Qu'est-ce que la dialectique?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par lechatmachine » 21 Fév 2006, 22:21

(Zelda @ lundi 20 février 2006 à 07:46 a écrit :Ben moi, ton raisonnement me plaît bien et me semble plein de bon sens. On "fait" avec les matériaux de son époque.

Mais je n'ai pas une formation scientifique. Alors si tu peux donner des idées ou des exemples sur cet aspect :

a écrit :Aujourd'hui je dirai que la dialectique a vécu et que l'histoire et la sociologie peuvent emprunter des métaphores valables et puissantes à la physique et à la biologie modernes [...]


Heu oui, j'ai conscience que la question est difficile mais ça t'apprendra à lancer un débat passionnant alors qu'on faisait les fous à la récré. :-P


Eh ben en disant ça je pensais à la théorie des "champs sociaux" de Bourdieu qui tire parti de la théorie physique du même nom (de Faraday et Maxwell)

article de wikipedia

J'ai pas d'exemple qui me vienne comme ça sinon :smile:
lechatmachine
 
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Message par lechatmachine » 21 Fév 2006, 22:27

(canardos @ lundi 20 février 2006 à 08:03 a écrit :pas d'accord avec toi du tout, paic antiredeposition, euh pardon chatmachine....


l'important c'est de décaper ...

a écrit :la totalité des phenomenes sociaux historiques mais également materiels connus s'averent au fur et à mesure que nos connaissances progressent, des processus totalement dialectiques....


par définition si tu veux, mais du coup ça ne m'apprend rien ...

a écrit :un exemple.....la vision darwinienne de l'évolution faisait d'abord apparaitre une évolution lente et progressive sans à coups des especes...

mais la nouvelle vision des processus évolutifs, tout en restant totalement darwinienne, fait apparaitre une évolution par à coups de systemes ecologiques entiers interdependants avec des phases de quasi stases, suivies d'effondrements de ses systemes et d'extinction quand l'équilibre entre leurs differents composants est rompu et une evolution rapide vers de nouveaux systemes plus ou moins équilibrés, un processus dialectique qui n'est pas sans présenter des analogies avec celui de l'évolution des sociétés humaines...


tu peux me donner un exemple de processus ... non dialectique ?

(canardos @ lundi 20 février 2006 à 08:03 a écrit :mais la meilleure manière d'illustrer le bien fondé du raisonnement dialectique ce n'est pas dans discuter dans l'absolu mais d'ouvrir des fils de discussions sur ces differents processus, des fils documentés par des faits!


bien dit !
lechatmachine
 
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Message par canardos » 21 Fév 2006, 22:43

tu veux un exemple de processus non dialectique....

toujours dans le domaine de l'évolution des especes, je vais t'en donner un qui s'insere à un niveau micro dans un processus plus global qui est lui totalement dialectique....

par exemple l'évolution vers la bipédie....c'est un processus continu non dialectique, dans la savane chaque petite amélioration de la bipédie procure un petit avantage qui a plus de chance d'etre transmis à la génération d'hominidés suivante.....

c'est tres linéaire, non dialectique....

du coup les mains devenues libres, il peut trimbaler avec lui sa nourriture et tout ce qu'il trouve comme outil occasionnel....

les individus au plus gros cerveau sont devantage sélectionnés parce qu'ils sont plus capables de manipuler ces outils....

c'est toujours un processus linéaire non dialectique

mais il arrive un moment ou cettte augmentation quantitative de l'intelligence permet de fabriquer des outils puis d'associer des mots avec une syntaxe pour transmettre ce savoir faire, cette experience....

et la avec les outils et le language l'accumulation quantitative des capacités intellectuelles aboutit à une transformation qualitative qui transforme totalement sa nature et qui aboutit aussi à une transformation profonde des rapports de l'homme avec son environnement physique
canardos
 
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Message par lechatmachine » 21 Fév 2006, 23:09

(piter @ lundi 20 février 2006 à 13:16 a écrit :le passage de Trotsky sur a=a n'a rien d'inquiétant, la référence idéologique en est tout simplement Hegel et sa réfutation de la logique formelle.


ah ! ça fait du bien d'avoir un peu le contexte de ce texte ...
sinon, quand tu dis "sa réfutation de la logique formelle", c'est de la réfutation par Hegel qu'il sagit ?

a écrit :selon la logique formelle a=a, les choses sont saisie de façon statique.
selon la logique dialectique a=a et non a. c'est à dire que les choses sont saisie dans leurs évolutions et leurs contradictions.


on ne peut pas violer le sens des mots comme ça (désolé si ça sonne dur ...) : il y a des tas de logiques formelles, mais toutes respectent un certain nombre de lois (un système d'axiomes, des règles de production de théorèmes) qui leur permet de fonctionner et de fournir des "résultats" utiles

mais a=a^non(a), dans tout système logique, est une proposition insatisfiable (le contraire d'une tautologie) donc toujours fausse ... je ne crois pas qu'on puisse développer des connaissances sérieuses sur le monde/la réalité en utilisant ça

faut pas perdre de vue que les logiques sont les formalisation de nos systèmes de pensée, leur ossature ou grammaire si on veut, et on ne peut pas construire sur l'insatisfiabilité ; il existe des logiques temporelles, ou encore des logiques modales, qui introduisent les notions de temps, de modalité (nécessaire, possible) et finalement de probabilité, et qui décrivent plus ou moins adéquatement ces éléments invariants de la pensée humaine qui rendent possible la compréhension et l'analyse du monde - de "saisir les choses dans leurs évolutions et leurs contradictions" (mais je ne suis pas sûr pour les contradictions ;-)

la logique aristotélicienne, la logique des propositions, seules connues au XIXème, sont des cibles "faciles" pour des gens comme Marx ou Trostsky (ou ...), mais ... est-il encore besoin/possible de parler de logique dialectique comme d'une logique supérieure à toute les autres, englobant pour ainsi dire toutes les formalisations et rafinements des logiques formelles ?

sinon, dans un autre registre, on peut trouver que logique dialectique (par opposition à une logique des propositions statique et "réformiste") sonne aussi comme "logique prolétarienne" ...

a écrit :par exemple un Etat ouvrier n'est pas forcément pour toujours un Etat ouvrier.
c'est le cas selon logique formelle pour qui Etat ouvrier=Etat ouvrier.


mais seulement pour certains systèmes logiques (ou formels) rudimentaires

a écrit :saisir de façon dialectique un Etat ouvrier, c'est le saisir dans son évolution, le saisir inscrit dans une évolution sociale traversée de tendance contradictoires qui se traduisent au sein meme de l'Etat ouvrier par des tendances contradictoires (sa déenerescence par exemple).
c'est ainsi qu'on peut avoir Etat ouvrier=Etat ouvrier qui devient Etat ouvrier dégénéré. il peut se développer au sein meme de l'Eat ouvrier des tendances qui le nie.


on est bien d'accords

mais si "saisir de façon dialectique un Etat ouvrier, c'est le saisir dans son évolution", pourquoi insister sur ce foutu terme de dialectique ... ?

a écrit :pour cette histoire de logique formelle et de logique dialectique il faut lire La science de la Logique de Hegel et en particulier la partie sur la logique de l'essence si je me souvient bien.
si l'on considére la dialectique comme le fait de saisir les choses (c'est en particulier vrai et intéressant pour l'évolution sociale) dans leurs évolution et leurs contradictions la dialectique ne peut etre dépassée, on peut sans doute en renouveler et perfectionner la forme d'exposition, mais c'est tout.


ok, merci pour l'indication !
c'est donc un concept plein de tous les autres, et donc creux ?

a écrit :la logique dialectique s'oppose à la logique formelle comme la théorie révolutionnaire s'oppose à la théorie(passez moi l'expression) réformiste.


arg !
la logique prolétarienne encore !! :smile:
ne sous-estimez pas la logique ! ne la réduisez-pas à ce qu'on en connaissait au XIXème !!!

quand je parlai de contexte idéologique et surtout scientifique obsolète ...

a écrit :par exemple, penser le développement des rapports capitalistes sans son évolution et sans saisr les contradictions , les diverses tendances en son sein, ne permet pas de penser le dépassement du capitalisme par de nouveaux rapports économiques et sociaux, ne permet pas de voir que le socialisme n'est pas un plan imaginaire de société idéale, mais peut s'appuyer sur des tendances existant au sein meme du développement des raports capitalistes (concentration et socialisation de la productio, prolétarisation, etc...). sans la dialectique on ne peut penser qu'un évolutionnisme vulgaire mais pas la révolution (voir aussi la postface à l'Edition allemande du tome I du Capital ou Marx explique en quoi la dialectique est "par son essence meme, critique et révolutionnaire). certains (G.Lukacs dans Histoire et conscience de classe, K.Korsch dans Marxisme et philosophie) on fait la critique du marxisme de la seconde Internationale à partir de sa "négligence" de la dialectique,à noter que c'était aussi un enjeu du débat contre Bernstein qui attaquait la dialetique et voulait s'en débarasser, de son point de vue il avait raison, le réformisme ne tolère pas la dialectique, les révolutionnaires par contre en ont besoin. désolé pour la longueur...


il me semble bien que la théorie de d'évolution, y comris ses avatars modernes, soit une inspiration majeure pour les marxistes - comme la théorie des champs pour d'autres - , elle est particulièrement puissante dans la lutte idéologique - je veux dire la propagande de masse - pour contrer les visions statiques, conservatrices ou réformistes

en tous cas j'en sais pas plus sur la dialectique ... :nono2:
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Message par lechatmachine » 21 Fév 2006, 23:22

(logan @ mardi 21 février 2006 à 21:47 a écrit :
(lechat a écrit :Il leur était difficile aussi d'emprunter à la physique dominante du temps, trop mécaniste, trop centrée sur l'immédiateté des causes et des effets, des métaphores valables pour donner un cadre à l'analyse sociale et historique du monde humain. La biologie balbutiante ne pouvait non plus fournir une référence.


Ce ne sont pas des métaphores que cherche Marx, c'est une méthode.
La dialectique, logique du mouvement et de la contradiction, est la méthode utilisée par Marx pour mettre le capital à nu et prévoir sa fin prochaine.
S'il existe un meilleur système logique que la dialectique il faut nous en parler, moi en tout cas ça m'intéresse.


tu veux dire que c'est la méthode scientifique ?
pour ce qui est de la logique dialectique, je sais pas, mais il existe des logiques beaucoup plus sophistiquées et puissantes, pour capturer le mouvement et les forces en présence, que ce à quoi Hegel faisait référence.

je pense à ce qu'on peut lire là : http://omega.albany.edu:8008/JaynesBook.html (http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/0 ... 52-1957044), dont je ne suis équipé que pour comprendre moins d'1%, mais ce pourcent-là donne déjà à penser ...

a écrit :
(lechat a écrit :
Aujourd'hui je dirai que la dialectique a vécu et que l'histoire et la sociologie peuvent emprunter des métaphores valables et puissantes à la physique et à la biologie modernes, et du fait qu'elles ont acquis une (toute) relative autonomie, développer leurs propres méthodes "dialectiques" si l'on veut, tout simplement scientifiques, validées par leur pouvoir explicatif et prédictif.


Moi j'aurais tendance à dire exactement l'inverse : Les avancées scientifiques actuelles ne peuvent exister que dans la mesure où elles sont elles-mêmes... dialectiques. Canardos fournit un bon exemple avec le darwinisme.


hmmm ...

a écrit :Mais on peut aussi parler de toute la chimie moléculaire qui était encore balbutiante au temps d'Engels, de l'anatomie, de la médecine (interaction entre les diverses parties du corps humain).

Concrètement quelles sont selon toi les "métaphores" fournies actuellement par les sciences à l'histoire et à la sociologie qui echapperaient aux lois dialectiques?


aucune ? mais "par définition", non ?
sinon la théorie de l'évolution, la théorie des champs (physique), certains processus biologiques ...
ces métaphores sont importantes parcequ'elle permettent la vulgarisation de l'état de l'art, disons qu'elles le rendent compréhensible à un certain public (qui inclut des militants politiques)
lechatmachine
 
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Message par lechatmachine » 21 Fév 2006, 23:35

(canardos @ mardi 21 février 2006 à 22:43 a écrit :tu veux un exemple de processus non dialectique....

toujours dans le domaine de l'évolution des especes, je vais t'en donner un qui s'insere à un niveau micro dans un processus plus global qui est lui totalement dialectique....


donc des processus non-dialectiques "locaux" font partie d'un processus dialectique "global" ?

a écrit :par exemple l'évolution vers la bipédie....c'est un processus continu non dialectique, dans la savane chaque petite amélioration de la bipédie procure un petit avantage qui a plus de chance d'etre transmis à la génération d'hominidés suivante.....

c'est tres linéaire, non dialectique....


euh, désolé, je suis pas du tout convaincu pour la bipédie.
tu as des papiers ? Canardos ! :blink:

tu es le roi de la pêche aux article ! des sources !!! ;-)

a écrit :du coup les mains devenues libres, il peut trimbaler avec lui sa nourriture et tout ce qu'il trouve comme outil occasionnel....

les individus au plus gros cerveau sont devantage sélectionnés parce qu'ils sont plus capables de manipuler ces outils....


euh, pareil

a écrit :c'est toujours un processus linéaire non dialectique


sauf que j'aimerai une sorte de preuve

a écrit :mais il arrive un moment ou cettte augmentation quantitative de l'intelligence permet de fabriquer des outils puis d'associer des mots avec une syntaxe pour transmettre ce savoir faire, cette experience....

et la avec les outils et le language l'accumulation quantitative des capacités intellectuelles  aboutit à une transformation qualitative qui transforme totalement sa nature et qui aboutit aussi à une transformation profonde des rapports de l'homme avec son environnement physique


alors les phénomènes linéaires sont non-dialectiques et les phénomènes explosifs, exponentiels, catastrophiques, ou révolutionnaires sont dialectiques ?

moi je trouve pas ça très dialectique, hein
:ph34r:
lechatmachine
 
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Message par canardos » 22 Fév 2006, 00:16

sur la dialectique et sur les phénomenes linéaires non dialectiques, revenons au BA ba....ce sont des accumulations quantitatives graduelles qui en elle meme n'ont rien de dialectique qui aboutissent à des ruptures d'équilibre et à des changements qualitatifs que ce soit en physique en biologie ou dans les sociétés humaines

sur l'exemple que j'ai donné si tu veux des réferences je ne vais pas recommencer tous les fils sur la bipédie et l'hominisation....

je te renvoies à dquelques articles si tu as le temps et l'envie de les lire...

Origin of Human Bipedalism:
The Knuckle-Walking Hypothesis Revisited
BRIAN G. RICHMOND, DAVID R. BEGUN, AND DAVID S. STRAIT

ICI






maintenant deux articles sur l'évolution de la capacité cranienne des hominidés,

on voit bien que comme la bipedie cela a demandé toute une serie d'adaptations s'étalant sur plusieurs millions d'années .

Increased cranial capacity in hominid evolution
and preeclampsia


Jean Chaline

UMR CNRS 5561-BIOGEOSCIENCES and Laboratoire de Paleobiodiversite et Prehistoire de l’EPHE, Centre des Sciences de la Terre, Universite de Bourgogne

ICI

et:

Early hominid brain evolution: a new look at old endocasts

ICI

sur l'intelligence et les outils

The Emergence of Intelligence

Language, foresight, musical skills and other hallmarks
of intelligence are connected through an underlying
facility that enhances rapid movements


by William H. Calvin

ICI


Rethinking the Emergence of Hominin Tool Use

MELISSA A. PANGER, ALISON S. BROOKS, BRIAN G. RICHMOND, AND BERNARD WOOD

ICI


pour finir un article plus general

Tempo and mode in human evolution

et le lien sur un des fils ou cette discussion a eu lieu....

[url=http://forumamislo.net/newfaloPhpBB/viewtopic.php?t=4542&hl=bipédie&st=0]l'origine de l'humanité[/url]
canardos
 
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Message par shadoko » 22 Fév 2006, 02:59

Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger. Dans ce fil (dans les réponses aux interrogations de Lechatmachine), on entend parler de "dialectique" dans plusieurs sens.

1. "un processus dialectique" (la dialectique serait donc une caractéristique de certains processus physiques)

2. "la logique dialectique" (la dialectique serait donc une manière de raisonner), et s'opposerait à la "logique formelle".

Pour le point 2, je voudrais tout de même dire ceci. Il faut s'entendre sur le terme "logique formelle". Quand Trotsky parle de "logique formelle", il reprend une terminologie qui date, et qui ne désigne pas "un système d'axiomes" et une manière de les manipuler (ce que j'appellerai des "logiques mathématiques", pour distinguer), mais plutôt une manière de raisonner sur des processus physiques, et plus particulièrement sociaux. Par exemple:
-Doit-on considérer les caractéristiques humaines comme "immuables", ou doit-on les considérer comme en train d'évoluer, et les regarder dans leur évolution?
-Doit-on regarder notre connaissance d'un objet (physique) comme définitive, ou doit on plutôt avoir conscience que l'on ne fait qu'une approximation de la réalité?

Je suis d'accord que ce sont un peu des tartes à la crème, comme ça, abstraitement. Mais les réponses à ces deux questions, dans le domaine des sciences sociales, font la différence entre une vision marxiste et une vision figée, qui dirait "le système actuel, les données actuelles, les hommes actuels sont immuables, on accumule des anecdotes historiques, c'est tout ce qu'on peut faire". Bien sûr, ce sont des idées (simples) qui sont admises communément dans les sciences dites "dures", parce qu'il est plus facile d'avoir du recul sur un électron que sur la société.

C'est plutôt ça, le raisonnement dialectique (une manière de raisonner), il me semble, qu'un système formel comme la logique floue, temporelle, tétravalente ou autre, qui, tout en étant très intéressantes pour d'autres raisons, n'aident pas des masses dans l'histoire des sociétés, ou même à raisonner sur des processus physiques (mais parfois à les décrire). La manière dont Trotsky s'exprime n'est peut-être pas très heureuse de ce point de vue, parce qu'elle entretient cette confusion. De même, sur la question du vocabulaire, lorsque Marx, Engels ou Lénine parlent de "contradiction", le terme moderne serait plutôt "paradoxe", ou "aspects contraires d'un phénomène donné" (et non pas une contradiction logique). Pareil avec la "négation" d'un phénomène, terme qui sonne vraiment bizarre aujourd'hui, et qu'il faut comprendre différemment selon les cas.

Revenons maintenant au point 1: les phénomènes "dialectiques".

Là, il s'agit plutôt de caractéristiques de certains phénomènes. Ceux souvent cités sont:

-la transformation de la qualité en quantité

C'est juste une manière de dire que certains phénomènes ont des caractéristiques globales, qu'ils n'ont pas si on les regarde à la loupe (ex: la température d'un corps, alors que la température d'un atome n'a pas de sens). Là encore, c'est surtout dans les sciences sociales qu'il est important d'insister là-dessus face aux gens qui nient tout comportement de masse des êtres humains (par exemple les classes sociales), et qui ramènent tout à la psychologie individuelle (pour pouvoir conclure qu'on ne peut rien dire sur la société).

-les phénomènes dans lequels une cause joue dans un sens, et une autre dans l'autre, et qui parviennent à un équilibre de ce fait, qui peut être rompu par la suite, etc...
Là, c'est assez explicite, je crois.

Encore une fois, ça n'a plus rien de révolutionnaire aujourd'hui dans tout un tas de domaines, mais c'est encore contesté dans certains, particulièrement dans tout ce qui touche à l'homme.

Alors, maintenant, lechatmachine, si tu veux un exemple de cette manière de raisonner, prends "Le Capital", dans lequel Marx passe son temps à regarder des phénomènes sous un certain aspect (par exemple l'échange de marchandises du point de vue du marchand) puis sous un autre (le point de vue de l'acheteur), pour en déduire un fonctionnement global, dans lequel plusieurs forces participent et s'opposent. Ensuite, tu peux aussi noter qu'il regarde les phénomènes à plusieurs échelles (l'échelle individuelle, l'échelle du pays) et dans leur évolution (comment les rapports de production sont apparus). C'est très explicite, y compris dans la rédaction. Il fait tout cela, un peu en opposition avec les économistes de l'époque qui ont une vision beaucoup plus "statique".

En conclusion, je dirais que ma position sur la dialectique, c'est celle là: ne pas trop voir ça comme une panacée, mais plutôt comme une méthode d'appréhension du monde, qui est plus justifiée dans certains domaines que dans d'autres (plus dans les phénomènes de masse que sur le spin de l'électron). Et ce n'est pas totalement creux de rappeler ces méthodes de raisonnement, dans la mesure où ce n'est pas partagé par tout le monde (aujourd'hui), particulièrement dans le domaine de l'économie ou des sciences politiques.
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Message par Ottokar » 22 Fév 2006, 08:51

Nous pouvons remercier Shadoko de cette explication très claire. Effectivement, les débats philosophiques sont sans doute plus vifs dans les sciences humaines que dans les sciences naturelles. Encore que parfois ce ne soit pas le cas. Mais en sciences humaines, en histoire par exemple, il est fréquent qu'on emploie des catégories hors de tout contexte, comme démocratie. Le fameux exemple de la "démocratie athénienne". De la lutte des "démocraties contre le fascisme". En éconiomie, on postule qu'il y aurait une nature humaine, égoïste, calculatrice, capitaliste, de toute étrenité (le "postulat maximisateur rationnel"). En sciences naturelles, on s'en est débarrassé au cours du XIXème siècle. Mais non sans mal. Et ce n'était pas fait à l'époque de Marx. Darwin (auquel Marx voulait dédicacer son Capital) a fait scandale lorsqu'il a appliqué une méthode "dialectique" à l'évolution des espèces (et encore, il y a parfois le retour d'un certain fixisme). Pasteur a du mener un combat célèbre devant l'académie des sciences pour débarrasser la médecine de la théorie de l'influx vital et de la génération spontanée, et la mécanique d'Einstein a heurté nos conceptions quotidiennes, plutôt non dialectiques.

Pour ce qui nous intéresse, l'histoire des sociétés et la possiblité de transformation du monde, la méthode de raisonnement dialectique est indispensable. Elle s'est imposée en sciences dans un certain nombre de domaines. Nous l'utilisons dans nos raisonnements en l'appliquant à l'histoire, à l'économie, aux sciences humaines, sociales et politiques.
Ottokar
 
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Message par piter » 22 Fév 2006, 16:24

il n'y rien de commun entre l'opposition logique formelle(c'est à dire non dialectique) et logique dialectique et culture bourgeoise/prolétarienne. c'est un anachronisme, c'est Hegel qui oppose logique formelle et logique dialectique.
la critique de Bernstein et de son rejet de la dialectique (et de la révolution) s'inscrit dans le débat entre le marxisme dit "orthodoxe" et le révisionisme réformiste. la question de la culture prolétarienne c'est autre chose, d'ailleurs Trotsky qui défend la logique dialectique contre la logique "formelle" s'oppose à l'idée de culture prolétarienne.
piter
 
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