On peut lire dans la Tribune des Travailleurs n°421 du jeudi 28 décembre 2023 ces documents sur "Abeiter und Soldat"
L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » est constituée
Juillet 1944 : « À bas la guerre ! Paix immédiate ! »
Entretien : « Faire connaître aux jeunes générations ces pages glorieuses »
François Preneau est coauteur du livre Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste.
Il préside la nouvelle association, dont Loïc Le Bars est le secrétaire.
À l’initiative de la IVe Internationale, le bulletin clandestin Arbeiter und Soldat fut édité en 1943 et en 1944 sous la responsabilité du militant trotskyste allemand Martin Monath, dit Widelin. Son objectif était d’assurer un travail de fraternisation entre les travailleurs allemands sous l’uniforme et les travailleurs français pour préparer la révolution sociale qui seule apportera « un terme définitif à cette guerre ». Il fut diffusé à Brest parmi les soldats allemands travaillant à l’Arsenal, mais aussi en Italie.
À Brest, les soldats allemands regroupés autour du bulletin et les militants français payèrent de leur arrestation, de la torture et, pour beaucoup, de leur vie leur engagement pour l’internationalisme prolétarien. Martin Monath fut quant à lui abattu par la Gestapo en août 1944.
Pourquoi une association maintenant ? Quelles tâches vous fixez-vous ?
D’abord, pour faire connaître aux jeunes générations ces pages glorieuses de la lutte révolutionnaire quand il était « minuit dans le siècle », mais aussi parce qu’elles nous lèguent de riches leçons pour aujourd’hui.
N’avons-nous pas un devoir de mémoire envers ces camarades qui n’ont cessé de rappeler : « La paix : seule la révolution prolétarienne mondiale pourra nous apporter la paix, la fin de toute guerre. La liberté : elle n’est possible pour tous les exploités que dans le cadre de la République socialiste des soviets. Le pain : seule l’expropriation du capital et la mise en place de l’économie socialiste planifiée peuvent assurer le pain pour tous et la suppression des crises économiques », et qui sont l’honneur de la IVe Internationale ?
L’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » travaillera à ce que leur combat soit connu et reconnu. Et aussi, poursuivra inlassablement la recherche des identités aujourd’hui toujours inconnues des soldats allemands fusillés à Brest.
Ce travail de recherche a-t-il donné de premiers résultats ?
Oui, nous venons de retrouver dans des fonds d’archives un tract Arbeiter und Soldaten publié fin juillet 1943, à la suite de la destitution de Mussolini, mais surtout face à la formidable mobilisation ouvrière et populaire qu’elle entraîna. Ce tract appelle les soldats allemands à refuser de combattre contre leurs frères de classe italiens (lire ci-dessous des extraits).
Avez-vous des projets pour l’année 2024 ?
C’est ensemble que les adhérents de l’association vont préciser leurs projets pour 2024. Nous envisageons la publication de documents ainsi que la tenue d’une rencontre à Brest en juin 2024. Avec un atout majeur : dès sa fondation, notre association regroupe des militants allemands et français.
Qu’est-il possible de faire pour aider l’association ?
Adhérer, faire connaître l’association « Les amis d’Arbeiter und Soldat » ! Nous avons fait le choix de fixer à un minimum de 15 euros la cotisation annuelle, afin que l’argent ne soit pas un obstacle à cette adhésion et que chaque adhérent puisse y trouver sa place.
Propos recueillis par Olivier Doriane
Pour adhérer à l’association : François Preneau, 60, rue du Landreau, 44300 Nantes Chèque à l’ordre de Roger Calvez : 15 euros.
Un livre : « Dans leurs bagages, une ronéo et une machine à écrire »
Documents historiques à l’appui, le livre Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste raconte et rend hommage à un combat, méconnu et occulté, des partisans de la IVe Internationale : « De Nantes à Brest, les trotskystes dans la guerre (1939-1945) »
Cet ouvrage, rédigé collectivement par François Preneau, Robert Hirsch et Henri Le Dem, est disponible aux éditions Syllepse au prix de 22 euros.
À Brest et à Nantes, l’échec du Front populaire, l’écrasement de la République espagnole, mais aussi les crimes de Staline conduisent plusieurs jeunes ouvriers à rompre avec la SFIO et à rejoindre les trotskystes. C’est dans les Auberges de jeunesse que s’affirme cette résistance anti-nazie, ouvrière et internationaliste qui sera active pendant toute la guerre.
En juin 1940, une poignée de responsables du POI (Parti ouvrier internationaliste – ndlr) se réfugient à Couëron, dans la banlieue nantaise. Dans leurs bagages, une ronéo et une machine à écrire qui serviront toute la guerre. Avec les jeunes Nantais, ils poursuivent la publication de leur bulletin L’Étincelle jusqu’à la parution, fin août, du premier numéro de La Vérité clandestine.
Au début de l’été 1943, les jeunes trotskystes nantais et brestois éditent un organe clandestin, Le Front ouvrier. Chaque numéro, ronéoté sur quatre à six pages, est diffusé dans les grandes entreprises. Le Front ouvrier sera la voix de ceux d’en bas, de la colère qui gronde pour que grandisse la résistance ouvrière.
En avril 1943, cinq militants nantais rejoignent Brest pour entreprendre une action de fraternisation avec les soldats allemands. En s’adressant aux soldats allemands opposés au nazisme, ils veulent préparer avec eux une issue révolutionnaire à la guerre. Robert Cruau, qui parle allemand, dirige ce travail. Bientôt, une vingtaine de soldats allemands forment un groupe se réclamant de la IVe Internationale et rédigent leur propre journal, Arbeiter und Soldat im Western.
Au début de l’automne 1943, la Gestapo frappe un coup terrible : sans procès, tous les soldats antinazis sont fusillés, le groupe brestois en grande partie démantelé. Robert Cruau est tué et de nombreux militants, à Brest, Quimper, Nantes et Paris, sont arrêtés, torturés et déportés en Allemagne. Plusieurs n’en reviendront pas.
François Preneau
Un tract de 1943
« Soldats, fraternisez avec les ouvriers et paysans en lutte ! »
Ce tract, Arbeiter und Soldaten (Ouvriers et soldats), signé du secrétariat européen provisoire de la IVe Internationale est en date de juillet 1943 (extraits).
« SOLDATS !
Allez-vous, pour les profits des Krupp et Borsig (…), pour que se prolonge une guerre qui est déjà perdue, endosser l’énorme responsabilité d’étrangler la révolution italienne ? Allez-vous souiller votre propre révolution, qui arrive à pas de géant et est toute proche, du sang des ouvriers et paysans révolutionnaires d’Italie ? N’avez-vous pas toujours dit, tout le temps, que vous n’arriviez pas à retrouver foi en votre propre force : oui, bien sûr, le jour où il y aura quelqu’un qui s’y mettra ?
Eh bien, voilà.
Maintenant, ce quelqu’un a démarré avant vous, et c’est le peuple travailleur de l’Italie !!
Il faut empêcher que la révolution italienne soit étouffée ! il faut au contraire qu’elle donne le signal de la révolution allemande.
Si en Italie, on veut vous faire marcher contre les ouvriers et les paysans révolutionnaires, alors fusillez les officiers qui vous en donnent l’ordre ! Fraternisez avec les ouvriers et paysans en lutte, vos camarades italiens de la même classe ouvrière !
Ouvriers des usines ! Soldats sur tous les fronts et à l’arrière !
Les événements se précipitent. Nous devons nous préparer à tout ! Concertez-vous avec tous ceux qui sont du même bord ! Dès le premier jour de la révolution allemande, il faut que l’arrière comme le front se couvrent d’un réseau de conseils d’ouvriers et de soldats pour assurer le pouvoir du prolétariat !
À bas la guerre impérialiste !
La paix tout de suite !
Vive la fraternisation révolutionnaire des travailleurs d’Allemagne, d’Italie et du monde ! »
Fraternellement,
GdM