Bon je me permets de rajouter un message -ce que je ne fais pas souvent- mais sans cela on risque de croire que ce mouvement contre Devaquet (enfin sa réforme) était marqué par les aventures des déjà très vieux étudiants qu'étaient alors S. et J.
Or dans ce mouvement ce qui a surpris et marqué c'est l'irruption et le dynamisme des lycéens - j'étais lycéen et jeune à l'époque (un peu comme aujourd'hui d'ailleurs
)
Ce qui m'a marqué, c'est qu'après le départ du mouvement le vendredi 21 (date incertaine) et des réunions dans le weekend la grève a démarré très vite dans les lycées parisiens puis de banlieue.
Pour ma part on s'est mis en grève le mardi. J'étais dans un lycée où il y avait un grand nombre de jeunes adhérents aux JC (au moins 25, voire plus), dont un ténor national de la JC.
le mardi matin ils ont fait une diff de tract pour appeler au mouvement. Puis le gars responsable de la JC est parti chez lui - ou ailleurs je ne sais- il était en grève, les autres n'avaient qu'à faire comme lui !
Ce qui fait que après quand le lycée s'est mis en grève dans la journée ça lui est passé sous le nez. Ce qui était remarquable c'est qu'après avoir passé la matinée à faire de l'agitation avec des jeunes de de la JC, deux ou trois lycéens qui s'y étaient mis, moi et un copain de LO venu d'une fac (qui s'est présenté comme étudiant venant aider à l'extension du mouvement; moi je le connaissais pas avant mais je l'ai repéré de suite vu que moi aussi j'étais à LO; je ne crois pas qu'il se soit présenté LO en dehors de discussion individuelle) on s'est retrouvé avec une énorme AG le midi. Personne n'y croyait, moi le premier : il y avait 1700 élèves dans le lycée et à cette première AG on s'est bien retrouvé de suite à 600 ou 700.
Ce qui m'a fait flipper à mort, je me souviens c'est que personne ne voulait prendre la parole, même moi le courageux bolchevik ! Le copain étudiant je crois qu'il n'osait pas sans doute parce qu'il n'était pas lycéen prendre les choses en main. Bref je me souviens très bien des 5 bonnes minutes de flottement.
par miracle un groupe d'étudiant gréviste (de Paris 3 censier qui se trouvait pas loin, peut-être 500 mètres) a eu la bonne idée de passer par là à ce moment (ils avaient décidé aussi d'étendre le mouvement) et donc c'est un gars de l'unefid (c'est ce qu'il m'a dit) qui a en fait lancé l'Ag, expliqué la réforme . Puis je me rappelle très bien qu'il s'est retourné vers moi et qu'il m'a dit "bon ben à toi ...." Là j'ai vomi mon petit déj de peur mais j'ai pensé aux copains (comment j'allais leur dire ben j'ai pas osé ! ) et puis j'ai sorti trois phrases pas bien malignes mais très radicales ... qui ont déchainé un tonnerre d'applaudissements. (le gars de l'unefid a du se dire qu'il ne s'était pas adressé au bon lycéen mais bon il avait d'autres chats à fouetter et ils sont repartis).
Et puis après on a fait un beau soviet (dans ma tête de l'époque c'était pas loin d'être cela) bon en fait on a fait un comité de grève- la grève a été voté à une énorme majorité- dans lequel il y avait les adhérents des JC, des lycéens de gauche mais pas organisés et moi (de LO).
par un fait que je ne m'explique pas le militant des JCR du lycée n'y était pas(ne s'y est pas présenté car tout le monde était élu). En fait je n'ai pas de souvenir de son intervention sauf à la fin du mouvement. Je ne dis pas ça pour critiquer simplement pour dire que l'aspect concurrence entre militants était pas forcément très fort entre tous pour tout ; je suppose qu'il a du faire le mouvement avec les gens qu'il connaissait le mieux et ne pas se mêler du "comité de grève" qui est peut-être apparu comme le truc de Lo.
Comme nous étions jeunes et fous très vite on a eu qu'une idée, c'était d'aller courir partout dans les rues pour dire qu'on était pas content. La règle pour les lycéens mobilisés à Paris, c'est devenu une manif par jour -et souvent assez grosse hein 5000 ou 10000 c'est pas exagéré.
Les revendications bon ben c'était pas trop fouillé : moi je me rappelle que j'étais "contre la sélection " et puis aussi "contre la droite" et "les charters d'expulsion de Pasqua". mais les projets de réforme et tout ben j'avais pas trop lu (et pourtant c'était quand même moi qu'avait le plus lu dans le lycée sur le sujet !)
Je me rappelle bien que j'étais tout content que les jeunes "pas politiques" de mon lycée (enfin pas dans une organisation) acceptent de reprendre les slogans généraux contre le gouvernement de droite et contre Pasqua. Pour moi c'était un grand progrès parce que je trouvais que bon Devaquet c'était bien mais qu'il fallait parler de politique. Tout cela pour dire que j'avais ma part d'illusions gauchistes (ou d'enthousiasme de la jeunesse, prenez la version que vous voudrez)
Sinon donc au lycée, dans le comité de grève, il n'y avait que moi de vraiment "politique". Les adhérents de la JC étaient très sympas et on voyait bien que justement ils ne suivaient pas particulièrement la "politique" de la JC mais c'étaient juste des jeunes de gauche.
Le gars de l'appareil de la JC lui c'était autre chose. Le lendemain du départ de la grève (le mercredi matin), je me rappelle qu'il a tenté de refaire son retard de la veille. Il y avait une très grosse AG -sans doute la plus grosse de tout le mouvement
on était peut-être 1000- et le "comité de grève" était en train de se concerter pour savoir comment on allait l'organiser quand tout à coup un gars débarque et dit "ben vous venez ça a commencé !"
Le JC lui il avait pas froid aux yeux il avait commencé tout seul en expliquant comment il fallait faire grève qu'il le faisait depuis hier matin, etc...
Je me rappelle pas de tout mais qu'il s'est débrouillé pour finir sur une invitation à une action qui était une de celle que commençaient à organiser la JC.
-la JC influençait le mouvement dans certains lycées de banlieues et pendant le mouvement son idée sera de ne pas trop se mélanger avec les autres.
En tout cas ça me plaisait évidemment guère mais le problème -et c'est un problème qui sera récurrent et qui existe dans tous ces mouvements lycéens ou étudiants-
c'est qu'en fait il n'y a pas dans le fond de désaccord politique entre les militants qui proposent des actions différentes. Le plus souvent les actions différentes sont surtout le fait de rivalités de boutique -même si certaines sont peut-être plus efficaces que d'autres. Donc je ne savais pas trop comment dire pourquoi je n'étais pas d'accord avec la proposition du JC.
Finalement cà s'est réglé de manière fort démocratique. J'ai fait celui qu'avait pas entendu et à la fin j'ai proposé LA bonne manif ; et comme ses copains étaient avec moi au comité de grève il l'a eu dans l'os. C'est bon d'être un bureaucrate en herbe parfois ! (je parle de moi bien sûr )
Bon je suis déjà très long, je reposterai si ça intéresse certains