a écrit :Eh bien non... Pas d'accord. Tu raisonnes de façon scolastique ! Nous parlons d'événements malheureusement réversibles ! Une révolution peut être réprimée au point d'échouer et être ensuite ravalée au rang de tentative révolutionnaire. Si le rapport de force était gagné d'avance... Ca se saurait. Tant que la bourgeoisie a la conviction profonde, sociale, bien ancrée, qu'elle peut faire faire machine arrière à la société, rien n'est acquis ! Au passage, tu te doutes que la révolution ne se fera pas de façon rigoureusement simultanée partout sur la planète, et là aussi, tu peux compter sur l'instinct de classe des différentes bourgeoisies nationales pour se battre collectivement avec la dernière apreté. Alors, avant que la bourgeoisie soit un "groupe social résiduel réactionnaire" un vestige qui fait marrer tout le monde en quelque sorte, il faut déjà que la révolution soit sacrément consolidée !
Bien évidemment que nous parlons d'évènement réversible... Le fait de caractériser la bourgeoisie comme groupe social résiduel un fois la révolution accomplie (c'est à dire la prise de contrôle de la production et de la société par ce qui était le prolétariat), n'implique pas une minimisation de son pouvoir de nuisance, mais juste une caractérisation du nouveau rapport de production qui émergera.
L'appartenance à une classe, l'existence de l'antagonisme de classe se définit par la position dans les rapport de production (dixit Marx d'ailleurs). Le prolétariat est la classe qui produit et qui doit vendre sa force de travail. La bourgeoisie est la classe qui détient les moyens de production (propriété et contrôle). C'est cette propriété et ce contrôle qui la définit en tant que classe. Maintenant, si tu explique qu'une fois la révolution accomplit, elle existe encore en tant que classe, je m'interroge sur ta vision d'une société post révolutionnaire. Pour moi, c'est et ce ne peut être, si le processus a abouti, une société sans classe et sans Etat (ce qui ne veut pas dire une société sans conflits et contradiction d'intérêt, mais plus au même sens que dans la période capitaliste).
C'est en ce sens effectivement que la "révolution russe" a été, comme tu dis, une tentative révolutionnaire, même si elle a été parmis les plus abouties. Mais la question qui se pose, ce sont les facteurs d'explication. Parmi ceux-ci, bien sur, la réaction "externe" qui est le fait de la bourgeoisie nationale (faiblement développée à cette époque), des débris de l'aristocratie, mais surtout de la bourgeoisie internationale (qui possédait l'essentiel du capital). Mais également la réaction "interne", celle qui a vu une classe se former à partir d'un parti et de débris de l'appareil étatique tsariste, la bureaucratie.
L'échec de la révolution est lié à ces 2 facteurs. Or, si tu analyse bien le 1er risque, tu passe il me semble complètement à côté du 2ème. Ce n'est pas les intentions et les discours qui font le caractère émancipateur d'une société, c'est la réalité sociale. Et force est de constater que celle-ci était caractérisée par l'apropriation du pouvoir par une classe en formation (nouvelle classe contrôlant les moyens de production, à travers le contrôle du pouvoir politique et la propriété d'Etat des moyens de production, différente de la propriété sociale).
Donc, s'organiser face à la réaction bourgeoise, oui ! C'est ce que nous faisons dans le processus révolutionnaire au moyen de l'organisation fédéraliste de la lutte armée... peuple armé, milices ouvrières. Mais il est indispensable de se prémunir contre la réaction interne, et ce, justement, en se dotant d'outil qui empêche toute reformation d'une classe dominante, toute prise de pouvoir par un groupe sur le prolétariat devenu société.
Après, tu souligne la réaction internationale... Et bien justement, si nous partageons la nécessité de la construction du rapport de force, et de la lutte armée, à l'échelle internationale, nous pensons que seul le prolétariat internationale, et donc l'extension révolutionnaire, est gage du rapport de force, faute de retomber dans le mythe du "socialisme dans un seul pays". Or, un etat, même proclamé "prolétarien" ne peut que présenter une face d'occupant dans les pays où il interviendrait (et donc produire la réaction chauvine), rien à voir avec la solidarité prolétarienne internationale (voir le jacobinisme bolchevik russe en Ukraine). L'extension de la révolution n'est pas la conquète par l'armée révolutionnaire d'un pays, mais la solidaité internationale qui ne peut que s'appuyer sur la dynamique révolutionnaire propre à chaque aire géographique... Soutient en arme, soutient armée, mais pas sous la forme d'une armée d'Etat, mais sous la forme de peuple armé à peuple armé.
a écrit : Tant que la bourgeoisie sera une menace très concrète, il faudra surtout réfléchir aux moyens coercitifs pour l'empêcher de nuire. Si l'on est à un stade avancé et que le développement des forces productives d'une économie socialiste ont convaincu dans leur vécu quotidien une immense majorité de la planète qu'un retour en arrière serait une aberration... Alors... A ce stade-là, d'elles-mêmes au contraire, les mesures coercitives se raréfient, n'ayant plus de base dans la société ou dans la production, et l'on peut de façon très réaliste envisager que l'Etat s'éteigne, de lui-même, progressivement.
Les myens de l'empêcher de nuire, c'est l'autodéfense prolétarienne, qui n'a pas besoin d'un Etat pour exister (milice ouvrière, Makhnovtshina).
La notion "d'extinction de lui même de l'Etat" est pour moi une abérration et de l'ordre de la croyance qui n'a rien à voir avec l'analyse matérialiste, et qui sous estime totalement le caractère structurel de l'Etat. Celui-ci est l'outil de la classe dominante. Maintenant, soit tu pense que la révolution débouche sur une société de classe, soit, si elle aboutit, elle a pour conséquence une société sans classe et sans Etat. L'Etat, c'est le monopole de la force par un groupe. Crois tu que ce groupe, qui dès lors possèdera le contrôle des moyens de production va renoncer lui-même à son pouvoir ? Quelle naiveté ! Le pouvoir est un élément structurel des rapport sociaux. Il assure le contrôle de l'économie par le monopole de la force. Un groupe (qui ne peut pas être la totalité des prolétariat, puisque celui-ci est alors devenu société de producteur, qui en est issus, mais cesse de produire, donc d'appartenir au prolétariat, ) qui exerce le pouvoir au nom du prolétariat, s'il l'éxerce éventuellement contre l'ancienne classe dominante, l'éxerce également sur le prolétariat. Or comme l'Etat est le monopole de la force armée, et dans ta vision l'entité qui concentre le capital et les moyens de productions, de quels outils disposera alors le prolétariat pour faire respecter sa volonté et éviter l'émergence d'une nouvelle classe ou d'un pouvoir personnel.
Moi je ne pense pas qu'il suffise de bonne volonté pour faire un monde. Le pouvoir est une donnée structurelle, et, contrairement à Marx, nous pensons que ce n'est pas "l'infrastructure économique" qui détermine, en dernier ressort, "la superstructure politique", mais que les deux structures interragissent de manière dialectique, ET EGALE. Qui possède le pouvoir possède le contrôle des moyens de production. Or l'Etat (même issu au départ des rang prolétariat) n'est pas le prolétariat, et ceux et celles qui le constituent ne font plus partie du prolétariat (ils ne produisent plus), donc L'Etat n'est pas un instrument neutre dont l'usage dépend de la bonne volonté et la conviction révolutionnaire de ses acteurs.
La démocratie prolétarienne, c'est justement la fin du pouvoir séparé, extérieru au prolétariat qu'est l'Etat, et le retour au sein de celui-ci, devenu société.
a écrit :
Cette nécessité pour les communistes (marxistes léninistes si tu y tiens), de construire un Etat ouvrier, s'appuie sur l'étude concrète des révolutions passées, et des rapports de force poussés à leur paroxysme. Encore une fois, j'ai l'impression que tu les sous-estimes.
Nous nous appuyons également sur l'étude des tentatives révolutionnaires passées (si elles avaient été révolution, nous ne serions pas encore et toujours dans une société capitaliste mondiale, avec un partage entre capitalisme privé, capitalisme d'Etat, capitalisme mixte). Mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions. Je penses par contre que toi tu sous estime le caractrèle structurel de l'Etat et du rapport hiérarchique, comme tu sous-estime les réactions "internes" dont il est le vecteur intrinsèque. Tu sous estime le risque de confiscation "bonapartiste", cas correspondant il me semble à Lénine et Trostky et au parti bolchevik, même si ce bonapartisme s'est exercer collectivement, au profit d'une classe en formation (sans nier les dynamiques de pouvoir personnel dans tout ça, Trotsky se vant d'avoir un bureau mitoyen à celui de Lénine et d'avoir ainsi co-partagé la réalité du pouvoir). Or ce pouvoir personnel, même éxercer par des personnes de valeur, n'a pas grand chose de communiste, où alors les mots n'ont pas de sens. Le pouvoir des soviets libres, lui, est par contre une réalité communiste d'organisation démocratique de la société.
a écrit :Bon... personnellement je trouve ça un peu léger comme analyse. C'est qui "on"? L'homme en général? La "nature humaine"?
Rien à voir avec la nature humaine, mais avec le produit des mécanisme structurelles qui régissent la société. N'importe quel être humain, qui participe pouvoir, en subit les effets structurels en terme d'intérêt (garder et accroître le pouvoir) et d'effet (dominant/dominé)
a écrit :A la relecture des dernières communications de Sanspatrienifrontières il saute aux yeux que beaucoup de libertaires ne peuvent se définir que par le rejet de la révolution russe ses combats et ses oeuvres.
Je ne rejette pas la révolution russe (la tentative révolutionnaire qui s'est traduit pendant une courte période par le pouvoir des soviets, donc la démocratie prolétarienne, balayé par la suite), mais le coup d'Etat d'octobre. Il me semble que tu confond les 2. Bien évidémment il est logique pour les bolchevik d'avoir amalgamé les deux dynamiques, ce qui leur permettait d'en tirer un pouvoir symbolique très fort, mais malheureusement, au vu des réactions du pouvoir constituant bolchevik, face aux contestations venant de ces mêmes soviets et de la classe ouvrière (Petersbourg, Kronstadt, Ukraine), on ne peut que constater le contraire, et observer le mécanisme par lequel le nouveau pouvoir a rapidement transformer les soviets en chambres d'enregistrement des décisions du parti, c'est à dire transférant le pouvoir des soviets libres, et du prolétariat, au parti, en éliminant au passage toutes les autres forces révolutionnaires...
a écrit :
Bref l'historien Hergé avait grâce à son héros Tintin fort bien décrit et dénoncé tout celà.
A que la révolution russe serait belle s'il n'y avait eu ces maudits bolcheviks autoritaires, volontaristes qui n'entendirent pas laisser à la réaction russe et européenne la joie d'une victoire facile contre des masses politiquement désarmées et offrir aux larmes des générations futures le doux spectacle des opprimés châtiés pour avoir osés se révolter sans nuire à leurs oppresseurs.
C'est une position bien confortable d'assimiler les critiques révolutionnaire du bolchévisme à la critique fasciste et bourgeoise. C'est d'ailleurs ce que faisaient les staliniens avec les trotskystes... Hitlero-trotskystes, ça ne vous rappelle rien ?
Que tu me compare au fasciste Hergé est pour le moins insultant, et est un procédé qui je pense n'a rien à voir avec l'éthique révolutionnaire.
a écrit :Sans aucune originalité ils reprennent l'ensemble de ce que tout un chacun du PS au FN reproche aux bolcheviks.
Il ne me semble pas avoir entendu jamais les partis que tu me cite critiquer l'action du parti bolchevik d'un point de vue révolutionnaire et prolétarien.
Pas plus que ces partis (les courants qui leur correspondait : fascistes, socialdémocratie) n'ont participé à l'époque à la dynamique révolutionnaire... Ils en étaient les adversaire féroce. Les anarchistes ont participé aux soviets dès leur création (ont contribué d'ailleurs à en créer), et ce jusqu'à ce qu'ils et elles furent interdit par le nouveau pouvoir bolchevik, déportés, assassinés. Ils ont défendu la révolution (sans la confondre avec le pouvoir bolchevik), et c'est notamment grace aux partisans de Makhno que le front a été repris face aux blancs, tout ça pour déboucher sur l'arrestation par traitrise et la mise hors la loi des éléments révolutionnaires les plus connus des communes libres d'Ukraine.
Ce que le PS, la droite, ou le FN reprochent aux bolchevik, ce n'est pas, comme les anarchistes, d'avoir confisqué le pouvoir des mains du prolétariat et des soviets à leur profit, mais d'avoir voulu abattre le capitalisme, et d'avoir voulu faire échec à la bourgeoisie. Nous ne reprochons pas aux bolcheviks d'avoir voulu abattre ce capitalisme et d'avoir combattu à mains armée la bourgeoisie, nous leur reprochons d'avoir construit un capitalisme d'Etat, par la force, au mépris des soviets et du prolétariat, qui n'avait rien à voir avec le communisme, et d'avoir liquidé les autres courants révolutionnaires pour asseoir leur pouvoir et le monopole de leur discours.
Quant à "la seule définition par la critique de la révoluytion russe", outre que nous ne critiquons que le coup d'Etat d'octobre et pas la dynamique révolutionnaire des soviets libres, nous nous définissons tout autant par les différences idéologiques et stratégiques, notamment sur l'autonomie des luttes, le rapport à la représentation, la conception de la lutte des classe, la place de la critique du patriarcat et du colonialisme, et leurs conséquences concrètes sur les méthodes de lutte.
[QUOTE]Le grand crime des bolcheviks c'est d'avoir répondu présents aux tâches que l'heure imposait aux révolutionnaires prendre le pouvoir ou le laisser aux massacreurs de l'ordre établi.
Celà les bourgeois et leurs chantres ne leur pardonneront jamais. [QUOTE]
La vision binaire de la société est bien pratique. Elle évite d'avoir à répondre aux critiques, et surtout d'analyser la complexité de la situation. D'un côté les gentils bolcheviks, et de l'autre les méchant bourgeois... Sauf qu'outre ces 2 éléments, il y a le prolétariat, les autres fractions révolutionnaires dont les anarchistes. Et que l'alternative n'était pas entre "bolcheviks prenant le pouvoirs" et "massacreur de l'ordre établis" le gardant ou le reprenant, car les anarchistes n'entendaient pas plus le laisser aux mains de la bourgeoisie que d'un parti-classe en formation, mais de l'abolir pour y substituer la démocratie prolétarienne, au besoin par la force (il n'y a pas que les bolcheviks qui ont combattus la réaction bourgeoise).
D'ailleurs, ces contradictions ont été visibles également au sein du PC, à travers notamment la critique de la gauche communiste, même si celle-ci a dans un premier temps accepter la répression contre les anarchistes.
Mais Totsky et ses partisans ont finalement été victimes des mécanismes structurels et répressifs qu'ils ont contribué à installer et renforcer.
Je laisse de côté l'insulte "chantre de la bourgeoisie" bien pratique pour éviter de répondre concrètemengt aux critiques...
Parce que malgré toutes les critiques que je vous fait en tant que militants marxistes léninistes aujourd'hui, je ne me permettrais pas de vous considérer comme tel, je croise des militants LO dans les luttes que je respecte et apprécie, parce qu'ils ne se font pas sectaires de cette manière.