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Message Publié : 04 Août 2010, 05:35
par isildur
Salut,

il y at-il des textes spécifiques marxistes au sujet du développement du travail social?

Les assistants sociaux sont-ils au service de la bourgeoisie dans le contrôle et la tutelle des populations pauvres?

Il y a t-il possibilité de mener un travail social qui ne soit pas réactionnaire ou psychologisant?

Qu'en pensez-vous?

Message Publié : 04 Août 2010, 09:53
par Zelda
Salut Isildur.

Tu es (ou t'apprête à devenir) travailleur social et tu as un cas de conscience ?

a écrit :Les assistants sociaux sont-ils au service de la bourgeoisie dans le contrôle et la tutelle des populations pauvres?



C'est ta perception de la fonction ?

Ca me semble très exagéré.

J'ai envie de te répondre ceci : Si tu comptes faire ce métier pour changer le monde, c'est un leurre et tu cours à la déception. Rien ne remplace le militantisme. Mais si tu comptes faire ce métier avec une certaine éthique pour aider un tant soit peu des individus qui peuvent encore l'être, tu ne serviras pas tout à fait à rien (si tu as de la chance).

De là à dire que les travailleurs sociaux sont des agents objectifs du capitalisme pour maintenir l'oppression du système capitaliste dans les limites du supportable et prévenir les explosions sociales... Je ne sais pas. Ca me paraît un peu schématique.

Excuse, tu souhaitais une "réponse d'analyse marxiste". Mais tout "schéma" n'est pas marxiste. :hinhin:

A ce tarif, on peut dire la même chose des profs, des infirmières, de tous ceux qui tentent de soulager une souffrance...
a écrit :
Il y a t-il possibilité de mener un travail social qui ne soit pas réactionnaire ou psychologisant?


C'est quoi réactionnaire en l'espèce ?
C'est quoi "psychologisant" ? Peut-on avoir un travail essentiellement axé sur le relationnel qui ne soit pas "psychologisant"... pourquoi ce serait "mal" ?

Message Publié : 04 Août 2010, 13:50
par sylvestre
Social work after “Baby P”

Reclaiming social work: challenging neo-liberalism and promoting social justice Par Iain Ferguson


Ni le lieu central de l'émancipation, ni nécessairement un simple instrument de contrôle par la classe dominante, le travail social est avant tout un champ de luttes où besoins des personnes et besoins du système rentrent en conflit, où les solutions individuelles se heurtent aux limites du cadre collectif... Raison de plus de faire une analyse exacte de ce champ pour pouvoir y intervenir avec les salariés et les usagers.

Message Publié : 04 Août 2010, 14:53
par isildur
Juste une réponse à la première réaction.

Je ne travaille pas en tant qu'A.S (bien que j'ai le papelard qui me permettrait d'exercer cette profession), mais je bosse aujourd'hui dans le "milieu". :D

Disons que la philosophie qui y règne est assez pathétique, je dois bien l'avouer: racisme de classe (de l'intelligence), critique droitière de l'assistanat, incapacité à remettre en cause le système.

Bref, ça me gonfle.

La critique foucaldiste lié au contrôle social, à la tutelle des populations pauvres, l'aide sociale disciplinaire théorisée par divers sociologues (de gauche, mais non marxistes à mon sens. comme par exemple Wacquant), tout ça, je connais. Mais Je voulais connaître plus spécifiquement les thèses marxistes.

Pour répondre à ton autre question, il me semble que la psychologisation (ou devrait-on dire individualisation?) des problèmes sociaux (et donc des interventions sociales) permet de penser les problèmes de pauvreté et de précarité en se passant d'une analyse du capitalisme, des effets qu'il engendre en termes de souffrance et d'exclusion. *

En gros, ca renvoie la faute sur le dos des victimes. "Blaming the victim" disait Bourdieu. Vous savez, le discours sur la responsabilisation des pauvres (les chômeurs sont des fainéants calculateurs et des profiteurs qu'il faut redresser par le travail), etc.

En gros, pour moi, ce sont des représentations contre lesquelles les marxistes devraient lutter férocement. Attention, je sais qu'on ne lutte pas uniquement contre le capitalisme avec des batailles d'idées, mais elles ne sont pas inutiles non plus. ;)

Je ne suis, par contre, pas du tout opposé à la psychologie en tant que discipline. je lis d'ailleurs avec beaucoup d'attention les travaux de Maisondieu ou jean Furtos. Donc, pas de lutte contre la psychologie, mais bien contre la "psychologisation" (même si le terme est ambivalent). De même, je ne pense pas être un adepte du sociologisme. Cependant, la sociologie est une discipline importante pour comprendre les phénomènes sociaux.

Voili.

*Un livre intéressant est sorti récemment sur le sujet.

Message Publié : 04 Août 2010, 15:15
par isildur
[quote=" (sylvestre @ mercredi 4 août 2010 à 15:50"]
Social work after “Baby P”

Reclaiming social work: challenging neo-liberalism and promoting social justice Par Iain Ferguson


Ni le lieu central de l'émancipation, ni nécessairement un simple instrument de contrôle par la classe dominante, le travail social est avant tout un champ de luttes où besoins des personnes et besoins du système rentrent en conflit, où les solutions individuelles se heurtent aux limites du cadre collectif... Raison de plus de faire une analyse exacte de ce champ pour pouvoir y intervenir avec les salariés et les usagers.
Sylvestre, travail social comme contrôle des populations, c'est quand même la conclusion de ces travailleurs sociaux. Que l'engagement individuel ou collectif de certains travailleurs sociaux prouvent leur éthique et leur envie de faire autre chose....soit. Mais les travailleurs sociaux travaillent sur base d'un mandat institutionnel, et cette injonction au contrôle provient des nouveaux dispositifs du travail social encouragés par les politiques et mis en place par les institutions.

The main concern of too many social work managers today is the control of budgets rather than the welfare of service users, while worker-client relationships are increasingly characterised by control and supervision rather than care.

Tiens, s'il termine d'ailleurs en évoquant: "that progressive promise is to be realised even in part, then we need to coalesce and organise around a shared vision of what a genuinely anti-oppressive social work might be like"

C'est bien qu'il existe un "oppresive social work".

La question étant: est-ce le tout du travail social ? Probablement que non, mais la tendance est inquiétante.

Message Publié : 04 Août 2010, 17:58
par yannalan
Le travail social est lié à la politique des administrations qui le gèrent. Ça peut parfois aller loin : en 57 à Alger, les assistantes sociales sont mobilisées par les paras de Massu parce que ce sont des femmes et qu'elles peuvent entrer dans les maisons et fouiller les femmes... Une minorité a refusé...
Dans kle cadre d'un boulot pareil, on peut d'opposer à une politique imbécile et mobiliser ses collègues, mais c'est vrai qu'en dernière analyse, comme tous les fonctionnaires, on l'applique aussi...

Message Publié : 06 Août 2010, 09:20
par sylvestre
Comme pour beaucoup de choses, tout dépend de la lutte de classes.

Je n'ai aucun doute qu'après la révolution socialiste victorieuse il y aura beaucoup de travailleurs sociaux, mais leur action ne sera d'une part pas dans le cadre d'une société hostile aux intérêts de la masse de la population, d'autre part elle aura pour but de favoriser tout ce qui peut aider à l'émancipation personnelle et collective des personnes concernées.

Aujourd'hui il est clair que dans pas mal de cas les travailleurs sociaux font un travail utile, et que nous devons réclamer le développement des services sociaux, tout en protestant contre leur contenu répressif, etc. C'est de ce point de vue un terrain de lutte très similaire à celui de l'éducation.

Message Publié : 19 Sep 2010, 22:54
par Mano
Je pense qu'un travailleur social ne peut être qu'une professionnel engagé. Je m'explique: on ne peut à la fois travailler avec les personnes les plus exclues, maltraitées de notre société et accepter la situation telle qu'elle est, à moins de devenir fou. C'est pourquoi le militantisme va de pair avec le travail social. Surtout que les travailleurs sociaux sont je pense des témoins "privilégiés" du ravage du capitalisme!

Message Publié : 21 Sep 2010, 13:53
par Groza
(Mano @ dimanche 19 septembre 2010 à 23:54 a écrit : C'est pourquoi le militantisme va de pair avec le travail social.
En fait c'est tout le contraire : les travailleurs sociaux sont rarement engagés politiquement. Et sont très loin des idées révolutionnaires. Un peu comme ces femmes de bourgeois au 19ème qui faisaient acte de charité. On se donne bonne conscience mais on a aucune révolte contre le système. Tout au plus quelques mépris vis à vis de ces pauvres fainéants qui ne savent pas gérer leurs vies...

Message Publié : 21 Sep 2010, 14:23
par Crockette
oui il faut résumer plusieurs points sur les travailleurs sociaux :

- comme les professeurs, instits etc, ils sont soumis à une hiérarchie qui leur demande d'axer leur travail exclusivement sur leur compétences...et certainement pas dans la transmission de valeurs (à fortiori révolutionnaires).

- pas mal de travailleurs sociaux sont soumis aussi à la concurrence entre eux via les entretiens individuels d'évaluation...les cadres et les syndicats de patrons étant tout heureux par le biais de l'argent public, de copier les pratiques, les méthodes, du secteur marchand.

- pas mal de travailleurs sociaux peuvent se retrouver au chomage...donc des gens victimes du capitalisme c'est triste, mais ça donne du boulot à ceux qui sont chargés de faire un écran de fumée sur la sauvagerie capitaliste...et la dedans j'inclus un bon nombre de profs...aussi...qi n'hésitent pas à dire aux élèves : bossez sinon vous terminerez chomeur ou balayeur (j'osoe pas dire ouvrier..car un bon nombre de profs du falo vont me tomber dessus...)

- comme pas mal de profs glorifient les valeurs de méritocratie, de compétition, de stigmatisation de ceux qui ne travaillent pas comme il faudrait, un bon nombre de travailleurs sociaux ont un bon nombre d'idées de petits bourgeois de la classe moyenne...enparticulier vis à vis des personnes du "bas de l'échelle sociale". un certain sentiment de supériorité...mais pas fait ouvertement.


maintenant comme pourle sprofs, je mets pas tout le monde ds le meme sac, certains sont imprégnés de concepts, de valeurs proches de sociologues "gauchistes". certains profs défendent encore des pédagogies dit de "gauche" comme Freinet, Carl Rogers, paolo freire et tous ceux qui ressourcent leur pratique dans l'humanisme et/ou le communisme.