Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 27 Avr 2023, 20:52

Les épithètes ne sont guère aimables - ou parfois indulgentes. Je remarque que dans le Staline, les remarques sur Soukhanov sont plus sympa.

Déjà, Libé et le Monde, c'est mieux que dans le Figaro. Ça se sent qu'il est aussi journaliste: il sait décrire un moment, les humeurs, avec un certain brio.
Dans le 2e volume, le récit du départ des bolchéviques (du pré-parlement? Pas le courage de vérifier) est un morceau particulièrement savoureux.

Dans un de mes textes préférés de Léon Trotsky : "La révolution espagnole et les dangers qui la menacent" (mai 1931):
Oui, Lénine a émis en 1905, à titre d'hypothèse, la formule d'une "dictature bourgeoise-démocratique du prolétariat et de la paysannerie". S'il existait un pays où l'on pouvait s'attendre a une révolution agraire démocratique spontanée précédant la conquête du pouvoir par le prolétariat, c'est bien la Russie, où le problème agraire dominait toute la vie nationale, où les soulèvements de paysans duraient depuis des dizaines d'années, où existait un parti agraire-révolutionnaire indépendant possédant une longue tradition et une large influence dans les masses. Et pourtant, même en Russie, il n'y eut pas de place pour une révolution intermédiaire entre la révolution bourgeoise et la révolution prolétarienne. En avril 1917, Lénine ne cessait de répéter à Staline, Kamenev et d'autres qui s'accrochaient encore à l'ancienne formule bolchevique de 1905 : "Il n'existe pas et il n'y aura pas d'autre "dictature démocratique" que celle de Milioukov-Tseretelli-Tchernov : la dictature démocratique est, par son essence même, une dictature de la bourgeoisie sur le prolétariat; seule la dictature du prolétariat peut prendre la place de la "dictature démocratique". Quiconque invente des formules intermédiaires mitigées est un pauvre visionnaire ou un charlatan. Telle est la conclusion qu'a tirée Lénine de l'expérience vivante des révolutions de Février et d'Octobre. Nous nous maintenons intégralement sur la base de cette expérience et de ces conclusions.

https://www.marxists.org/francais/trots ... 310528.htm

C'est cool que tu le lises en même temps, ça nous oblige à relire par-ci, par-là!
Cyrano
 
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 27 Avr 2023, 20:58

Les 2 volumes font 2700 grammes... Pas vraiment des petits livres de chevet.
Dans le dernier numéro de la Lutte Ouvrière, y'a écrit que y'aura des présentations de livres.
Je remarque : "Les Carnets de la Révolution russe, de Nikolaï Soukhanov"

J'ai fini. La fin est laconique et un peu rapide!
Cyrano
 
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Ottokar » 28 Avr 2023, 08:11

Je ne veux pas prolonger sur la "dictature démocratique" qui est une étape totalement dépassée du raisonnement, un problème qui ne se pose plus de nos jours où toute la planète est passée au capitalisme, mais l'hypothèse de Lénine était prudente. Cela aurait pu exister en Russie... et cela ne s'est pas réalisé.

Mais en toute hypothèse, Lénine était un révolutionnaire, il traçait un rôle actif à son parti, au parti du prolétariat, pas un rôle de supplétif de la bourgeoisie. Ce ne sont pas pour des considérations politiques que les dirigeants auto-proclamés du Soviet de février (dont ce brave Soukhanov) vont chercher les politiciens bourgeois (Soukhanov dit "les censitaires"), c'est une sorte de respect naturel devant ceux qui dirigent d'habitude. Il est bien difficile de se défaire de cette attitude. Surtout dans une période comme février, dans l'ivresse de la victoire, le sentiment de libération, de changement, l'emploi à tort et à travers de mots nouveaux, de "démocratie", etc.

Pour garder la tête froide, il faut être un vrai révolutionnaire, qui a rompu réellement avec la bourgeoisie, comme Lénine ou Trotsky. Ou il faut rester en contact avec la réalité, hors du palais Tauride et des Comités exécutifs, être à Vyborg, dans les usines, là où se forment des comités d'usine, beaucoup plus proches des ouvriers, avec de nombreux délégués (c'est raconté dans Petrograd la rouge, de Stephen Smith, un livre plutôt "conseilliste" et méfiant voire hostile aux bolchéviks, pourtant) qui ne se contentent pas de formules, mais parlent des 8h, de grilles de salaire, de conditions de travail, de chefs détestés, ou dans les régiments qui ne veulent plus se battre ni subir la morgue, le mépris, les brimades des officiers, les "Votre Excellence" ou "Votre Haute Noblesse".

C'est parce que le parti bolchévik a ces liens-là qu'au-delà des formules, Lénine retourne aussi vite la situation quand il rentre.
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 28 Avr 2023, 13:57

On est le 7 octobre (en mode Julien). Le Préparlement se tient au Palais Marie.
Je disais que le départ des bolchéviks du Préparlement est un morceau particulièrement savoureux. Alors, bon, tiens, ce sera l'extrait choisi pour le 2e tome.
[Toute la fraction des bolcheviks], considérable, arriva en retard, presque en même temps que moii. Les bolcheviks avaient tenu une séance importante et tumultueuse à Smolny et elle venait seulement de se terminer. Ils devaient finalement décider de ce qu’ils feraient du Préparlement : le quitter ou y rester? Après une première séance durant laquelle la question demeura en suspens, les bolcheviks s’affrontèrent dans un débat âpre à ce propos. C’était intéressant pour sphères de Smolny puisqu’il s’agissait d’un événement rare...

Le parti s'était scindé presque en sa moitié et l’on ignorait qui l’avait emporté. On disait que Lénine exigeait le départ. Trotski défendait sa position avec insistance. Ils avaient contre eux Riazanov et Karnenev. La droite exigeait que l’on ajourne le départ au moins jusqu'à ce que le Préparlement se dévoile un peu, en refusant par exemple de prendre telle ou telle mesure importante pour les intéréts des masses laborieuses. On disait qu’autrement, le départ serait incompréhensible, mal perçu par le peuple. Trotski cependant, pour qui toutes les questions d’ores et déjà tranchées, plaidait pour qu’il n’y ait aucune équivoque, pour que l’on brûle définitivement et publiquement les vaisseaux du parti. Que les deux armées ennemies en présence voient et comprennent la situation !

Durant la pause, alors que les élections étaient en cours, une rumeur sensationnelle se répandit dans les couloirs du palais Marie : Trotski avait vaincu par une majorité de deux ou trois voix. Riazanov tonnait, considérant la décision fatale, et les bolcheviks allaient tout de suite quitter le Préparlement. De plus les leaders mencheviks et SR racontaient avec inquiétude que les bolcheviks, avant de partir, allaient faire un scandale monstrueux. On commençait à échanger les rumeurs les plus folles. Un vent de panique se leva. On mandatait chez les bolcheviks une personnalité officielle pour en savoir plus. «Rien de bien méchant!», répondit Trotski, qui se tenait non loin de moi, dans la rotonde jouxtant la salle des séances, «une petite chose, un petit coup de pistolet.»

Pourtant, Trotski semblait assez nerveux, dans l’attente de ce coup de feu, à la suite de la lutte qu’il avait endurée et remportée sans éclat. Les bolcheviks de droite, près de Riazanov, grognaient, l’oeil mauvais. Toute cette histoire m'était assez pénible, je n’allai pas voir Trotski.

A la fin de la séance, Avksentiev lui donna la parole pour une déclaration exceptionnelle de dix minutes, conformément au règlement de la Douma d'Etat, adopté pour le Préparlement. Dans la salle, ce fut un événement. La majorité des censitaires n’avaient encore jamais vu l’illustre chef des fainéants, des des bandits et des canailles.

«Le but officiel déclaré de la Conférence démocratique, commença Trotski.était de mettre un terme au régime personnel qui avait servi de vivier à l’aventure Kornilov, de créer un pouvoir responsable, capable de liquider la guerre et de garantir la convocation de l’Assemblée constituante dans le délai fixé. Cependant, dans le dos de la Conférence démocratique, par le biais de transactions en coulisses entre le citoyen Kerenski, les cadets et les chefs des SR et des mencheviks, on a ;abouti au résultat contraire : la création d’un pouvoir dans lequel, et autour duquel, les kornilovistes, cachés ou assumés, jouent le rôle principal. […]
Mais toute le problème est le suivant : les classes bourgeoises se sont donne pour but d’annuler l’Assemblée constituante... […]
L’idée de livrer la capitale révolutionnaire aux troupes allemandes ne suscite aucune indignation chez les classes bourgeoises, au contraire, elle est un élément naturel de leur politique générale qui doit leur faciliter la conclusion d’un complot contre-révolutionnaire...
»

Le scandale montait. Les patriotes sautaient de leurs chaises et ne laissaient pas l'orateur poursuivre. On criait, on parlait de l’Allemagne, du «wagon plombé», etc. Une exclamation retentit : «Canaille!» Je le souligne : au cours de toute la révolution, avant et après les bolcheviks, ni au palais de Tauride ni à Smolny, quelle que fut l’ardeur des débats, si tendue que fut l’atmosphère, jamais une telle interjection n’avait été prononcée durant les réunions de nos «basses classes». Il suffisait de venir dans la bonne société du palais Marie, en compagnie d'avocats propres sur eux, de professeurs, de financiers, de propriétaires et de généraux pour qu’immédiatement se reforme l’atmosphère de taverne qui régnait dans la Douma d’Etat censitaire...
Trotski, qui commençait à s'énerver, acheva son discours au milieu du tumulte :

«[…] Nous n’avons rien a voir avec le travail criminel qui s’accomplit en coulisses contre le peuple. Nous refusons de le couvrir une journée de plus, ni directement ni indirectement. En quittant ce Conseil provisoire nous en appelons à la vigilance et au courage des ouvriers, des soldats et des paysans de la Russie tout entière. Pétersbourg est en danger, la révolution est en danger, le peuple est en danger. Le gouvernement aggrave ce danger. Les partis de droite également. Seul le peuple lui-mêrne peut se sauver et sauver le pays. Nous nous adressons au peuple : vive la paix démocratique immédiate et honorable, tout le pouvoir aux soviets, toute la terre au peuple, vive l’Assemblée constituante !»

Trotski quitta la chaire et quelques dizaines de personnes, à l’extrême gauche, quittèrent la salle au milieu du chahut et des cris. La majorité des députés accompagna leur sortie de regards méprisants, le poing levé : bon débarras ! La majorité ne comprenait ni ne voyait rien : il s’agissait simplement d’une cinquantaine de personnes, appartenant à une espèce particulière, sauvage, qui sortait de la société des hommes. De simples bolcheviks! Bon débarras! Tout serait plus calme et plus agréable sans eux.

Quant a nous, proches voisins et compagnons d’armes des bolcheviks, nous restâmes immobiles, accablés par ce qui venait de se passer.
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Ottokar » 29 Avr 2023, 07:31

On connaît peut-être l'expression de Soukhanov reprise par Trotsky dans son Staline (inachevé), "tâche grise", appliquée à ce dernier. Je ne résiste pas à l'envie de recopier le passage intégral. Notez qu'il est écrit fin 1918 ou début 19, à un moment où il n'y a pas d'enjeu sur la personnalité du futur "petit père des peuples". C'est au bas de la page 380, il parle du retour des exilés et déportés, de leur arrivée au Comité Exécutif du Soviet :

Chez les bolchéviks on vit apparaître à cette époque au Comité Exécutif, outre Kamenev, Staline. Ce militant était l'une des figures centrales du parti bolchévik et manifestement l'une des quelques personnalités ayant eu entre les mains -ayant entre les mains jusqu'à aujourd'hui- le destin de la révolution et de l’État. Je ne me lancerai pas dans une tentative d'explication : les influences qui jouent au sein des hautes sphères, éloignées du peuple, étrangères à toute transparence et irresponsables sont si capricieuses ! Mais toujours est-il que l'on peut s'interroger sur le rôle de Staline. Le parti bolchévik, même lorsque son "corps d'officiers" fut très bas, avait, dans cette masse ignorante et hasardeuse, toute une série de figures plus fortes et de chefs plus dignes parmi ses généraux. Staline, du temps de son activité modeste au Comité Exécutif, produisit -et pas que sur moi- l'impression d'une tâche grise, flottant mollement et sans laisser de traces. Il n'y a rien d'autre à en dire, vraiment.
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par com_71 » 29 Avr 2023, 11:01

Cyrano a écrit :Y'a personne d'autre qui lit? Ou bien, y'en a qui attendent la fête pour payer les deux pavés en vignettes?

On ne peut pas tout lire en même temps. Pour l'instant je ne sais plus trop qui m'a conseillé "Les déracinés" de Catherine Bardon, une famille aisée de Vienne, juifs plus que germanisés, emportés par le cataclysme de la fin des années 30, qui se retrouve en "pionniers" dans un kibboutz en République Dominicaine... Mais il n'y a qu'un exemplaire dans les bibliothèques de la ville de Paris.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par artza » 30 Avr 2023, 06:56

A rééditer ;)
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 30 Avr 2023, 21:09

Il y a dans les deux tomes de Soukhabov une iconographie généreuse et de bonne qualité. Ça m'amuse de sélectionner une photo dans chaque tome.

Dans le tome 1 avec cette légende des éditions Smolny:
Un groupe de manifestants bolchéviques lors du premier mai sur le Champ-de-Mars.
On peut lire sur leur banderole : "Vive la socialisme. Vive la 3e internationale"

La 3e Internationale?! Ils auraient déjà enterré la 2e?
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 30 Avr 2023, 21:11

Dans le tome 2, une photo de matelots, avec la légende:
Journées de Juillet – Matelots du cuirassié Petropavlosk de Krosntadt de l'été 1917.
Sur la bannière ce ces marins anarchistes, on peut lire : «Mort aux bourgeois!»
Pièces jointes
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Re: Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

Message par Cyrano » 30 Avr 2023, 21:18

A :la fin du volume "2. Octobre" de l'Histoire de la révolution russe, (édition du Seuil) de Léon Treotsky, on trouve des Appendices sur une vingtaine de pages. Entr'autres, un texte très intéressant sur les analyses de Trotsky avant les Thèses d'avril.

En 1917, Léon Trotsky est à New-York qu'il quitte à la mi-mars pour entamer un périple qui lui permettra de rejoindre la Russie au début mai, un mois après Lénine.
Léon trotsky écrit dans un quotidien new-yorkais Novy Mir, pour les russes en Amérique. Il cite quelques extraits ddans l'Appendice.

Le 6 mars, un mois avant le discours tonitruant de Lénine à son retour de Suisse via l'Allemagne, Trotsky écrit ça:
Un conflit déclaré entre les forces de la révolution à la tête de laquelle se dresse le prolétariat des villes, et la bourgeoisie libérale antirévolutionnaire qui a provisoirement pris le pouvoir, est absolument inévitable. On peut, bien entendu - et de ceci s'occuperont avec zèle les bourgeois libéraux comme les piteux socialistes du type vulgaire – assembler bien des phrases attendrissantes sur la grande supériorité de l'unité nationale vis-à-vis de la scission des classes. Mais jamais encore personne n'a réussi par de tels exorcismes à éliminer les antagonismes sociaux et à arrêter le développement de la lutte révolutionnaire.
Dès à présent, immédiatement, le prolétariat révolutionnaire devra opposer ses organes révolutionnaires, les soviets de députés ouvriers, soldats et paysans, aux organes exécutifs du gouvernement provisoire. Dans cette lutte, le prolétariat, unifiant autour de lui les masses populaires qui se lèvent, doit s'assigner comme fin directe la conquête du pouvoir. Seul, un gouvernement ouvrier révolutionnaire possédera la volonté et la capacité, dès le temps de la préparation de l'assemblée constituante, de procéder à une épuration démocratique radicale dans le pays, de réorganiser du haut en bas l'armée, de la transformer en une milice révolutionnaire et de démontrer en fait aux couches inférieures de la campagne que leur salut est uniquement dans le soutien du régime ouvrier révolutionnaire.

Dans ce même Appendice, Trotsky écrit:
Au sujet de la crise par laquelle passait le parti bolchevik dans les deux premiers mois de la révolution de février, il n'est pas inutile de donner ici une citation d'un article écrit par l'auteur du présent livre [Léon himself], en 1909, pour la revue polonaise de Rosa Luxembourg :
«Si les mencheviks, partant du concept abstrait : " notre révolution est bourgeoise ", en arrivent à l'idée d'une adaptation de toute la tactique du prolétariat à la conduite de la bourgeoisie libérale, jusques et y compris la conquête par elle du pouvoir de l'Etat, les bolcheviks, partant d'un point de vue tout aussi abstrait, " dictature démocratique et non socialiste ", en viennent à l'idée d'un prolétariat qui détient le pouvoir et se donne lui-même une limite bourgeoise-démocratique. Il est vrai que la différence entre eux dans cette question est très considérable : tandis que les côtés antirévolutionnaires du menchevisme se manifestent dans toute leur force dès à présent, les traits antirévolutionnaires du bolchevisme ne menacent d'un formidable danger que dans le cas d'une victoire révolutionnaire.»
Le parti sortit de la crise d'avril à son honneur, s'étant dégagé des "traits antirévolutionnaires de sa couche dirigeante." C’est pourquoi l'auteur ajouta, en 1922, au texte cité ci-dessus la note suivante :
«Ceci, comme on sait, n'arriva pas, étant donné que, sous la direction de Lenine, le bolchevisme réalisa (non sans lutte intérieure) son réarmement idéologique dans cette question extrêmement importante, au printemps de 1917, c'est-à-dire avant la conquête du pouvoir

Pour terminer ce texte, Léon Trotsky rajoute:
Lenine, dans la lutte contre les tendances opportunistes de la couche dirigeante des bolcheviks, écrivait en avril 1917 :
«Le mot d'ordre et les idées bolchevistes dans l'ensemble sont complètement confirmés, mais concrètement les choses se sont présentées autrement qu'on ne l'eût su prévoir (qui que ce fût), d'une façon plus originale, plus singulière, plus variée. Ignorer, oublier ce fait signifierait qu'on s'assimile à ces " vieux bolcheviks ", qui ont plus d'une fois déjà joué un triste rôle dans l'histoire de notre parti en répétant une formule ineptement apprise au lieu d'avoir étudié l'originalité de la nouvelle et vivante réalité. Quiconque ne parle maintenant que de " la dictature révolutionnaire démocratique du prolétariat et des paysans ", celui-là est en retard sur la vie, celui-là, par conséquent, s'est effectivement rendu à la petite bourgeoisie, est contre la lutte de classe prolétarienne, celui-là doit être remisé aux archives des raretés " bolchevistes " d'avant la révolution (on peut dire : aux archives "des vieux bolcheviks").»
Cyrano
 
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