Salut Sylvestre, bienvenue sur le forum... et pardon d'avance pour la longue réponse qui suit ! :wavey:
Dans ton post, il y a beaucoup de choses qui se situent sur des terrains assez divers ; je me demande si on ne fera pas mieux de séparer les fils si on ne veut pas que la discussion parte dans tous les sens.
Commençons par un point (de détail) : on ne peut pas taxer Testart d'idéalisme, pas plus (et sans doute, encore bien moins) que de complaisance vis-à-vis du structuralisme, dont il se dit un adversaire déclaré (à la différence de Godelier, qui cherche à ménage la chèvre et le chou). Testart a bien des faiblesses, mais en ce qui concerne la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs, il n'a jamais dit, je crois, que celle-ci
venait de leur système de croyances. Il affirme constater que cette division
coïncide avec ce système de croyances (ce qui n'est pas la même chose). Alors, c'est vrai, il n'explique pas les raisons de cette division sexuelle du travail et des croyances qui vont avec, parce qu'il ne se sent pas capable de proposer une théorie convaincante. On peut le lui reprocher, mais c'est une autre discussion.
Venons-en au fond. Lorsque tu dis que :
a écrit :la propriété privée, l'état et l'oppression des femmes n'ont pas existé de toute éternité, et que leur apparition est liée au changement de mode de production autour de l'apparition de l'agriculture, la production d'un surplus, la production de marchandises.
Autant on ne peut que signer des deux mains la première partie, autant il me semble que la seconde souffre d'une grande imprécision, et au final, dit des choses plus fausses que justes. L'agriculture est apparue vers -8000, les premiers Etats vers -3000. Cela fait 5000 ans d'écart, une paille que l'on ne peut pas écarter d'un revers de manche. La propriété privée (des moyens de production), elle, existe bien dans certains Etats (ceux que prenait Engels en exemple)... mais pas dans d'autres. Et la production de marchandises, c'est encore une autre affaire (dans les sociétés de l'Antiquité, et hormis chez certains peuples spécialisés dans le commerce, l'essentiel de la richesse ne venait pas des marchandises).
Quant à l'oppression des femmes, là aussi, il y a problème. Tout d'abord, parce qu'à la différence de la notion d'exploitation, la notion d'oppression n'est pas facile à définir (c'est sans doute de là que provient une partie du problème). Mais surtout, parce qu'Engels, à la suite de Morgan, raisonnait à partir de connaissances ethnologiques limitées. Qu'on le veuille ou non, les raisonnements de Morgan (par exemple, sur la succession des systèmes de parenté) sont très largement spéculatifs, faute de faits.
Or, on connaît aujourd'hui plusieurs exemples de sociétés, parfaitement documentées, qui sont des sociétés non seulement sans classes, mais même sans inégalité matérielle (ce n'est pas la même chose), et où les femmes sont manifestement dans une position subordonnée par rapport aux hommes. Je ne dis pas que c'est le cas partout dans les sociétés primitives (d'ailleurs, on connait des contre-exemples). Je dis que c'est parfois, ou souvent, le cas. J'ai cité précédemment le cas des Baruya, ou celui des aborigènes d'Australie. Ces cas existent-ils, oui ou non ? Peut-on sérieusement nier que les femmes y soient opprimées par les hommes ? Et ensuite, faut-il élaborer une théorie marxiste qui tienne compte de ces faits, ou s'accrocher à tout prix à un schéma élaboré il y a 140 ans, alors qu'on les ignorait ?
Pour que ce soit bien clair : personne ici ne niera que l'oppression des femmes, de même que tous les autres rapports sociaux, soit un produit de l'évolution, et qu'elle ne soient pas éternelle. Mais une fois qu'on a dit cela, on a simplement affirmé la nécessité d'une théorie de l'évolution ; reste à faire (et à refaire) cette théorie elle-même.