationalisme prolétarien. Martin Monath fut quant à lui abattu par la Gestapo en août 1944.

Pourquoi une association maintenant ? Quelles tâches vous fixez-vous ?

D’abord, pour faire connaître aux jeunes générations ces pages glorieuses de la lutte révolutionnaire quand il était « minuit dans le siècle », mais aussi parce qu’elles nous lèguent de riches leçons pour aujourd’hui.

N’avons-nous pas un devoir de mémoire envers ces camarades qui n’ont cessé de rappeler : « La paix : seule la révolution prolétarienne mondiale pourra nous apporter la paix, la fin de toute guerre. La liberté : elle n’est possible pour tous les exploités que dans le cadre de la République socialiste des soviets. Le pain : seule l’expropriation du capital et la mise en place de l’économie socialiste planifiée peuvent assurer le pain pour tous et la suppression des crises économiques », et qui sont l’honneur de la IVe Internationale ?

L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » travaillera à ce que leur combat soit connu et reconnu. Et aussi, poursuivra inlassablement la recherche des identités aujourd’hui toujours inconnues des soldats allemands fusillés à Brest.

Ce travail de recherche a-t-il donné de premiers résultats ?

Oui, nous venons de retrouver dans des fonds d’archives un tract Arbeiter und Soldaten publié fin juillet 1943, à la suite de la destitution de Mussolini, mais surtout face à la formidable mobilisation ouvrière et populaire qu’elle entraîna. Ce tract appelle les soldats allemands à refuser de combattre contre leurs frères de classe italiens (lire ci-dessous des extraits).

Avez-vous des projets pour l’année 2024 ?

C’est ensemble que les adhérents de l’association vont préciser leurs projets pour 2024. Nous envisageons la publication de documents ainsi que la tenue d’une rencontre à Brest en juin 2024. Avec un atout majeur : dès sa fondation, notre association regroupe des militants allemands et français.

Qu’est-il possible de faire pour aider l’association ?

Adhérer, faire connaître l’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » ! Nous avons fait le choix de fixer à un minimum de 15 euros la cotisation annuelle, afin que l’argent ne soit pas un obstacle à cette adhésion et que chaque adhérent puisse y trouver sa place.

Propos recueillis par Olivier Doriane


Pour adhérer à l’association : François Preneau, 60, rue du Landreau, 44300 Nantes Chèque à l’ordre de Roger Calvez : 15 euros.


Un livre : « Dans leurs bagages, une ronéo et une machine à écrire »

Documents historiques à l’appui, le livre Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste raconte et rend hommage à un combat, méconnu et occulté, des partisans de la IVe Internationale : « De Nantes à Brest, les trotskystes dans la guerre (1939-1945) »

Cet ouvrage, rédigé collectivement par François Preneau, Robert Hirsch et Henri Le Dem, est disponible aux éditions Syllepse au prix de 22 euros.

À Brest et à Nantes, l’échec du Front populaire, l’écrasement de la République espagnole, mais aussi les crimes de Staline conduisent plusieurs jeunes ouvriers à rompre avec la SFIO et à rejoindre les trotskystes. C’est dans les Auberges de jeunesse que s’affirme cette résistance anti-nazie, ouvrière et internationaliste qui sera active pendant toute la guerre.

En juin 1940, une poignée de responsables du POI (Parti ouvrier internationaliste – ndlr) se réfugient à Couëron, dans la banlieue nantaise. Dans leurs bagages, une ronéo et une machine à écrire qui serviront toute la guerre. Avec les jeunes Nantais, ils poursuivent la publication de leur bulletin L’Étincelle jusqu’à la parution, fin août, du premier numéro de La Vérité clandestine.

Au début de l’été 1943, les jeunes trotskystes nantais et brestois éditent un organe clandestin, Le Front ouvrier. Chaque numéro, ronéoté sur quatre à six pages, est diffusé dans les grandes entreprises. Le Front ouvrier sera la voix de ceux d’en bas, de la colère qui gronde pour que grandisse la résistance ouvrière.

En avril 1943, cinq militants nantais rejoignent Brest pour entreprendre une action de fraternisation avec les soldats allemands. En s’adressant aux soldats allemands opposés au nazisme, ils veulent préparer avec eux une issue révolutionnaire à la guerre. Robert Cruau, qui parle allemand, dirige ce travail. Bientôt, une vingtaine de soldats allemands forment un groupe se réclamant de la IVe Internationale et rédigent leur propre journal, Arbeiter und Soldat im Western.

Au début de l’automne 1943, la Gestapo frappe un coup terrible : sans procès, tous les soldats antinazis sont fusillés, le groupe brestois en grande partie démantelé. Robert Cruau est tué et de nombreux militants, à Brest, Quimper, Nantes et Paris, sont arrêtés, torturés et déportés en Allemagne. Plusieurs n’en reviendront pas.

François Preneau


Un tract de 1943

« Soldats, fraternisez avec les ouvriers et paysans en lutte ! »

Ce tract, Arbeiter und Soldaten (Ouvriers et soldats), signé du secrétariat européen provisoire de la IVe Internationale est en date de juillet 1943 (extraits).

« SOLDATS !

Allez-vous, pour les profits des Krupp et Borsig (…), pour que se prolonge une guerre qui est déjà perdue, endosser l’énorme responsabilité d’étrangler la révolution italienne ? Allez-vous souiller votre propre révolution, qui arrive à pas de géant et est toute proche, du sang des ouvriers et paysans révolutionnaires d’Italie ? N’avez-vous pas toujours dit, tout le temps, que vous n’arriviez pas à retrouver foi en votre propre force : oui, bien sûr, le jour où il y aura quelqu’un qui s’y mettra ?

Eh bien, voilà.

Maintenant, ce quelqu’un a démarré avant vous, et c’est le peuple travailleur de l’Italie !!

Il faut empêcher que la révolution italienne soit étouffée ! il faut au contraire qu’elle donne le signal de la révolution allemande.

Si en Italie, on veut vous faire marcher contre les ouvriers et les paysans révolutionnaires, alors fusillez les officiers qui vous en donnent l’ordre ! Fraternisez avec les ouvriers et paysans en lutte, vos camarades italiens de la même classe ouvrière !

Ouvriers des usines ! Soldats sur tous les fronts et à l’arrière !

Les événements se précipitent. Nous devons nous préparer à tout ! Concertez-vous avec tous ceux qui sont du même bord ! Dès le premier jour de la révolution allemande, il faut que l’arrière comme le front se couvrent d’un réseau de conseils d’ouvriers et de soldats pour assurer le pouvoir du prolétariat !

À bas la guerre impérialiste !

La paix tout de suite !

Vive la fraternisation révolutionnaire des travailleurs d’Allemagne, d’Italie et du monde ! »


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par jamesdan » 31 Déc 2023, 17:54

Un bel exemple, 80 ans plus tard, pour la guerrre entre deux pays capitalistes plus ou moins décomposés, avec des oligarques semi-mafieux et en partie compradores, que sont la Russie et l'Ukraine ! Je sais que les trotskystes du Parti des travailleurs ont un groupe russe dans le cadre du Comité d'organisation pour la reconstitution de la Quatrième Internationale. Pourquoi pas en 2024 un combat pour la fraternisation de travailleurs et de soldats à la fois contre Poutine et contre Zélensky ?
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par pouchtaxi » 14 Jan 2024, 19:21

Gayraud de Mazars a écrit :
Documents historiques à l’appui, le livre Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste raconte et rend hommage à un combat, méconnu et occulté, des partisans de la IVe Internationale : « De Nantes à Brest, les trotskystes dans la guerre (1939-1945) »

Cet ouvrage, rédigé collectivement par François Preneau, Robert Hirsch et Henri Le Dem, est disponible aux éditions Syllepse au prix de 22 euros.





Ouvrage tout à fait intéressant puisqu’il contient de nombreux extraits des publications des militants trotskystes de Nantes et Brest avec notamment le « travail allemand ».





Les auteurs ne peuvent toutefois pas s’empêcher d’envoyer quelques piques en direction des courants qui n’ont pas leur agrément.

Toujours les différences d’analyse et de position sur la question nationale !

p.8. …….Autre élément tiré de ces publications : la ligne politique d’une extrême-gauche écartelée entre son antinazisme et la volonté de ne pas soutenir pour autant l’autre camp dans la guerre. Alors que paraissent les numéros de Front ouvrier évoqués dans cet ouvrage, l’orientation des trotskystes français repose sur le renvoi dos-à-dos des belligérants, régulièrement rappelé dans les bulletins et qui paraît aujourd’hui bien obsolète.



p.19. ….. Pourtant, à ce moment encore, le congrès trotskyste ( 08/1941, congrès des comités français pour la quatrième internationale) maintient l’idée d’une possibilité de lutte commune avec les milieux populaires attirés par le gaullisme…….

…….Mais, très rapidement, dans les premiers mois de 1942, s’affirme une ligne différente, marquée par la défiance envers de Gaulle……

…..et pour les travailleurs, la Résistance ne peut représenter une perspective dans la mesure où elle s’allie avec une partie de la bourgeoisie. Or, cette attitude coupe les trotskystes du sentiment patriotique qui progresse dans la population……….. . Patriotisme et antifascisme sont mêlés et les différencier comme tentent de le faire les militants d’extrême-gauche s’avère une gageure.



P 21. L’orientation de la principale organisation trotskyste a oscillé……….entre prise en compte du sentiment national face à l’occupation et refus de prendre partie entre les deux camps en présence dans la guerre. C’est cette dernière logique qui l’emporte au printemps 1945……

La ligne qui s’est imposé dans la dernière phase du conflit ne peut que marginaliser les militants trotskystes, déjà fort minoritaires…………cela explique d’ailleurs que, dans son premier congrès, tenu en octobre 1944, le PCI procède à une autocritique partielle. Il reconnaît que les milieux populaires ont accueilli avec joie les Américains. Et considère qu’il faut faire la différence entre les Anglo-Saxons et le nazisme……..


P22. Il convient de signaler que le groupe Lutte de classes n’aura pas la même lucidité, écrivant après la libération de Paris :

"Sous l’enseigne de l’ « insurrection nationale », nous avons assisté depuis le 15 août à la même escroquerie politique que nous avons subie en juillet 1940 sous le couvert de la « Révolution nationale » de Pétain."

([i]Lutte de classes, 02/09/1944 , indiqué en note de bas de page avec une erreur d’année.)
….
La postérité de ce courant est aujourd’hui représentée par l’organisation Lutte ouvrière qui se situe dans cette logique…….

Si la barbarie de l’impérialisme fasciste est bien connue, le camp dit « démocratique » sut montrer aussi, dans maintes occasions, la même barbarie,

(Lutte ouvrière, 01/09/1979, encore indiqué avec une erreur de date)

Citation dont j’imagine qu’elle est destinée à montrer la persistance d’un « manque de lucidité »…….

Se contenter de qualifier une position internationaliste cohérente de refus d’alignement sur un camp bourgeois de simple « renvoi dos- à-dos » est désinvolte et incorrect.

Le souci de s’adresser, et tant qu’à faire, tenter d’être compris par le plus grand nombre de travailleurs est évidemment juste. Une solution illusoire à ce problème est le suivisme par rapport à des éléments d’idéologie bourgeoise auxquels n’échappe pas une partie du prolétariat et qui sont destinés à tenter de les convaincre qu’il n’existe pas d’alternative à la domination de la bourgeoisie dont l’ordre social serait donc « naturel » et indépassable.

Cette question est toujours d’actualité.

Je finis par une demande adressée à tous : quelqu’un a-t-il la possibilité de mettre sur le forum le texte complet des thèses sur la question nationale de Marcel Hic.
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par pouchtaxi » 15 Jan 2024, 10:06

pouchtaxi a écrit :….
p 22. La postérité de ce courant est aujourd’hui représentée par l’organisation Lutte ouvrière qui se situe dans cette logique…
….

C'est une citation tirée du livre. La mise en forme était défectueuse dans le message précédent..

pouchtaxi
 
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par Ottokar » 15 Jan 2024, 14:19

Je finis par une demande adressée à tous : quelqu’un a-t-il la possibilité de mettre sur le forum le texte complet des thèses sur la question nationale de Marcel Hic.


Il faut regarder Gallica, l'année 40 et les thèses du POI (ou PCI ?). Ce sont les thèses adoptés lors d'un CC de juin ou juillet je crois, qui contiennent les formules les pires, avec "nos ingénieurs, nos vaches, notre lait"... et "la main tendue à la bourgeoisie pensant français". Fort heureusement si on peut dire, ces thèses (de Marcel Hic, déporté et tué pendant la guerre) n'ont pas été suivies d'effet et si on regarde, toujours sur Gallica, les exemplaires de La Vérité de la fin 40 et du début 41, il n'y a pas trace de ces âneries. Ce qui n'est pas mieux : on dit les pires conneries, et ensuite, on n'en tient aucun compte, sans s'en expliquer. Bref on dit n'importe quoi et ça n'a aucune importance...
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par com_71 » 15 Jan 2024, 18:22

Il y a :
- Marcel Hic et Ivan Craipeau, Rapport sur la France (7 août 1940)
- La question nationale en France et les Etats-Unis socialistes d’Europe (septembre 1940)
- Thèses sur la question nationale, du SE (juillet 1942)
- Sous le signe du Front Ouvrier. La Conférence Nationale du POI (15 janvier 1943)
- Staline dissout le Komintern. La IVe Internationale mènera le prolétariat à la victoire ! (juin 1943)
- Manifeste du VIe Congres du Parti Ouvrier Internationaliste aux Travailleurs de France (juin 1943)
- La reconstruction et le renforcement de la IVe Internationale (19 juillet 1943)
- Aux ouvriers, paysans et soldats italiens! (août 1943)
- Résolution sur le mouvement des partisans (décembre 1943)

Donc les thèses, c'est plutôt juillet 1942, on les trouve pp. 119 à 124 des "Congrès de la 4, tome 2, éd. La brèche".
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par pouchtaxi » 01 Juil 2024, 17:28

On pourra apprécier les différences de points de vue entre l’article suivant :

https://www.lutte-ouvriere.org/mensuel/ ... 75874.html

et l’article de la revue MOLCER-8 (https://molcer.fr/) , recension du même livre, malheureusement pas en ligne à ma connaissance.

La fameuse question du « bourgeois pensant français » n’est manifestement pas un problème pour les courants issus des PCI-Frank et PCI-Lambert.
pouchtaxi
 
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par Zorglub » 02 Juil 2024, 05:52

J'ai vu incidemment sur leur site qu'il y a l'annonce de la création d'une Association des amis d'Arbeiter und Soldat par des militants français et allemands.
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par com_71 » 04 Juil 2024, 11:29

pouchtaxi a écrit : l’article de la revue MOLCER-8 (https://molcer.fr/) , recension du même livre, malheureusement pas en ligne à ma connaissance...


C'est en ligne maintenant :
Note de lecture : Résistance antinazie, ouvière et internationaliste. De Nantes à Brest, les trotskystes dans la guerre

MOLCER 8-Loïc Lebars- Ce livre, rédigé collectivement par François Preneau, Robert Hirsch et Henri Le Dem, relate, et lui rend hommage, le combat méconnu mené par les militants et militantes trotskystes nantais et brestois. A Nantes, ces jeunes ouvriers et ouvrières ont rejoint les rangs de la 4e Internationale après avoir rompu avec la SFIO au lendemain de l’échec du Front populaire, de l’écrasement de la Révolution espagnole et de la révélation du caractère contre-révolutionnaire de la bureaucratie stalinienne. Ils se regroupent dans un premier temps dans les Auberges de jeunesse, un milieu propice aux discussions politiques, puis rejoignent les Comités pour la 4e Internationale, qui reconstitueront le Parti ouvrier internationaliste en 1942, dont plusieurs dirigeants sont venus en juin 1940 se réfugier à Couéron dans la banlieue nantaise. Ils ont apporté ave eux une ronéo et une machine à écrire. C’est avec ce matériel que les militants nantais vont poursuivre la publication de leur journal L’Etincelle pendant l’été 1940 jusqu’à la parution en août de La Vérité clandestine, et entreprendre, contre vents et marées, cette résistance antinazie, ouvrière et internationaliste pour préparer « la révolution sociale qui seule pourra vraiment mettre un terme à la guerre ».
Les auteurs du livre se sont appuyés sur la presse régionale et les journaux trotskystes ainsi que sur les mémoires et les témoignages oraux des protagonistes de cette histoire ayant échappé aux arrestations ou qui sont revenus vivants des geôles nazies et des camps de concentration. Mais ils ont aussi retrouvé dans les sources policières et les rapports des renseignements généraux au préfet, ainsi que dans les papiers conservés par les familles des militants disparus, des tracts et des numéros manquant de Front ouvrier, le bulletin clandestin qu’ils ont diffusé du printemps 1943 à l’été 1944 dans les principales usines de la région, et notamment aux Chantiers de Bretagne et aux Batignolles. La parution du journal correspond à l’orientation adoptée par le 5e congrès du POI qui réussit à se tenir dans la clandestinité en juin 1943. Le Front ouvrier a pour objectif de rassembler « les meilleurs combattants de la classe ouvrière », membres ou non d’une organisation politique, dans de petits groupes clandestins qui devront se faire l’écho des revendications ouvrières et préparer puis organiser l’action des masses dans une perspective révolutionnaire. Ces groupes, rassemblant de fait une avant-garde, sont aussi considérés comme les embryons des soviets qui apparaîtront lors de la vague révolutionnaire que ces militants espèrent voir déferler à la fin de la guerre.
Front ouvrier ne se réclame donc pas du POI ; il est « l’organe clandestin des ouvriers de la région nantaise ». Chaque numéro ronéoté a de quatre à six pages. Il contient des articles généraux et des échos d’entreprise dénonçant la situation faite aux ouvriers de ces grandes usines travaillant pour l’armée nazie et soumises de ce fait au contrôle des autorités allemandes, les actions contre les cadences infernales que celles-ci tentent de leur imposer, les protestations que suscitent la mise en place de la « relève » puis du STO et les difficultés d’approvisionnement de leurs familles. Front ouvrier n’hésite pas à dénoncer nommément les petits chefs qui se font les relais des exigences allemandes ou qui s’adonnent au marché noir en détournant les denrées alimentaires destinées aux restaurants d’entreprise. Ces articles ne sont pas sans effet : nombre de ces « collabos » au petit pied changent brusquement d’attitude après leur publication et font profil bas… La lecture du journal permet en outre de mesurer l’ampleur des destructions provoquées par les bombardements alliés de septembre 1943 qui ont fait 1500 morts et des dizaines de milliers de sans-abris. Déjà difficile, la situation sociale des familles ouvrières devient dramatique.
En juin 1943, cinq militants du groupe nantais, dont Robert Cruau, rejoignent Brest afin, pour certains, d’échapper au STO et surtout pour aider leurs camarades brestois à entreprendre une action de fraternisation avec les soldats allemands opposés au nazisme et préparer avec ces derniers une issue révolutionnaire à la guerre, et cela quelques soient les risques encourus. Sans doute en se référant au numéro spécial de La Vérité du 1er mai 1941 sous-titré Parti Communiste Révolutionnaire, les trotskystes brestois avaient fondé en 1941 un Parti communiste révolutionnaire qui éditait La Bretagne rouge. Ils avaient aussi diffusé fin 1942 un tract s’élevant contre « la relève » décidée par les autorités allemandes qui voulaient « expédier 700 ouvriers de l’arsenal de Brest à Hambourg ». Ils avaient participé à la manifestation de plusieurs milliers de personnes qui s’était formée pour protester contre le départ du premier train de la relève.
Robert Cruau, qui parle leur langue, parvient à entrer en contact avec quelques soldats allemands. Bientôt une vingtaine d’entre eux forment un groupe se réclamant de la 4e Internationale et entreprennent de publier leur propre journal. Ce sera Zeitung für Arbeiter und Soldat im Western (Journal pour les soldats et les ouvriers de l’ouest) qui reprend le titre de l’organe publié à Paris sous la direction de Martin Monath, alias Widelin, par la 4e Internationale et dont plusieurs numéros paraîtront à Brest entre juin et septembre 1943. Tiré à 150 exemplaires, il est diffusé essentiellement par les soldats allemands. Des moyens considérables sont mis en œuvre par les nazis pour mettre un terme à cette forme de résistance qu’ils craignent tout particulièrement. Début octobre 1943, la trahison de l’un de ces soldats permet à la Gestapo de frapper un coup terrible. Tous les soldats antinazis sont arrêtés, et immédiatement fusillés, et le groupe brestois du POI en grande partie démantelé. Robert Cruau est tué alors qu’il tente de s’échapper. De nombreux responsables de la 4e Internationale, à Quimper et Paris, sont eux aussi arrêtés, torturés et déportés en Allemagne. Plusieurs n’en reviendront pas, dont Marcel Hic, le principal dirigeant du POI. En revanche, les autres militants nantais parviennent à passer à travers les mailles du filet et à regagner leur ville où ils et continueront à publier Front ouvrier jusqu’en juin 1944.
Front ouvrier est alors le seul organe clandestin de la région. Un bulletin intérieur du Parti communiste internationaliste, né du regroupement en février 1944 des organisations se réclamant de la 4e Internationale, indique que le journal « exerce une influence croissante sur les travailleurs » auxquels il s’adresse. Mais il ajoute « qu’il y a une disproportion énorme entre l’influence du journal et les forces réelles du Front ouvrier », quelques groupes d’entreprise, et celles du parti. « Beaucoup d’ouvriers croient que c’est le PC qui édite Front ouvrier. » Il est donc urgent « que le PCI apparaisse avec son drapeau ». Le Prolétaire de l’Ouest, qui succédera à Front ouvrier, sera donc « l’organe de la région nantaise du PCI (section française de la 4e Internationale ». Les extraits du journal et les tracts reproduits dans le dernier chapitre du livre rendent bien compte de « l’activité soutenue » dans l’immédiat après-guerre des militants trotskystes à Nantes mais aussi à Brest où le parti s’est reconstruit après la « catastrophe du 7 octobre » 1943. Et cela malgré l’hostilité du PCF envers ceux et celles qu’il appelle les « hitléro-trotskystes ».
Les auteurs de ce livre passionnant ont pleinement rempli « le devoir de mémoire » qu’ils s’étaient assignés envers ces jeunes militants et militantes qui, quand il était « minuit dans le siècle », ont osé entreprendre cette résistance antinazie, ouvrière, internationaliste et révolutionnaire sous le drapeau de la 4e Internationale. Faire connaître leur combat aux jeunes générations afin qu’elles en tirent de précieux enseignements pour les luttes actuelles était le plus bel hommage qu’on puisse leur rendre.

https://molcer.fr/2024/07/francois-pren ... 023-3.html
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat »

Message par Gayraud de Mazars » 10 Oct 2024, 11:15

Salut camarades,

Commémoration des résistants trotskistes à Brest
Par Nathaniel Flakin
7 octobre 2024

Hommage aux résistants trotskistes de Brest.png
Arbeiter und Soldat
Hommage aux résistants trotskistes de Brest.png (754.82 Kio) Consulté 230 fois


Samedi, une centaine de personnes se sont rassemblées à Brest pour rendre hommage à cinq résistants trotskistes. Leur héritage internationaliste est pertinent pour les luttes anti-guerre d'aujourd'hui.

https://www.leftvoice.org/commemorating ... -in-brest/

Samedi, une centaine de personnes se sont rassemblées à Brest pour rendre hommage à cinq résistants trotskistes : Georges Berthomé, Yves Bodénez, Robert Cruau, André Floch et Albert Goavec. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont lutté contre l'occupation nazie, comme l'ont fait des milliers de personnes à travers la France. Mais ces militants du Parti ouvrier internationaliste (POI) ont lancé une opération audacieuse contre les nazis : ils ont commencé un travail de fraternisation avec les soldats allemands dans cette ville. Grâce à un journal en langue allemande, Arbeiter und Soldat (Ouvrier et Soldat), ils ont pu organiser une cellule révolutionnaire au sein de la Wehrmacht, l’armée nazie.

Après avoir été trahis par un informateur, ils ont été arrêtés par la Gestapo le 6 octobre 1943. Aujourd’hui, 81 ans plus tard, une plaque au 87 rue de Richelieu marque leur dernier lieu de rassemblement, qui est devenu un piège. (La ville de Brest avait été entièrement rasée par les combats en 1944, il s’agissait donc d’un autre bâtiment.) Le leader, Robert Cruau, a été immédiatement fusillé par la Gestapo ; les autres ont été assassinés plus tard dans des camps de concentration.

Lors de la cérémonie de dévoilement de la plaque, l’historien Jean-Yves Guengant a prononcé un discours, tout comme François Preneau de l’association historique « Amis d’Arbeiter und Soldat ». Le maire de Brest, François Cuillandre, du Parti socialiste, a salué le combat des militants pour la paix et la solidarité : « Ils nous rendent fiers d’être Brestois. » Pierre-Yves Cadalen, député de la France insoumise, était également présent pour une minute de silence. Des drapeaux de la IVe Internationale (le parti mondial trotskiste) et de la Résistance française flottaient, comme le rapportait la presse locale.

Un bus a ensuite emmené les gens à une seconde cérémonie à quelques kilomètres de là, à côté de l’immense bunker en béton des U-Boot que les nazis avaient fait construire. C’est là que le travail de fraternisation a commencé : les militants trotskistes travaillant sur le chantier ont pu nouer des liens avec des « ouvriers en uniforme » allemands. Malgré la répression extrême de l’Allemagne nazie, de nombreux soldats avaient des parents qui avaient été membres du Parti communiste. Aujourd’hui, une plaque bilingue rappelle le réseau internationaliste autour d’Arbeiter und Soldat.

Claudius Naumann, syndicaliste berlinois, a dévoilé la plaque puis prononcé un discours en français, rappelant les idées défendues par les résistants : « L’ennemi n’est pas une autre nation – les vrais ennemis sont les fauteurs de guerre de toutes les nations. » C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que les tambours de la guerre résonnent de plus en plus fort.

Après les deux cérémonies et un grand déjeuner, une conférence a été consacrée aux nouvelles recherches sur cette cellule trotskiste. Exactement 124 personnes venues de différentes régions de France et quelques-unes d’Allemagne se sont réunies à la salle des syndicats de Brest pour la discussion. Différentes tendances politiques étaient présentes, dont le Parti des travailleurs (PT, avec le plus gros contingent), l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire, Révolution permanente et même le Parti socialiste.

Les historiens Preneau et Guengant ont présenté leurs dernières recherches, montrant comment Brest a joué un rôle important dans le travail du POI, le parti trotskiste clandestin en France pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai prononcé un discours sur Martin Monath, l’exilé juif allemand qui édita Arbeiter und Soldat, et notamment sur la pertinence de sa rupture avec le sionisme de gauche pour rejoindre la Quatrième Internationale. Naumann a parlé des trotskistes qui continuèrent à s’organiser dans les camps de concentration et qui rédigèrent la célèbre déclaration des communistes internationaux de Buchenwald. Enfin, Olivier Doriane a fait le lien entre l’héritage des trotskistes de Brest et les luttes anti-guerre d’aujourd’hui. Contre toute propagande militariste, les travailleurs doivent comprendre : « Ce n’est pas notre guerre. »

L’association « Amis d’Arbeiter und Soldat » a produit deux numéros d’un bulletin bilingue (français-allemand) et une future publication inclura toutes les contributions à la conférence.

J’ai commencé à faire des recherches sur Arbeiter und Soldat il y a sept ou huit ans. C’était censé être un projet de courte durée, mais j’ai fini par découvrir le nom du rédacteur en chef secret du journal, Martin Monath, et j’ai fini par écrire un livre entier sur sa vie. Cela me semblait être une obsession isolée, et il était donc à la fois étrange et inspirant de rencontrer des dizaines de camarades qui se penchaient sur la même histoire. Cet exemple internationaliste de travailleurs français et de « travailleurs en uniforme » allemands pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont uni leurs forces dans la lutte est extrêmement pertinent pour nos luttes contre la guerre impérialiste aujourd’hui.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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