Un pavé de plus de 700 pages a été récemment traduit : « Une histoire populaire de l’humanité » de Chris Harman, auteur prolifique, décédé en 2009. Il fût longtemps l’un des dirigeants du SWP britannique.
Je n’ai pas tout lu mais je vais néanmoins me permettre quelques remarques éparses.
J’ai été étonné que C.H. dans les quelques lignes qu’il consacre à la philosophie grecque ne dise pas un mot des présocratiques. Thalès, par exemple, inaugure la « physique milésienne » et une description des phénomènes naturels qui ne s’appuie plus sur le mythe et la religion mais sur les propriétés immanentes de la nature. Cette rupture avec la pensée magique aurait trouvé sa place dans une histoire matérialiste de l’humanité. Il consacre tout de même une ligne à Démocrite et Héraclite.
Une coquille sympathique page 90. C.H. cite l’œuvre classique de Gibbon « Histoire de la décence (sic) et de la chute de l’empire romain ». Le traducteur doit encore en rire !
Je corrige une erreur que l’on trouve page 266. Dans un paragraphe consacré à l’astronomie, C.H. attribue à Héraclide du Pont (quatrième siècle avant notre ère) une hypothèse héliocentrique. Il confond sans doute avec Aristarque de Samos (troisième siècle avant notre ère). Héraclide est l’auteur d’une hypothèse sur le mouvement diurne de la Terre, c'est-à-dire sa rotation en 24 heures autour de son axe polaire. Ce n’est pas la même chose.
Dans le chapitre sur les années folles on lit deux phrases sur la relativité d’Einstein et la mécanique quantique qui, par leur brièveté et leur insertion dans un paragraphe concernant la philosophie et la culture, donne presque à penser que le but essentiel d’Einstein, Schrödinger ou bien Heisenberg était d’alimenter les philosophies irrationalistes du début du vingtième siècle !
C.H. attribue à Trotsky l’identité « Etat ouvrier »= « industrie nationalisée ». En stylistique on appelle cela une synecdoque. Trotsky écrivait en 1936 que la question de la nature sociale de l’URSS n’était pas tranchée, C.H. n’hésite pas à trancher quitte à écrire une bêtise.
Ni Tony Cliff ni C.H. n’auraient approuvé que l’on traduise « Russia » par « URSS ». Il semble que ce soit une décision de l’éditeur, pas du traducteur.
Certains passages sont assez bons, par exemple tout ce qui concerne la première guerre mondiale puis la révolution russe. C’est très condensé, comment faire autrement avec ce genre de livre, mais bien ficelé.
Ecrire une histoire de l’humanité en 700 pages condamne au schématisme pour au moins une partie des périodes traitées. C’est fâcheux. Toutefois je reconnais bien volontiers qu’il existe des résumés utiles et je tiens pour vraie l’affirmation de C.H. selon laquelle l’histoire ne doit pas être réservée à quelques spécialistes.
Malgré tout on peut se demander quel est le public visé.