Ce qui rend la discussion compliquée à cerner, c'est que tantôt on parle de la baisse tendancielle du taux de profit à l'échelle d'une entreprise ou d'un capitaliste (quand on parle de machines, de progrès technique etc.) et tantôt on en parle à l'échelle globale (pays, monde), c'est-à-dire à une échelle qui est la somme de tous les capitalistes (dont le devenir individuel peut être très différent).
Pour voir les choses à l'échelle globale, il n'y a pas vraiment d'autre moyen que de se fier aux statistiques produites par les différents pays ou les différentes branches, statistiques qui sont elles-mêmes contestables ou discutables et, de plus, hétérogènes suivant les pays, mais qui ont le mérite d'exister. Et là, comme l'a souligné par exemple Husson (avec un titre provocateur mais erroné à mon avis : "hausse tendancielle du taux de profit") on constate une remontée du taux de profit sur une période d'environ 35 ans, en gros des années 1980 à 2007. Est-ce vrai ou pas ? C'est cela qui se discute, et je n'ai pas la réponse, mais on ne peut pas raisonner en disant simplement que ça ne peut pas être possible du fait de la théorie (parce que, comme je l'ai expliqué auparavant, ça ne contredit pas la théorie, tant qu'on ne reprend pas à son compte l'idée de "hausse tendancielle"). Mais si l'on considère que c'est faux, il faut expliquer en quoi ces statistiques globales sont erronées, et non asséner simplement comme tu le fais "ex-lucky" que
"L'immense concentration du capital, ne fait que démontrer que le taux de profit baisse."
Affirmation n'est pas démonstration. La concentration du capital, elle permet par exemple l'émergence de groupes plus puissants avec un volume d'achats, donc une capacité de négociation sur les prix, plus important : cela permet d'avoir une même matière première meilleur marché et donc de faire baisser le capital constant (en l'occurrence, le capital circulant) ce qui contribue à remonter le taux de profit.
De plus, il y aurait beaucoup à dire sur "l'immense concentration du capital". En permanence, le capital se concentre selon certains aspects et se déconcentre selon d'autres. Les groupes fusionnent ou se rachètent, mais aussi, scissionnent, revendent certains de leurs morceaux ou s'échangent des activités. Cela favorise l'apparition de monopoles, mais plus spécialisés, et le résultat final peut parfois être un groupe plus petit que celui du départ. Et, suivant les secteurs économiques, il y a des acteurs qui disparaissent, mais il y a aussi régulièrement de nouveaux venus qui peuvent prendre de l'ampleur au détriment des anciens maîtres du marché.
Quand a la crise du capitalisme avec une hausse du taux de profit, cela n'a jamais existé.
Disons qu'on peut concevoir qu'il y ait une crise du capitalisme selon certains critères (ex. : crise politique, crise économique à certains endroits et pas à d'autres) malgré une hausse globale du taux de profit, mais effectivement, ta remarque, "ex-lucky", soulève une question importante. Peut-être que la réponse relève d'un tout autre débat, celui autour de l'utilisation plus ou moins judicieuse du mot "crise" qui est un peu fourre-tout. Peut-on parler d'une seule et même crise commençant avec le choc pétrolier de 1973-74 et dans laquelle nous serions encore aujourd'hui, alors qu'il y a eu d'autres crises depuis ? Comment analyser le choc pétrolier des années 2000, et la crise de 2007-2008, des crises à l'intérieur de la crise ? Il y aurait sans doute des choses à clarifier de ce côté. A fortiori si, comme tu le fais "ex-lucky", on fait commencer le début de la crise avec la première guerre mondiale... Mais peut-être aussi, faudrait-il mieux distinguer entre "crise économique" et "crise du capitalisme", ce n'est pas strictement la même chose.