“Solidarnosc” a lutté pour le socialisme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Ottokar » 17 Oct 2005, 06:43

Je ne connais pas la rédactrice de l'article et je ne connais de la Pologne que ce que j'en ai lu dans les journaux (y compris LO) à l'époque, mais cet article mériterait d'avoir un petit chapeau. Il est apolitique, au sens où l'auteur ne voir pas la dynamique des évènements.

Il y a eu en Pologne dans l'année 1980-81, des grèves d'août au coup d'Etat de Jaruzelwski, une agitation ouvrière importante sur fond de crise. Devant la pénurie, il y a eu des éléments pour réclamer que des justifications sur les bateaux qui partaient à l'exportation avec du jambon polonais alors que les polonais avaient du mal à en trouver, d'autres pour proposer que Solidarnosc distribue lui-même les cartes de rationnement, et contrôle la distribution des vivres, puisque l'administration (la nomenklatura) était corrompue et n'évitait pas les détournements et le marché noir. Bref, ce qui ressemble à des éléments de double pouvoir se mettaient en place, éléments que le coup d'Etat a stoppé net, bien sûr.

Là intervient la responsabilité des politiques.

Walesa n'a rien préparé, alors que l'affrontement avec les russes ou avec le pouvoir polonais était une menace patente. Un parti révolutionnaire aurait préparé les esprits à cela, et appuyé ces éléments de double pouvoir, non pas dans la perspective de l'article, mais dans celle de la construction d'un pouvoir de la population, avec pour perspective, lorsque celui-ci serait suffisamment établi, qu'il remplace le pouvoir en place ! En 17, les soviets se sont construits et ont gagné une légitimité sur l'ancienne administration de mars à septembre 17, le mois d'octobre n'étant que la préparation du coup de grâce. En 36 en Espagne, ils l'ont gagné immédiatement par effondrement de l'ancien appareil d'Etat dans le coup de Franco.

Mais la seule perspective tracée par l'article, c'est une vague autogestion, l'intégration de ces structures dans l'état de choses existant... bref des CE ! Un article apolitique, donc. On ne peut le reporcher à son auteur. Mais un journal (surtout qu'il s'agit d'Inprecor, revue théorique de l'Internationale !!) pourrait mettre quelques lignes de mise en garde pour ses lecteurs, sans polémiquer avec son auteur puisqu'il est l'invité, et que cela n'a d'ailleurs pas de sens, en s'appuyant sur les éléments factuels développés par cet auteur, afin d'éduquer ses lecteurs.

C'est ce qui fait que LO (plus les CLT) est la plupart du temps plus politique que Rouge, malgré ce que disent ou pensent les copains de la LCR. Mais on ne va pas se convaincre là-dessus, et cela n'étonnera personne que je préfère LO à Rouge... :D
Ottokar
 
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Message par Ottokar » 17 Oct 2005, 08:40

Je ne discute pas les informations de Vérié, qui était visiblement mieux placé que moi pour voir les choses. Il montre un côté de Solidarnosc, le pire, celui qui l'a finalement emporté. Il y a eu d'autres côtés, infiniment plus faibles, sur lesquels des révolutionnaires auraient pu s'appuyer pour tenter une politique. Lorsque des millions de gens s'éveillent à la politique, lorsque la classe ouvrière s'ébranle en profondeur et donne le ton à la société, il y a forcément des possibilités. Même si dans le contexte idéologique des années 80, qui n'est pas celui de 56, elles sont évidemment faibles.
Ottokar
 
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Message par jerome.k.jerome » 17 Oct 2005, 10:24

Les luttes de la Pologne 1980 sont enthousiasmantes pour un jeunot comme moi. A ma génération, les médias, politiciens et autres experts ont tous dit que la classe ouvrière n'existait plus, et que de tout façon, quand il y avait des grèves, c'était pour emmerder le monde, en pensant qu'à sa gueule (propagnade qu'il y a à chaque grève SNCF, par exemple).

Cette propagnade est d'autant plus facile que les jeunes n'ont pas connu de grandes luttes prolétariennes. Heureusement, nous pouvons nous plonger dans les bouquins, et revivre par procuration, les moments forts de la solidarité ouvrière ('La révolution Russe' de Trotski, par exemple).

Pologne 80 me semble être, à son échelle, l'un de ces moments forts. Il y a eu une véritable unité et solidarité des ouvriers dans la lutte. Les ouvriers et les fammiles apportaient la nourriture à ceux qui occupaient les usines (pour se protéger de la répression) . Des usines entières refusaient, par solidarité, à reprendre le travail alors que leurs revendiactions étaient satisfaites parce que cela n'était pas le cas partout (ah... la bonne vieille technique du diviser pour mieux régner était ici démasquée et rejetée)...

Le plus important, c'est de voir comment les ouvriers ont pris eux mêmes leur lutte en main. Lorsque des responsables élus, mandatés et révocables à tout instant négociaient, c'était avec des micros pour que tous les ouvriers écoutent par les hauts-parleurs !!! C'est suivant les acclamations de la foule, les ohhh... ou les ahhh... que les accords étaient approuvés ou non !!!! Je trouve ça absolument génial !!!

Par contre, le rôle du syndicat 'solidarité' me semble beaucoup moins positif. Il me semble qu'à partir du moment où il y a eu ces 'spécialistes' de la lutte, les ouvriers ont été dépossédé de leur combat et de sa direction. Ainsi, comme par hasard, les micros et hauts parleurs n'ont plus fonctionné... Les négociations sont devenus secrètes.

J'ai même lu qu'alors que les ouvriers continuaient à protesté disant que leur revendication n'avaient absolument pas été satisfaite, Walesa donnait pour ordre: "Nous n’avons plus besoin d’autres grèves car elles poussent notre pays vers l’abîme, il faut se calmer". Cette bonne parole, avait pour argument que les ouvriers avaient gagné puisque même si leur condition de vie continuaient à empirer, ils avaient maintenant un syndicat libre. La belle jambe ! Et cette bonne parole, c'est transporté dans un hélicoptère de l'armée que cet individu Walesa la répandait aux quatre coins du pays.
jerome.k.jerome
 
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Message par faupatronim » 17 Oct 2005, 11:04

A mettre en parallèle : cet article de LO de septembre dernier... :roll:

(Lutte Ouvrière n°1935 @ 2 septembre 2005 a écrit :Le 31 août 1980, à Gdansk, en Pologne : une victoire éclatante mais sans lendemain



En Pologne, à quelques semaines d’élections générales, on a célébré le vingt-cinquième anniversaire des accords de Gdansk qui, le 31 août 1980, ont sanctionné la défaite du gouvernement devant la classe ouvrière en lutte.


Une classe ouvrière combative

Le régime de Démocratie Populaire s’était, non sans résistances, installé en Pologne de 1945 à 1948, grâce à la présence de l’armée soviétique. Il se heurta fréquemment à une classe ouvrière combative, qui luttait d’abord pour défendre ses intérêts matériels, et non par nationalisme antirusse ou pour afficher son catholicisme, quand de son côté la hiérarchie catholique collaborait discrètement avec le régime.

En juin 1956, le gouvernement avait réprimé dans le sang les émeutes ouvrières de Poznan, contre l’augmentation des normes de production et le mauvais ravitaillement, mais il avait dû appeler au pouvoir Gomulka réputé partisan d’une plus grande ouverure. En décembre 1970, des hausses de prix déclenchaient une vague de révoltes ouvrières, dont les centres furent Szczecin, Gdansk et Lodz. La répression fit des centaines de morts, mais Gomulka dut laisser la place à Gierek, un ancien mineur, qui négocia et finit, en février 1971, par annuler les hausses et geler les prix pour deux ans.

En 1976, les grèves et les manifestations des usines de Radom et d’Ursus, toujours contre des hausses de prix, avaient vu la naissance du KOR, le Comité de défense des ouvriers. Ses animateurs, en majorité issus de la contestation universitaire de mars 1968, se tournaient maintenant vers la classe ouvrière. Mais, laïcs et parfois marxistes au départ, ils capitulèrent rapidement devant l’Église, sous prétexte que beaucoup d’ouvriers étaient catholiques, et se firent les chantres de la religion et de la Pologne éternelle.


Les grèves de l’été 1980

En 1980, le gouvernement avait décidé d’augmenter de 50 à 80%, à partir du 1er juillet, les prix de la viande vendue directement dans les entreprises, la seule accessible aux ouvriers. L’une après l’autre, de nombreuses usines se mirent en grève contre cette mesure. Comme d’habitude, le gouvernement négocia, lâchant localement quelques augmentations de salaires, pour faire reprendre le travail aux plus déterminés.

La lutte prit un nouvel essor lorsque, le 14 août, les chantiers navals Lénine de Gdansk se mirent en grève, avec leurs 17000 ouvriers. Le mouvement avait été préparé par un groupe de travailleurs liés au KOR et soudés par des années de militantisme. Certains d’entre eux ne travaillaient plus aux chantiers, comme Walesa, qui en avait été licencié en 1976. Les revendications de départ étaient des augmentations de salaires et la réintégration d’une militante du syndicat clandestin récemment licenciée. La grève fut unanime. L’occupation de l’usine par 10000 ouvriers se déroula de façon disciplinée, sous la direction d’un comité de grève élu dont faisaient partie Walesa et ses camarades.

Dans les négociations avec la direction et les autorités, retransmises par hauts parleurs dans toute l’usine, le comité de grève accepta les augmentations proposées mais décida de poursuivre la grève, par solidarité avec les autres entreprises. Un comité de grève régional inter-entreprises fut constitué, dont les revendications étaient nettement politiques: liberté syndicale, droit de grève, liberté d’expression.

La grève, organisée localement et régionalement, s’étendit à tout le pays, faisant plier le gouvernement. Le 31 août, symboliquement, le vice-Premier ministre venait accepter et signer publiquement au chantier naval Lénine les 21 revendications du comité de grève régional de Gdansk, et les mêmes accords furent signés partout dans le pays.


Des lendemains qui déchantent

La classe ouvrière semblait maîtresse du pays. Le syndicat Solidarité, issu de la grève, organisait dix millions de personnes, salariés et petits paysans. Le gouvernement, dans lequel Gierek avait été remplacé par Kania, était sur la défensive. Mais la direction de Solidarité, se revendiquant du catholicisme et du nationalisme polonais, ne cherchait aucunement à renverser le pouvoir pour construire une autre société. Elle voulait une Pologne pro-occidentale et conservatrice, sur le modèle de la dictature de Pilsudski puis des colonels, entre les deux guerres mondiales.

De septembre 1980 à la fin de 1981, ce fut entre Solidarité et le gouvernement une suite confuse d’affrontements, de chantages et de négociations. Mais l’initiative fut vite dans le camp du pouvoir, tandis que le syndicat se contentait de résister et de parer les coups, d’exiger le respect des accords signés, au moyen de grèves puissantes mais défensives.

Et lorsque le 13 décembre 1981 le gouvernement, sous la direction du général Jaruzelski, décréta l’état de guerre, interdit le syndicat et arrêta ses dirigeants, la direction de Solidarité, en plein accord avec la hiérarchie catholique, freina les ouvriers, les détourna d’un affrontement avec le pouvoir. Elle se contenta d’une guérilla syndicale, dans le but de rouvrir les négociations avec le régime. D’ailleurs, comme Walesa l’écrivit dans ses Mémoires, le gouvernement n’était-il pas dirigé par un vrai Polonais, un général sous lequel il avait servi et qui, de plus, était issu de la noblesse? Quant aux dirigeants occidentaux, qui n’avaient pas de mots assez durs contre Jaruzelski, ils récompensèrent cette attitude responsable de Walesa en lui décernant en 1983 le prix Nobel de la paix.

Le gouvernement polonais n’ouvrit des négociations qu’en février 1989. Elles aboutirent à des élections relativement libres. Les partisans de Solidarité, victorieux, formèrent le gouvernement. L’année suivante, un mois après la chute du mur de Berlin, Walesa fut élu président de la République. Mais aucun des problèmes cruciaux des travailleurs polonais n’a trouvé de solution.

Malheureusement, dans les convulsions politiques que connût la Pologne après 1980, bon nombre de dirigeants politiques, et Walesa lui-même, utilisèrent leur audience acquise dans la classe ouvrière, et le syndicat Solidarité lui-même, pour défendre des buts et des intérêts opposés à ceux de la classe ouvrière.

Aujourd’hui, pour ce 25e anniversaire, vainqueurs et vaincus d’août 1980, promoteurs et victimes du coup d’État de Jaruzelski fin 1981, se sont retrouvés dans une belle unanimité, en compagnie de chefs d’État et de dirigeants politiques européens. Lech Walesa lui-même, le dirigeant de la grève de 1980 puis du syndicat Solidarité, y avait invité l’actuel président polonais, Kwasniewski, qui à l’époque était dans le camp d’en face. Se réclamant de «l’esprit de Solidarité», tous ont fêté la «fin du communisme» dont cette victoire ouvrière aurait été le prélude, neuf ans avant la chute du mur de Berlin.

En Pologne, la classe ouvrière elle-même a mené la lutte contre un régime qui, bien que se proclamant socialiste, était avant tout un régime de dictature antiouvrière dont la pression soviétique constante bridait les tendances nationalistes. Mais les dirigeants de cette grève victorieuse visaient seulement à négocier des places pour eux-mêmes et à procurer à la Pologne une meilleure place sur la scène internationale. Les cérémonies actuelles témoignent de la réussite de ces ambitions réformistes et nationalistes, aux dépens d’une classe ouvrière qui pouvait et méritait mieux.

Reste que le mouvement gréviste de juillet-août 1980 aura montré à la fois quelle était la puissance de la classe ouvrière, quand elle se mobilisait, et combien, pour changer durablement ses conditions d’existence, il lui était indispensable de se donner une direction décidée à aller jusqu’au bout, jusqu’à instaurer un véritable pouvoir prolétarien capable de changer toute la société.


Vincent GELAS
faupatronim
 
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Message par clavez » 17 Oct 2005, 13:57

La pologne de 80/81 n'est pas la Hongrie de 1956. La seule chose que l'on peut en tirer c'est la puissance sociale de la classe ouvrière. Pour le reste, ni Walesa ou ni Jaruselski ne sont des alternatives acceptables pour des militants révolutionnaires.

Solidarnosc est la fille ainé du stalinisme.
clavez
 
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Message par quijote » 17 Oct 2005, 16:40

Pour répondre à Vérié , le problème est que ce n 'est pas la première fois que des travailleurs dans leur masse partagent des points de vue reflets d' une idéologie qui ne va pas forcément dans le sens de leurs intérêts : le problème si l 'on en juge par ce qui se passe à l ' heure actuelle , est qu' ils n 'ont pas obtenu ce qu'ils attendaient réellement ( il y a eu tromperie et illusions ) : il n 'est que de voir leur réactions ou plutôt leur colère lors de l 'anniversaire de Solidarnosk célébré récemment . Oui , ils ont été trompé , trahis .

Au passage , ce n 'était pas joué d 'avance : en effet au sein de Solidarnosk tous n 'avaient pas un point de vue homogène et si des gens comme Walesa , directement rattaché à la hiérarchie catholique ( qui se rallia tardivement ) étaient prêts à conduire le mouvement au point où il en est actuellemnt , d 'autres n 'étaient pas forcément d 'accord avec cette orientation .

Dans son livre , " Rendez-nouds nos usines " Kowalewski , un des leaders du mouvement dénonce la façon fort peu démocratique avec laquelle Walesa prit la direction de Solidarnosk .

Kowalewszki représentait une autre évolution possible , plus " autogestionnaire " du mouvement

Son livre qui est d 'une lecture instructive est édité à la " Brêche "
quijote
 
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Message par gerard_wegan » 17 Oct 2005, 17:10

... mais Vérié souligne à juste titre le caractère grotesque d'un article qui prétend que "Solidarnosc a lutté pour le socialisme" !

Le fait que Kowalewski ait pu avoir des illusions, non sur les possibilités qu'ouvraient aux révolutionnaires la situation polonaise qui a conduit au mouvement de 1980, mais sur celles d'une évolution "autogestionnaire" d'un appareil comme Solidarnosc est un autre problème. Sans doute des militants révolutionnaires auraient-ils dû être dans Solidarnosc, tenter de promouvoir leur politique à la base et de profiter de possibles oppositions d'appareils pour chercher à gagner en audience à élargir sur cette base des réseaux militants, mais penser avoir pu "gauchir" (même dans les limites "autogestionnaires") la politique Solidarnosc parait bien illusoire...

On peut tout de même regretter que le dernier numéro d'Inprecor ne donne la parole, sur ces événements, quà Kowalewski et à l'auteur de l'article qui ouvre ce fil !
gerard_wegan
 
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