(Jacquemart @ lundi 30 octobre 2006 à 18:49 a écrit : Eh ben, ça va pas être simple.
Et surtout on nage en plein schématisme, en pleine abstraction... en eaux profondes!
(redspirit @ lundi 30 octobre 2006 à 19:51 a écrit :A aucun moment je ne conteste le fait qu’il existe un pouvoir politique dans chaque société. Seulement, je ne comprends pas pourquoi la détention du pouvoir politique serait l’exclusivité de l’état. S’organiser en état, c’est détenir le pouvoir politique, certes...... ce qui ne signifie pas que ne pas s’organiser en état, c’est forcément ne pas détenir ce pouvoir.
a écrit : Par exemple, le pouvoir politique pourrait être détenu par les soviets. Soviets et état c’est quand même deux modes d’organisation radicalement différents.
a écrit : Donc oui, il faut qu’une organisation révolutionnaire détienne le pouvoir pendant la dictature du prolétariat : les soviets. Elle doit s’exercer sous la forme de conseils révolutionnaires.
a écrit :Que représentent les partis politiques ?
Les marxistes-révolutionnaires rejettent toutes les illusions spontanéistes selon lesquelles le prolétariat serait capable de résoudre les problèmes stratégiques et tactiques soulevés par la nécessité de renverser le capitalisme et l'État bourgeois, de conquérir le pouvoir d'État et de construire le socialisme au moyen d'actions de masse spontanées sans une avant-garde consciente et un parti révolutionnaire d'avant-garde organisé, fondé sur un programme révolutionnaire qui a passé l'épreuve de l'expérience historique et sur des cadres éduqués dans ce programme et trempés par une longue expérience de lutte de classes vivante.
Des arguments d'origine anarchiste, repris également par des courants ultra-gauches «conseillistes», selon lesquels les partis politiques seraient, de par leur propre nature, des formations «libérales-bourgeoises», étrangères au prolétariat, et n'auraient pas de place au sein des conseils des travailleurs parce qu'ils auraient une tendance inhérente à usurper le pouvoir politique des mains de la classe ouvrière, sont théoriquement faux et politiquement nuisibles et dangereux. Il est vrai que des groupements, tendances et partis politiques ne sont apparus qu'avec la montée de la bourgeoisie moderne. Dans le sens fondamental (et non purement formel) du terme, ils sont beaucoup plus anciens.
Ils sont apparus avec l'émergence de formes de gouvernement dans lesquelles un nombre relativement élevé de personnes (à la différence de petites communautés villageoises ou assemblées tribales} participèrent d'une manière ou d'une autre à l'exercice du pouvoir politique (par exemple dans les démocraties antiques), c'est-à-dire qu'ils coïncident avec l'existence de conflits sociaux fondés sur des intérêts matériels opposés les uns aux autres. Ceux-là ne se limitent pas nécessairement à des conflits d'intérêts entre classes antagonistes. Ils peuvent aussi exprimer des conflits d'intérêts matériels au sein d'une classe sociale donnée.
Certes, des partis politiques dans ce sens réel (et non formel) du terme sont des phénomènes historiques dont le contenu a changé d'époque en époque, comme cela s'est produit lors des grandes révolutions démocratiques bourgeoises du passé (particulièrement lors de la grande Révolution française, mais pas seulement à ce moment). La révolution prolétarienne aura un effet analogue. Les partis politiques survivront aussi longtemps que des conflits d'intérêts matériels et d'orientation sociale survivront, c'est-à-dire jusqu'au parachèvement de la construction d'une société socialiste sans classes.
On peut prédire avec assurance que, sous une véritable démocratie ouvrière, les partis politiques prendront un contenu beaucoup plus riche et plus large et conduiront des luttes politiques de masse et avec une participation infiniment supérieure à tout ce qu'on a connu sous les formes les plus avancées de démocratie bourgeoise.
En fait, dès que les décisions politiques dépassent un petit nombre de questions routinières qui peuvent être discutées et tranchées par un petit groupe de personnes, toute forme de démocratie implique la nécessité d'options structurées et cohérentes sur un grand nombre de questions liées les unes aux autres, c'est-à-dire un choix entre des lignes politiques, des plates-formes et des programmes de rechange qui expriment en dernière analyse des conflits d'intérêts de classes ou de couches sociales différentes. Voilà ce que représentent les partis.
L'absence d'orientations alternatives d'ensemble, loin d'accroître la liberté d'expression et de choix pour un grand nombre de personnes, rend impossible tout gouvernement par des assemblées ou des conseils de travailleurs. Dix mille personnes ne peuvent pas voter sur cinq cents positions différentes. Si on veut éviter que le pouvoir ne tombe dans les mains de démagogues, de groupes de pression secrets ou de cliques, il faut permettre la libre confrontation d'un nombre limité d'options structurées et cohérentes, c'est-à-dire de programmes politiques et de partis politiques, sans monopoles ni interdits d'aucune sorte. Voilà ce qui rendra la démocratie ouvrière à la fois significative et opératoire.
En outre, l'opposition anarchiste et "conseilliste" à la constitution de partis politiques sous la dictature du prolétariat, au cours du processus de construction du socialisme, ou bien constitue un voeu pieux (c'est-à-dire l'espoir que la masse des travailleurs s'abstiendra de constituer ou d'appuyer des groupes, tendances et partis avec des lignes politiques et des programmes différents), en quel cas elle est simplement utopique, car cela ne se produira pas; ou bien elle constitue une tentative d'empêcher ou de réprimer les efforts de ces travailleurs qui désirent mener une action politique sur une base pluraliste et, dans ce cas, elle ne peut valoriser objectivement que le processus de monopolisation bureaucratique du pouvoir, c'est-à-dire exactement l'opposé de ce que désirent les libertaires.
Beaucoup de groupements centristes ou ultra-gauches ont défendu une argumentation analogue selon laquelle l'expropriation du prolétariat soviétique de l'exercice directe du pouvoir politique prendrait ses racines dans la conception léniniste de l'organisation elle-même, fondée sur le centralisme démocratique. Ils estiment que l'effort des bolchéviks pour construire un parti qui dirigerait le prolétariat lors de la révolution conduirait inévitablement à un rapport paternaliste, manipulatoire et bureaucratique entre ce parti et les masses laborieuses, ce qui aurait abouti à son tour, non moins inévitablement, à un monopole du parti dans l'exercice du pouvoir après la révolution socialiste victorieuse.
Cette argumentation est a-historique et fondée sur une conception idéaliste de l'Histoire. D'un point de vue marxiste, c'est-à-dire matérialiste-historique, la cause fondamentale de l'expropriation politique du prolétariat soviétique était matérielle et socio-économique, et non pas idéologique ou programmatique. La pauvreté générale et l'état arriéré de la Russie, la relative faiblesse numérique et culturelle du prolétariat rendaient l'exercice direct du pouvoir par ce prolétariat à long terme impossible si la révolution russe restait isolée : tel fut le consensus non seulement parmi les bolchéviks de 1917-1918, mais parmi toutes les tendances se revendiquant du marxisme. Le déclin catastrophique des forces productives en Russie (par suite de la guerre civile, de l'intervention impérialiste militaire, du sabotage des techniciens pro-bourgeois, etc.) a conduit à des situations de pénurie ce qui ont favorisé la croissance de privilèges spéciaux. Tous ces facteurs ont abouti à un affaiblissement qualitatif du prolétariat, déjà réduit. En outre, d'importants secteurs de l'avant-garde politique de la classe, ceux qui étaient justement les plus aptes à combattre la bourgeoisie et la bureaucratie, soit périrent dans la guerre civile, soit quittèrent les entreprises pour être incorporés massivement dans l'Armée Rouge ou dans l'appareil d'État.
Après le début de la NEP, il y eut une reprise économique mais le chômage massif et la déception constante causée par les reculs et défaites de la révolution mondiale ont nourri la passivité politique et un déclin général de l'activité politique de masse, s'étendant jusqu'aux soviets. La classe ouvrière fut ainsi incapable d'arrêter la croissance d'une couche matériellement privilégiée qui, pour maintenir son pouvoir, se mit à restreindre de plus en plus les droits démocratiques et finit par détruire les soviets et le Parti bolchévique lui-même, tout en continuant à utiliser son nom à ses propres fins. Voilà les causes principales de l'usurpation de l'exercice direct du pouvoir par la bureaucratie, de la fusion croissante entre l'appareil du parti, l'appareil d'État et l'appareil des managers économiques dans une caste bureaucratique privilégiée.
Lénine, Trotsky, d'autres bolchéviks et plus tard l'Opposition de gauche, loin de favoriser la montée de la bureaucratie, se sont efforcés de la combattre. Ce fut l'affaiblissement de l'avant-garde prolétarienne, et non « la théorie léniniste du parti », qui a fait échouer ce combat. On peut estimer que certaines mesures prises par les bolchéviks avant la mort de Lénine -telle l'interdiction temporaire des fractions décidées au Xe Congrès du Parti -auraient contribué à cet affaiblissement. « L'interdiction des partis d'opposition entraîna l'interdiction des fractions; l'interdiction des fractions aboutit à l'interdiction de penser autrement que le chef infaillible. Le monolithisme policier du parti eut pour suite l'impunité bureaucratique qui devint à son tour la cause de toutes les variétés de démoralisation et de corruption. » (Trotsky, « La Révolution trahie »). Mais il s'agit là de causes secondaires.
Les causes principales du processus de bureaucratisation furent objectives, matérielles, économiques et sociales. Elles se situent dans l'infrastructure de la société soviétique de l'époque, non dans sa superstructure politique, et certainement pas dans une conception particulière du parti. Loin d'être le produit du bolchevisme, la bureaucratie stalinienne a dû détruire physiquement le Parti bolchevik pour pouvoir établir sa dictature totalitaire. Le Parti bolchevik était un instrument de la classe ouvrière et un ennemi de la bureaucratie. L'étranglement politique du parti a précédé l'expropriation politique totale de la classe ouvrière.
L'expérience historique a par ailleurs confirmé qu'en l'absence d'un parti révolutionnaire qui dirige la révolution ou qui exerce même une grande influence en son sein, les conseils des travailleurs ne survivent guère plus longtemps qu'ils ne le firent en Russie, mais ils disparaissent au contraire plus rapidement encore: l'Allemagne en 1918 et l'Espagne de 1936-1937 pour ne pas parler de la Hongrie de 1956 ou du Chili de 1973, sont les exemples les plus évidents en la matière.
a écrit :Et bien parce que l’abolition de l’état est non seulement nécessaire à l’avènement du communisme, je suis d’accord avec vous, mais elle est aussi nécessaire pour abolir le capital. Or cette différence, j’avais tenté de la faire apparaître dans mon précédent message : abolir le capital, ce n’est pas instaurer le communisme. C’est une condition indispensable, bien sûr mais ce n’est pas suffisant puisqu’il faut encore abolir le prolétariat (pour abolir les classes)
(Puig Antich @ mardi 31 octobre 2006 à 01:45 a écrit : Le parti, c'est un "cerveau collectif"
a écrit :Le pouvoir politique, s'il est organisé, on appelle ça un État. Autrement dit : c'est ça qu'on appelle un État.
a écrit :
Ca veut dire "des" conseils par-ci par là, mais sans centralisation. Ca ça ne peut pas être le pouvoir, quoi que tu en dises. Le pouvoir c'est la centralisation.
a écrit :D'autant que ça m'énerve, les anarchistes qui disent qu'ils veulent supprimer l'état comme ça, par décret.
a écrit :Ca veut rien dire redspirit ; la condition d'existance du capital, c'est le salariat. Donc tu ne peux abolir le capital sans abolir le salariat ; et c'est bien sûr le communisme qui produit et est le produit de ce processus.
a écrit :Et par quel miracle les conseils vont-ils devenir révolutionnaires tout seuls, sans l'action quotidienne opiniâtre et continue du parti ouvrier révolutionnaire ? Les conseils ce sont les prolétaires tels qu'ils sont qui vont les constituer. Ils seront pleins de préjugés, de confusion, etc... sans parler des appareils traitres PS, PC, bureaucrates, qui y seront aux premières loges ! Qu'est-ce que tu crois ? Ce sera une bataille de chiens pour gagner les conseils à la révolution socialiste. Pour ça il y faut un parti armé du programme du marxisme. Ou alors, on ne combat pas on fait du baratin !
a écrit :Si tu veux... Mais pas seulement, me semble-t-il. C'est aussi un organe d'action, capable de prendre des initiatives centralisées, de mener des campagnes politiques en mobilisant toutes ses forces organisées, et surtout (dans une situation révolutionnaire), de décider et de diriger la prise du pouvoir, puis de l'exercer, au nom de et pour le compte de la classe ouvrière.
(redspirit @ mardi 31 octobre 2006 à 16:47 a écrit :Pour moi il existe trois types du pouvoir politique. Une forme « primitive » : le pouvoir y est impersonnel. Cette forme était vouée à disparaître car le pouvoir exerçant une pression, ce sont les coutumes qu’il fallait reproduire à l’identique pour l’individu. Bref, passons, c’est sans doute flou ainsi mais développer serait hors sujet. Deuxième forme : le pouvoir personnel. Celui du tyran fondé sur la force. Troisième forme : le pouvoir institutionnel fondé sur un texte, une constitution. L’état n’est alors que le détenteur du pouvoir.
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