...notre approche consistait à
réfléchir à la manière dont telle ou telle question démo-
cratique pouvait être « éliminée » de l’ordre du jour. Mais
cela s’avérait plus compliqué dans les régions où des peuples
sont interpénétrés comme en Irlande du Nord ou en Israel/
Palestine, où deux groupes nationaux ont des revendications
concurrentes d’autodétermination sur le même territoire. La
tendance spartaciste a donc fabriqué une « théorie » pour le
cas des peuples interpénétrés. Notre article fondateur sur la
question d’Israel/Palestine postulait :
« Lorsque des populations nationales sont géographiquement
interpénétrées, comme c’était le cas en Palestine, un État-
nation indépendant ne peut être créé que par leur séparation
forcée (transferts forcés de population, etc.). Le droit démo-
cratique à l’autodétermination devient alors abstrait, puisqu’il
ne peut être exercé que si le groupe national le plus fort
chasse ou détruit le plus faible.
« Dans ces cas, la seule possibilité de solution démocratique
réside dans une transformation sociale. »
– « Naissance de l’État sioniste, deuxième partie :
La guerre de 1948 », Workers Vanguard n45, 24 mai 1974
Il était manifestement impossible d’« éliminer » la ques-
tion nationale de l’ordre du jour dans des endroits comme
Belfast ou Gaza. Nous avons donc proclamé la nécessité
d’une révolution. Mais la question reste entière : comment
peut-il y avoir une révolution là-bas ? Tout le programme
derrière la « théorie » des peuples interpénétrés consistait
à proclamer la nécessité d’une révolution socialiste tout en
rejetant l’obligation de placer la lutte de libération nationale
des Palestiniens et des catholiques irlandais au centre de
notre stratégie révolutionnaire. Au
lieu de cela, nous considérions la ré-
volution socialiste comme un proces-
sus où les deux groupes nationaux se
débarrasseraient de leurs sentiments
nationaux en faveur de l’unité sur des
revendications économiques et d’une
solidarité libérale.
Tout « marxiste » qui pense que la
lutte de libération nationale est une
épine dans le pied pour la révolution,
et qu’il faut la mettre de côté afin de
lutter pour le socialisme, est au mieux
condamné à l’insignifiance et, au pire,
est un agent de l’oppresseur dominant
qui exige que les opprimés aban-
donnent leurs aspirations nationales
comme condition préalable à l’unité.
Une révolution en Israel/Palestine ou
en Irlande du Nord n’est concevable
que sous la forme d’un soulèvement
pour la libération nationale des Pales-
tiniens et des catholiques irlandais qui
n’empiète pas sur les droits nationaux
des protestants et des Israéliens, mais
qui émancipe les travailleurs vis-à-vis
de leur bourgeoisie et de ses parte-
naires impérialistes. C’est précisément
parce que les nationalistes irlandais et
palestiniens sont incapables de mettre
en œuvre une telle perspective, à la-
quelle ils sont opposés, que seule une
direction communiste peut dans ces
pays résoudre le problème national de
façon juste et démocratique.
La première des « Thèses sur l’Ir-
lande », document clé développant
notre position sur le problème national
dans ce pays, montrait notre impuis-
sance totale :
« Il reste la forte possibilité qu’une
solution juste, démocratique et socia-
liste à la situation en Irlande ne
puisse venir que sous l’impact d’une
révolution prolétarienne quelque part
ailleurs et qu’elle soit concrètement
introduite à la pointe des baïonnettes
d’une Armée rouge, et ce, contre l’op-
position d’un secteur significatif de
l’une ou l’autre des communautés ou
des deux à la fois. »
En ce qui concerne la Palestine, nos
articles soulignaient constamment que
la révolution était très probablement
impossible tant qu’il n’y aurait pas de
révolution dans un pays voisin. Décla-
rer à l’avance que nous ne croyons pas
vraiment à la possibilité d’une révolu-
tion autochtone en Irlande du Nord ou
en Palestine et que nous ne considérons
pas que notre intervention puisse jouer
un rôle vital et décisif dans ces régions
revient à brandir une pancarte procla-
mant : « Nous sommes insignifiants ».
La tâche des communistes est de
fusionner la lutte pour la libération
nationale et la lutte pour le socialisme,
pas de les opposer...