http://www.forumamislo.net

De passage à Felletin dans la Creuse à l'occasion de la "journée du livre" le 11 août, j'ai pu constater la présence de l'Association La Courtine 1917 qui tenait un stand avec différents livres et brochures (dont certains avec la participation du camarade Rémi Adam...)

J'y ai récupéré le programme des commémorations prévues du 14 au 17 septembre (à Ussel en Corrèze le 14 puis à La Courtine en Creuse les 15, 16 et 17 septembre) et organisées par cette Association, sous le titre : "1917-2017, héros, mutins, proscrits".

Cela s'inscrit dans le cadre des commémorations liées à la Première guerre mondiale, et n'a pu s'organiser qu'avec l'aval des politiciens et hauts fonctionnaires locaux, qui s'expriment dans la brochure de présentation (préfet de la Creuse, président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, conseil départemental de la Creuse, Haute-Corrèze Communauté, maire de La Courtine) et dont le ton est parfois très différent de celui du président de l'Association, on s'en serait douté... (Néanmoins, le maire divers droite de La Courtine semble avoir joué le jeu et beaucoup oeuvré pour que la manifestation aboutisse).

Voici un extrait de l'édito de Jean-Louis Bordier, président de l'Association La Courtine 1917 :

16.500 soldats russes sur le plateau de Millevaches ! Une mutinerie en Creuse, la plus importante dans toute l'histoire de notre pays ! Un soviet à La Courtine ! C'était il y a un siècle, à l'été 1917 ! Une histoire incroyable et souvent ignorée dans celle pourtant bien connue de la Grande Guerre. 100 ans plus tard, avec l'association (...), nous allons durant 3 jours rendre hommage à ces hommes envoyés par le tsar de Russie en 1916 servir de chair à canon, sur le front en France. Ils furent tour à tour, HEROS, MUTINS, PROSCRITS... Leur formidable épopée sera au coeur des journées de commémoration des 14, 15, 16 et 17 septembre prochains : colloque scientifique avec 8 historiens, sociologues, journalistes, journée découverte avec les scolaires, théâtre, concerts, cinéma, expositions, théâtre de rue, chorale russe, soirée cabaret, librairie etc. (...)

Le mot du Préfet de la Creuse, Philippe Chopin, dans la même brochure, est un modèle de contorsionnisme et illustre la volonté des autorités de brouiller le message (comme l'illustre le passage que j'ai mis en gras) :

L'épopée des soldats du corps expéditionnaire russe venus en 1916 dans notre pays pour combattre sur le front français entre dans le cadre d'une politique mémorielle qui est ambitieuse, audacieuse et fidèle à la diversité de nos mémoires. Dans le cadre du cycle commémorant la Grande Guerre, la Mission du Centenaire a octroyé une labellisation et un soutien financier à ce projet par son caractère singulier, original et sa dimension internationale. Les auditeurs bénéficieront d'informations historiques importantes sur ces événements du siècle dernier et les rencontres entre les descendants de ces soldats et les élèves des établissements scolaires seront un vecteur de la transmission par un travail de mémoire. La jeunesse doit être au coeur de l'action mémorielle et cette manifestation est un outil précieux pour sensibiliser la nouvelle génération aux enjeux de défense et de sécurité et au respect des valeurs républicaines. Ces faits historiques jalonnent l'Histoire de notre pays et de notre département qui s'est jouée ici et là et où des mémoires sont nées.

Programme des manifestations :

- Jeudi 14 septembre à Ussel (Corrèze) : projection gratuite, à 20h, du film "Lénine et Marcel" de Marie-Dominique Montel et Christopher Jones, sur Marcel Body (cf. un autre fil), au cinéma Le Carnot.

- Vendredi 15 septembre à La Courtine (Creuse), "la journée des scolaires" : "Les classes participantes seront accueillies et accompagnées tout au long de la journée par des historiens, des pédagogues, des descendants de soldats russes, des artistes..."

9h30 : parcours d'expositions, avec 5 expositions dans le centre-bourg : 1. 1915-1920 le corps expéditionnaire russe en France ; 2. Asservir des hommes, la force noire (l'histoire des "poilus d'ailleurs" et de l'utilisation des troupes coloniales) ; 3. Propagande & réclame ("entre anesthésiant psychologique et dopant à l'hostilité, la propagande a été un des bras armés de la guerre totale") ; 4. Enfance & guerre ; 5 : 1914-1918 : ces petites entreprises qui ne connaissent pas la crise...("écrasé par les obus, asphyxié par les gaz, fauché par la mitraille, affecté par le froid, les poux et les rats, le poilu est devenu un bon débouché commercial pour toute une gamme de produits (...)).

10h30 : débat avec des descendants de soldats russes.

11h30 : Quelles histoires ! "Poète, conteur, jongleur de mots, Yves Le Car s'y entend pour parler de la paix, de la vie, du temps... et pour soulager des idées toutes faites".

12h00 pause déjeuner

13h30 : Théâtre... de rues et de tranchées, "Car c'est bien d'humanité dont nous parlons", par la Compagnie Les Yeux Fermés.

14h45 : cinéma "Quand la Grande Guerre rend fou"

15h30 : débat avec Jean-Yves Le Naour, historien et scénariste du film.

18h00 : inauguration officielle.

21h00 : Théâtre Spectacle historique, "Ces inconnus chez moi" (payant, 15 € ou 12 € tarif réduit). (Ils sont Indiens, Canadiens, Néo-Zélandais, Australiens, Américains, Amérindiens, Africains, Annamites, Chinois, Egyptiens, Russes... S'appuyant sur l'expérience particulière du Pas-de-Calais occupé par les troupes Britanniques, le spectacle raconte à travers témoignages, lettres et chansons un aspect méconnu et inattendu de cette guerre : la rencontre entre des peuples. (...) Dans la version donnée ici à La Courtine, ne sont pas oubliés les Russes, leur soviet, leur révolte...)

- Samedi 16 septembre à La Courtine, "colloque du centenaire" (une série de communications et débats, supervisés par Eric Molodtzoff journaliste à France 3 et vice-président de l'association La Courtine 1917, et modérés par Bernard Langlois, journaliste retraité, entre autres créateur de l'émission Résistances et fondateur de l'hebdomadaire Politis) :

Le matin de 9h30 à 12h :
La grève des tranchées et les mutineries de l'année 1917 par Jean-Yves LE NAOUR.
1917 en Russie, année des révolutions, par Jean-Jacques MARIE.
Marcel Body, un ouvrier limougeaud au coeur de la révolution russe, par Anne MANIGAUD.
La vie à l'arrière du front, à La Courtine et en Creuse en 1917, la mobilisation des femmes, par Annette MARSAC.

L'après-midi de 14h à 17 h :
Quels enseignements du pacifisme et des mutineries dans les programmes scolaires ? par Michel PATINAUD.
La Fédération socialiste de la Haute-Vienne et le pacifisme (1914-1918) par Dominique DANTHIEUX.
Les soldats russes au camp du Courneau : des "foyers de révolution" ? par Armelle BONIN-KERDON.
La mutinerie des soldats russes à La Courtine à l'été 1917, la révolution russe en son laboratoire, par Rémi ADAM.
Portraits et correspondances de mutins, par Rémi ADAM.

17h15 : chorale "Droujba", "composée pour moitié de choristes d'origines russes ou ukrainiennes", avec "une large diversité de chants populaires".

18h15 : Théâtre... de rues et de tranchées (deuxième représentation)

20h30 : soirée Cabaret Russe, et repas avec l'ensemble Rossia, 25 € (ou 20 € tarif réduit). Nombre de places limitée / réservation obligatoire au 06.80.74.35.63 ou au 09.64.08.35.33

- Dimanche 17 septembre à La Courtine :

11h30 : théâtre de rue : "Jean, solo pour un monument aux morts".

12h00 : pause déjeuner

+ Jazz Band "Caïman Swing"

15h00 : récital de piano par Gaëlle THERY : "Les paysages et la vie quotidienne russe mis en musique par Tchaïkovski... Les airs à succès des ballets... L'ambiance des villes de Russie esquissée par Rachmaninov. Et les accents de révolte des oeuvres de Chopin..." 15 € (12 € réduit).

Et, pendant les trois jours à La Courtine :

- Spectacle de marionnettes "On joue à la guerre ?" de Corine VALADE.
- Auteurs de BD MONOÏ et Florian CLOOTS.
- Librairie du Centenaire.
- Marché de producteurs de pays
- Nombreux films au cinéma de la salle polyvalente : War Game de Dave UNWIN et Michaël FOREMAN ; Comme une blessure (vidéo-documentaire fait par des élèves d'un lycée de Limoges, autour de deux monuments aux morts "originaux") ; 20.000 moujiks sans importance (documentaire de France 3 Limousin-Poitou-Charentes) ; Nestor Makhno, paysan d'Ukraine d'Hélène CHATELAIN ; Marcel Body, de Lénine à Bakounine, de Bernard BAISSAT et Alexandre SKIRDA ; Adieu la vie, adieu l'amour, les mutineries de 1917 au chemin des dames, documentaire de Gérard RAYNAL ; Les mutins de La Courtine, documentaire de Pierre GOETSCHEL ; Quand un soldat s'en va-t-en guerre, de Télé Millevaches, regroupant trois reportages ("souvenirs d'un poilu creusois", "fusillés pour l'exemple", et une évocation de la mutinerie de 1917) ; reportages : Giono et son ami russe, et Une révolution au centre de la France".

Enfin, l'Association fera des expositions, conférences et/ou projections dans les villes suivantes :

- Amiens (Somme) le 30 septembre.
- Guéret (Creuse) du 2 au 14 octobre.
- Saint-Etienne (Loire) du 6 au 8 octobre.
- Dijon (Côte-d'Or) du 16 au 22 octobre.
- Saint-Junien (Haute-Vienne) du 23 octobre au 2 novembre.
- Le Donzeil (Creuse) du 27 octobre au 7 novembre.
- Saint-Gence (Haute-Vienne) du 6 au 12 novembre.
- Aubusson (Creuse) du 6 au 19 novembre.
- Montreuil (Seine-Saint-Denis) du 2 novembre au 30 décembre.
- Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) le 16 décembre.
Et en 2018 :
- Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) du 21 octobre au 11 novembre.
- Fournival (Oise) du 9 au 11 novembre.


Références de l'Association La Courtine 1917 :

- Adresse : 8, avenue de la République, 23000 GUERET.
- Mail : lacourtine1917@gmail.com
- Tél. : 05.55.52.09.74
- Site internet : http://www.lacourtine1917.org

Profitons-en pour rappeler à ceux qui ne pourront aller à La Courtine qu'il existe un très bon ouvrage écrit par un des intervenants, Rémy Adam, et publié aux éditions des Bons caractères

Et le premier ouvrage qu'il avait publié sur la question, en 1996 : http://www.editions-harmattan.fr/index. ... re&no=4124

Avec presqu'un an de retard ( ) je découvre ce fil et l'Association La Courtine 1917.
Association dont le site internet est une mine d'information sur la la mutinerie des soldats russes (doc, livres, films, témoignages, événements, etc.).
http://www.lacourtine1917.org/

Le 22 07 2010, admin colle ici ce post en rapport, du 11 nov. 2019 :

Gavrilenko, Stéphane Ivanovitch (18..-1968)

Originaire de Taranov, village cosaque du Kouban. Caporal dans le corps expéditionnaire russe envoyé combattre en France en 1916. Il avait une certaine instruction lui permettant de rédiger un carnet bien développé, d’écrire des poèmes et une courte pièce de théâtre. D’après Rémi Adam, il serait le seul homme de cette troupe dont les carnets de guerre nous sont parvenus. Il s’agit de trois cahiers qui rendent compte de la période du 1er janvier 1916 au 27 mai 1917 ; la pièce de théâtre est datée de l’automne 1917. Ces textes montrent l’évolution de sa pensée, depuis une adhésion totale au tsar jusqu’à la révolte. Le texte, traduit du russe, est présenté par Rémi Adam, avec l’aide de Jean Gavrilenko, fils de l’auteur : Rémi Adam, Le journal de Stéphane Ivanovitch Gavrilenko, Un soldat russe en France 1916-1917, Toulouse, Privat, collection « Destins de la Grande Guerre », 2014, 189 pages.
Rémi Adam donne d’abord une introduction « didactique » sur l’histoire du corps expéditionnaire russe : sa formation ; le voyage, l’arrivée en France, le front ; la chute du régime tsariste ; l’offensive d’avril 1917 et la décomposition du corps expéditionnaire ; la manifestation du 1er mai 1917.
La première partie du journal concerne le voyage de Saratov au camp de Mailly (43 pages du livre) : « l’immense Sibérie » ; les traces de la guerre russo-japonaise en Extrême-Orient ; le périple en mer ; les rues de Colombo ; la mer Rouge ; le canal de Suez. On assiste à des manifestations de fidélité au tsar (« Longue vie à Sa Majesté Impériale Nicolas Alexandrovitch ») ; on chante à la messe avec ardeur. Le 12 avril, le bateau arrive en France, et les Russes reçoivent un accueil chaleureux de « la merveilleuse Marseille ». Puis c’est en chemin de fer qu’ils découvrent la « beauté » et la « splendeur » de la France, toujours ovationnés par la population. Le 15 avril, au camp de Mailly, il note : « Nous n’avions aucune envie de sortir de ce rêve féerique qu’avait été notre voyage. »
La période qui va jusqu’en février 1917 constitue une seconde partie. Peu après l’arrivée à Mailly, on célèbre par une parade la fête patronymique de Sa Majesté l’Impératrice Alexandra Feodorovna, puis une visite de Poincaré, puis encore « le jour du couronnement de Leurs Majestés Impériales », et la fête de la Sainte-Trinité. Mais un poème de mai 1916 est consacré à la triste mort d’un soldat russe « en terre étrangère » et un autre aux belles années de sa jeunesse qui « sont restées en Russie ». Des descriptions plus terre à terre sont également présentes : les maisons closes près du camp ; les exercices, les vaccinations ; l’attribution de marraines de guerre ; le système des tranchées, les bombardements, les attaques. La période est entrecoupée par un séjour à Paris autour du 14 juillet. Les Russes font du tourisme, découvrent le métro et le tombeau de Napoléon. La fin de 1916 est marquée par des critiques de plus en plus dures des officiers, lâches et brutaux, et des Français qui traitent les Russes comme des chiens (p. 127). Dès lors, un poème dit clairement « On en a marre ». Il faut fêter Noël en pays étranger, loin de sa famille, pour mener une « guerre ruineuse et insensée » (p. 130). En février, il s’élève contre les chefs, buveurs du sang des soldats.
Lorsque les soldats russes en France apprennent l’abdication du tsar, celui-ci n’est plus « Sa Majesté Impériale » mais « le souverain russe Nicolas II ». Pour Stéphane Ivanovitch, le gouvernement provisoire « s’efforce d’établir pour les Russes la liberté et la citoyenneté ». « Un tel événement nous causa de la joie. Nos chefs au contraire étaient mécontents à un point qu’on ne peut décrire. » Ces derniers doivent s’incliner devant le comité de soldats qui prend position contre les punitions. L’offensive désastreuse du 16 avril aggrave le mécontentement. Les comités réussissent à organiser une grande manifestation, le 1er mai, où les orateurs, simples soldats, exaltent la liberté de la Russie et obligent un colonel à demander pardon pour son attitude passée. Le 17 mai, lorsqu’on leur donne l’ordre de reprendre les exercices avant de retourner au combat, les comités décident de ne pas obéir « aussi longtemps qu’on n’aurait pas amélioré les conditions de vie du soldat et ses lieux de cantonnement ».
Le journal de Stéphane Ivanovitch ne va pas au-delà du 27 mai ; la courte pièce de théâtre qu’il a écrite et qui a été jouée devant ses camarades à l’automne 1917 se termine pas ces mots « Défends à fond ton comité ».
« En guise d’épilogue », Rémi Adam évoque le corps expéditionnaire russe après la révolte du 1er mai 1917, la mutinerie du camp de La Courtine et sa répression, le devenir des soldats russes. Stéphane Ivanovitch accepte de travailler en France comme cultivateur en Haute-Saône. Le rapatriement est tardif. Gavrilenko reste en France, se marie et devient ébéniste dans la région de Belfort. En 1967, avec son fils, il peut retourner pour la première fois au Kouban où il rencontre des membres de sa famille. Il meurt en janvier 1968.
Rémy Cazals, avril 2016.

https://www.crid1418.org/temoins/2016/0 ... h-18-1968/

Le livre peut être trouvé d'occase, pour quelques sous, sur internet.

Un témoignage vidéo :
https://www.dailymotion.com/video/x3jsgmy

Rémi Adam remet le couvert avec chez Agone tout nouveau tout chaud, "les révoltés de la Courtine" (25 euros quand même) 528 pages contre 288 pages pour "la révolte des soldats ..." donc plus à lire?

R. A va faire une petite caravane cet été pour présenter et discuter de son bouquin.

Le 14 août à St-Junien (87)
18 août Ussel (19)
20 août Guéret (23).