La Baisse du Taux de Profit

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 09 Sep 2005, 10:44

Bon, là, ça part un peu dans tous les sens.

Une remarque pour Wolf, qui je le maintiens, est toujours aussi épatant. :-P

Il veut que ce soit moi qui lui explique comment D-L calculent leurs chiffres. Soit, mais il peut aussi lire leurs travaux, tout est très bien décrit.

Mais ces chiffres, de toutes façons, ils les récuse par avance : les comptabilités des entreprises sont bidonnées, les chiffres du PIB sont des fourre-tout, les taux de croissance sont illusoires, etc. Très bien. A ce moment-là, on tire les conclusions d'une main, et l'échelle de l'autre : il est impossible de raisonner à partir des chiffres de l'économie capitaliste (après tout c'est une position qui se défend, même si je pense qu'elle est stérile). Gros avantage : on peut dorénavant raconter tout ce qu'on veut sur l'évolution de l'économie, sans risquer d'être contredit par les faits.

C'est d'ailleurs grosso modo l'attitude de Lucky : les chiffres, je m'en fous. S'il fait avec la politique comme avec l'économie, ça lui permettra de rédiger un commentaire sur les prochaines élections sans devoir attendre les résultats.

Mais Wolf, qui ne doit pas avoir envie d'adopter cette position caricaturale, préfère produire des chiffres... pour lesquels il se révèle beaucoup, beaucoup moins regardant que pour ceux des autres. A tel point que les "taux de profit" auxquels il fait confiance (parce qu'ils semblent appuyer sa thèse) sont respectivement des taux de marge et des parts de profits. C'est-à-dire des choses très jolies et très intéressantes, mais pas des taux de profit.

Alors, c'est bien de faire profession de précision et de la rigueur, mais alors, que ce ne soit pas deux poids deux mesures.
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Message par Jacquemart » 09 Sep 2005, 12:26

L'enfer est paraît-il pavé de bonnes intentions. Et c'est ainsi que Wolf, au nom d'une saine méfiance vis-à-vis de certains chiffres de la comptabilité capitaliste, en vient à défendre des approximations bien pires que celles qu'il rejette.

Ainsi, le PIB, bon à prendre "le climat des affaires", mais pas à calculer le taux de profit. Ah. Et pourquoi donc ? Pourquoi pas bon aux deux, mauvais ou deux, ou bon pour le taux de profit mais pas pour le "climat des affaires" ? J'aimerais le savoir.

Ayant ainsi jeté le seul outil disponible (imparfait, certes, mais disponible), Wolf est obligé de se rabattre sur ce qui reste, à savoir l'investissement, sans voir que le remède est pire que le mal. D'abord, parce que je ne vois pas en quoi les statistiques de l'investissement de souffriraient pas des mêmes défauts que celles du PIB. Ensuite, parce que la corrélation qu'établit Wolf entre niveau d'investissement et niveau du taux de profit est une pétition de principe, qu'il s'agirait précisément de démontrer. Et une des caractéristiques de la situation actuelle est précisément un fort taux de profit couplé à un faible investissement.

Alors, renvoyer dos à dos les taux de marge de Grant et les taux de profit de Duménil (et d'autres) sous prétexte que Grant raconte moins de bêtises sur le cadrisme que Duménil, c'est se moquer doublement du monde. D'abord, parce que je ne vois pas en quoi les âneries cadristes de Duménil corrompent son calcul du taux de profit. Ensuite, parce que question âneries, j'ai cru comprendre que Grant et Woods s'y connaissaient aussi. Enfin, parce que bon sang de bonsoir, un taux de marge, même si c'est Trotsky en personne qui le calcule, ça n'en fait pas un taux de profit pour autant.

Mais derrière ces chicaneries techniques, je pense qu'il y a aussi un désaccord de fond sur la nature "fictive" de certains profits. Tu as employé plusieurs fois le terme de "profits fictifs", sans que j'arrive à être sûr de ce que tu entends par là. Si c'est pour dire que certaines boîtes affichent des comptabilité bidonnées pour faire apparaître des profits là où il n'y a que des pertes, certes, cela existe. Mais à l'échelle de la société, cela me semble assez marginal, surtout sur le moyen terme.

En fait, j'ai bien peur que tu considères que tous les profits réalisés en-dehors de la production, dans la sphère commerciale ou financière, sont "fictifs", et qu'il ne faudrait pas les comptabiliser dans le taux de profit. Si c'est le cas, tu te trompes. Les profits financiers ou commerciaux sont tout aussi réels que les profits industriels, et les yachts qu'on s'achète avec le sont aussi. Et ces profits doivent être comptabilisés dans le calcul du taux de profit.

Marx parle de capital fictif pour désigner certains phénomènes bien précis, mais jamais, à ma connaissance, de profits fictifs (qu'on me corrige si je dis une bêtise).
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Message par Jacquemart » 09 Sep 2005, 13:27

Point technique : à la demande générale de Wolf, comment D&L calculent le taux de profit.

Le taux de profit, ce sont les profits annuels divisés par le capital engagé au cours de cette période.

1) estimation des profits :

Sur la base de ce que fournit la comptabilité nationale, on procède par soustraction, en considérant évidemment uniquement le secteur privé.
On part donc de la valeur globale de la production (PIB), déduction faite des impôts indirects.
On en retranche la consommation en intrants, pour obtenir le Produit Intérieur Net, c'est-à-dire l'ensemble de la valeur ajoutée au cours de l'année.
On retranche de ce PIN l'ensemble des salaires directs et indirects versés par le secteur privé (avec une correction pour tenir compte du fait qu'au cours du temps, la proportion de salariés varie).
On obtient le reliquat, c'est-à-dire tous les revenus qui ne sont pas des salaires, donc des profits.

2) estimation du capital

C'est le plus délicat, car interviennent des problèmes de vitesse de rotation différentes entre différents postes (capital fixe, salaires, etc.). D&L choisissent de retenir uniquement le capital fixe.
On peut estimer la valeur actuelle de ce capital fixe de plusieurs manières. Le choix retenu généralement consiste à retenir sa valeur actuelle (et non la valeur d'achat). Ce "stock net" de capital fixe est calculé par les organismes type INSEE, BEA, etc.

Voilà voilà.
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Message par Jacquemart » 09 Sep 2005, 13:31

Sur le fond : Wolf commet une grosse erreur en pensant que tout capital financier (le fameux : A - A') est du capital fictif, et une seconde erreur en pensant que les profits que rapportent un capital fictif sont eux aussi fictifs.

Il se trompe également en affirmant que le taux d'investissement est directement corrélé au taux de profit. Je le répète, cette corrélation, il faudrait la démontrer, et pas la poser comme allant de soi.
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