
(oel a écrit :Sur le concept de sciences bourgeoise et science prolétarienne, il me semble que Staline s'est opposée à cela, mais peut-être fut-ce tardif, je ne sais pas trop. J'avais lu quelque part que Staline avait écrit que la langue et les sciences physiques ne faisaient pas partir de la superstructure. Après ca serait quand ? Et par rapport à la période de terreur lyssenkiste ? Quand est apparu cette dualité en URSS ?
Ce sujet mérite un fil à lui tout seul
Pour Staline, la langue ne serait ni un moyen de production ni une superstructure.
Elle serait juste un moyen de communiquer, un moyen pratique pour favoriser les échanges entre les hommes. Point barre. C'est l'opinion franche et claire exprimée dans « le Marxisme et les problèmes de linguistique » (Articles parus dans la Pravda en 1950). Quel bourgeois ne souscrirait pas à ce point de vue ? Or ce point de vue détruit le matérialisme de fond en comble.
La meilleure réponse à Staline est à mon sens celle de Bordiga, ou il montre que la langue est non seulement une infrastructure (un moyen de production) mais aussi une superstructure (une structure idéologique).
Voyons ce que nous dit Marx
Le langage est certes un moyen technique de communication (ce n'est pas le seul d'ailleurs).a écrit :dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles.
L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être; c'est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » (Marx, contribution à la critique de l'economie politique).
« Les hommes entre dans des rapports déterminés, indépendants de leur volonté... » comment entreraient-ils dans ces rapports déterminés, dans ces rapports de production, sinon par le langage, entre autres ? En tant que moyen technique de communication surgi des rapports de production, la langue, ou plutôt la langage, fait donc lui-même partie des moyens de production.
Mais si le langage au sens générique est incontestablement un moyen de production, donc une « infrastructure », le langage devient une suprastructure dès qu'il s'incarne dans une langue particulière.
Exemples :
- Dante écrit sa divine comédie en italien vulgaire et pas en latin classique.
- La Réforme marque le passage du Saxon à l'Allemand moderne.
- La révolution bourgeoise français marque le passage des dialectes locaux au Français moderne (la guerre au patois de 1789 à 1799). Il fallait doter l'état moderne d'une langue nationale.
Ainsi, l'unification des langues particulières en une seule langue nationale est la réponse dans le domaine de la linguistique à la concentration économique et à l'unification politique nationale de l'état bourgeois.
(Staline dans son texte a écrit :
La langue est engendrée non pas par telle ou telle base, vieille ou nouvelle, au sein d'une société donnée, mais par toute la marche de l'histoire de la société et de l'histoire des bases au cours des siècles. Elle est l'oeuvre non pas d'une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société, des efforts des générations et des générations.
Nous y voilà
La langue au-dessus des classes, produit de toutes les classes
Au contraire, nous avons vu que la revendication et l'établissement politique d'une langue nationale est le fruit du capitalisme développé. Staline défend une conception totalement bourgeoise de la langue, obligatoirement nationale, simple moyen de communication au-dessus de la société.
En fait que veut nous dire Staline ?
1) Les bases de la production ont été bouleversées en urss et marchent triomphalement vers le socialisme
2) Il ne s'ensuit aucunement que la langue (mais aussi la culture nationale et le culte de la patrie) doivent en refléter l'évolution. D'ailleurs c'est bien le cas puisque la langue russe n'a pas évolué et reste la langue nationale depuis 1917.
Pour un trotskyste, au contraire :
1) Les bases fondamentales de la production en urss ne sont pas socialistes et n'en prennent pas le chemin
2) La persistance entre le régime pré-1917 et stalinien d'une langue nationale, d'une culture nationale et du culte de la patrie, sont les reflets idéologiques des bases sociales du régime.