Fondée sur l’accumulation des richesses, la croissance est destructrice de la nature et génératrice d’inégalités sociales. « Durable » ou « soutenable », elle demeure dévoreuse du bien-être. C’est donc à la décroissance qu’il faut travailler : à une société fondée sur la qualité plutôt que sur la quantité, sur la coopération plutôt que la compétition, à une humanité libérée de l’économisme se donnant la justice sociale comme objectif.
La société de croissance peut être définie comme une société dominée par une économie de croissance, précisément, et qui tend à s’y laisser absorber. La croissance pour la croissance devient ainsi l’objectif primordial, sinon le seul, de la vie. Une telle société n’est pas soutenable parce qu’elle se heurte aux limites de la biosphère. Si l’on prend comme indice du « poids » environnemental de notre mode de vie l’« empreinte » écologique de celui-ci en superficie terrestre nécessaire, on obtient des résultats insoutenables tant du point de vue de l’équité dans les droits de tirage sur la nature que du point de vue de la capacité de régénération de la biosphère. Un citoyen des Etats-Unis consomme en moyenne 9,6 hectares, un Canadien 7,2, un Européen moyen 4,5. On est donc très loin de l’égalité planétaire, et plus encore d’un mode de civilisation durable qui nécessiterait de se limiter à 1,4 hectare, en admettant que la population actuelle reste stable.Aujourd’hui, le choix n’est plus entre croissance et décroissance, mais entre décroissance et récession. Chacun comprend qu'une croissance infinie est matériellement impossible dans un monde fini, a fortiori quand nous en touchons les limites. Mais, plus que de la croissance économique, c’est bien de « l’idéologie de croissance » qu’est malade notre société, c’est-à-dire de l’idée d’un monde sans limites, où la croissance et le développement sont sans fin. La destruction de la nature est la conséquence et le reflet matériel de cette idéologie qui s’attaque d’abord à l’humain et à la société. En effet, l’humain ne se structure, comme personne et comme société, qu’en devenant capable de s’autolimiter. C’est à cette condition que son humanité peut s’épanouir. Plutôt que de faire face à ce qui fait notre maladie, notre société se déresponsabilise actuellement en se reposant sur la technoscience, devenue une véritable religion inconsciente. De là sont nés les concepts de « développement durable », « écocroissance », « alterdéveloppement », « autre croissance », etc. La décroissance, elle, vise à resituer les réponses sur le plan politique. Le partage et la sobriété sont en effet les clés d’un avenir viable et désirable sur notre planète, pour des raisons écologiques bien sûr, mais avant tout pour renouer avec les valeurs qui fondent notre humanité.