A :la fin du volume "
2. Octobre" de l'
Histoire de la révolution russe, (édition du Seuil) de Léon Treotsky, on trouve des Appendices sur une vingtaine de pages. Entr'autres, un texte très intéressant sur les analyses de Trotsky avant les Thèses d'avril.
En 1917, Léon Trotsky est à New-York qu'il quitte à la mi-mars pour entamer un périple qui lui permettra de rejoindre la Russie au début mai, un mois après Lénine.
Léon trotsky écrit dans un quotidien new-yorkais Novy Mir, pour les russes en Amérique. Il cite quelques extraits ddans l'Appendice.
Le 6 mars, un mois avant le discours tonitruant de Lénine à son retour de Suisse via l'Allemagne, Trotsky écrit ça:
Un conflit déclaré entre les forces de la révolution à la tête de laquelle se dresse le prolétariat des villes, et la bourgeoisie libérale antirévolutionnaire qui a provisoirement pris le pouvoir, est absolument inévitable. On peut, bien entendu - et de ceci s'occuperont avec zèle les bourgeois libéraux comme les piteux socialistes du type vulgaire – assembler bien des phrases attendrissantes sur la grande supériorité de l'unité nationale vis-à-vis de la scission des classes. Mais jamais encore personne n'a réussi par de tels exorcismes à éliminer les antagonismes sociaux et à arrêter le développement de la lutte révolutionnaire.
Dès à présent, immédiatement, le prolétariat révolutionnaire devra opposer ses organes révolutionnaires, les soviets de députés ouvriers, soldats et paysans, aux organes exécutifs du gouvernement provisoire. Dans cette lutte, le prolétariat, unifiant autour de lui les masses populaires qui se lèvent, doit s'assigner comme fin directe la conquête du pouvoir. Seul, un gouvernement ouvrier révolutionnaire possédera la volonté et la capacité, dès le temps de la préparation de l'assemblée constituante, de procéder à une épuration démocratique radicale dans le pays, de réorganiser du haut en bas l'armée, de la transformer en une milice révolutionnaire et de démontrer en fait aux couches inférieures de la campagne que leur salut est uniquement dans le soutien du régime ouvrier révolutionnaire.
Dans ce même Appendice, Trotsky écrit:
Au sujet de la crise par laquelle passait le parti bolchevik dans les deux premiers mois de la révolution de février, il n'est pas inutile de donner ici une citation d'un article écrit par l'auteur du présent livre [Léon himself], en 1909, pour la revue polonaise de Rosa Luxembourg :
«Si les mencheviks, partant du concept abstrait : " notre révolution est bourgeoise ", en arrivent à l'idée d'une adaptation de toute la tactique du prolétariat à la conduite de la bourgeoisie libérale, jusques et y compris la conquête par elle du pouvoir de l'Etat, les bolcheviks, partant d'un point de vue tout aussi abstrait, " dictature démocratique et non socialiste ", en viennent à l'idée d'un prolétariat qui détient le pouvoir et se donne lui-même une limite bourgeoise-démocratique. Il est vrai que la différence entre eux dans cette question est très considérable : tandis que les côtés antirévolutionnaires du menchevisme se manifestent dans toute leur force dès à présent, les traits antirévolutionnaires du bolchevisme ne menacent d'un formidable danger que dans le cas d'une victoire révolutionnaire.»
Le parti sortit de la crise d'avril à son honneur, s'étant dégagé des "traits antirévolutionnaires de sa couche dirigeante." C’est pourquoi l'auteur ajouta, en 1922, au texte cité ci-dessus la note suivante :
«Ceci, comme on sait, n'arriva pas, étant donné que, sous la direction de Lenine, le bolchevisme réalisa (non sans lutte intérieure) son réarmement idéologique dans cette question extrêmement importante, au printemps de 1917, c'est-à-dire avant la conquête du pouvoir.»
Pour terminer ce texte, Léon Trotsky rajoute:
Lenine, dans la lutte contre les tendances opportunistes de la couche dirigeante des bolcheviks, écrivait en avril 1917 :
«Le mot d'ordre et les idées bolchevistes dans l'ensemble sont complètement confirmés, mais concrètement les choses se sont présentées autrement qu'on ne l'eût su prévoir (qui que ce fût), d'une façon plus originale, plus singulière, plus variée. Ignorer, oublier ce fait signifierait qu'on s'assimile à ces " vieux bolcheviks ", qui ont plus d'une fois déjà joué un triste rôle dans l'histoire de notre parti en répétant une formule ineptement apprise au lieu d'avoir étudié l'originalité de la nouvelle et vivante réalité. Quiconque ne parle maintenant que de " la dictature révolutionnaire démocratique du prolétariat et des paysans ", celui-là est en retard sur la vie, celui-là, par conséquent, s'est effectivement rendu à la petite bourgeoisie, est contre la lutte de classe prolétarienne, celui-là doit être remisé aux archives des raretés " bolchevistes " d'avant la révolution (on peut dire : aux archives "des vieux bolcheviks").»