Les nazis et le patronat allemand

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 20 Mai 2004, 13:06

a écrit :Quant à la question de la discusion de l'intensité de la répression, il y a encore à dire. Ce n'est parce que l'exagération des uns fait ces régimes un mystère incompréhensible, que la réalité de la terreur et de l'oppression est un tant soit peu diminuée. La répression est avant tout une arme dirigée à la tête des militants et des masses; la terreur est un phénomène "irrationnel" qui appelle à l'instinct de conservation. Sans préparation politique, elle peut ravager les masses et les militant avec quelques "exemples" de brutalité. Et cela n'a pas manqué ni dans un cas ni dans l'autre.


Il y a tout de même une différence irréductible entre le nazisme et toutes les autres dictatures du XXème siècle (y compris le colonialisme) : dans tous les cas sauf le sien, il n'y a pas vraiment de projet. On terrorise pour ne pas être chassé, point final. C'et le cas aussi en URSS, à partir de l'enterrement des projets de révolution mondiale. Tous ces régimes pourrissent sur pied en attendant qu'on soit assez fort pour les renverser ou qu'ils cèdent la place devant une lassitude générale.
Rien de tel en Allemagne : il y a une mise en mouvement du pays vers une guerre mondiale à quitte ou double.
Contre cet OPNI ou plutôt OPAPEVR (objet politique aujourd'hui pas encore très vastement reconnu) quelle préparation militante eût été adéquate ? Je ne connais que le refus instinctif de Churchill, fondé sur son expérience militante pas vraiment de gauche (consistant à réfléchir pendant 40 ans sur la formation de la puissance impériale anglaise et les conditions de son maintien, et à agir au moins mal en conséquence), et ses efforts pour regrouper tout le monde contre ce danger (et à cet effet il n'hésite pas à chercher des alliances très à gauche, écrivant par moment sur le Front populaire français des choses à donner des apoplexies dans son milieu et son parti).
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 20 Mai 2004, 17:32

a écrit :Ceci ne me semble pas correct. Des "projets" (sauf si vous entendez autre chose que moi là-dessus) il y en a toujours. Pinochet voulait "erradiquer le marxisme-leninisme" discourse manifeste, mater la classe ouvrière et mettre expérimentalement en pratique une toute autre politique économique, projet latent; en empruntant la terminologie de quelqu'un d'autre.


Effectivement, je ne veux pas dire la même chose. Pinochet voulait certes casser toute opposition de gauche et faire de l'ultra-libéralisme, mais après ? Il ne pouvait que sécher sur pied et laisser, à son corps défendant, le pouvoir. Il arrive la même chose à Franco ou à Brejnev (même si l'un et l'autre arrivent à mourir au pouvoir et très vieux). Même chose pour la colonisation. C'est bien l'absence de projet qui tue la dictature (sans rien enlever aux mérites de ceux qui aident les situations à mûrir).

a écrit :C'est sur qu'on ne doit pas confondre projet manifeste et projet latente. Ce serait une erreur de prendre pour argent les plus au moins délirantes fantasies idéologiques nazis qui habillent un projet qu'au fond (et pas tant que cela) est celui des capitalistes allemands à l'étroit dans leur camisole de force nationale.


C'est là que nous divergeons. Je persiste à ne pas voir là un projet patronal. Et je pense, oui, que l'historien doit prendre assez au sérieux une partie du délire hitlérien, qui devient "une force matérielle".
Donc, pas d'abolution: le patronat a tous les torts qu'on veut, en matière de suivisme et de complicité. Mais justement : il subit l'aventure, en essayant de ne pas trop se poser de questions.
Par exemple, la manière dont Hitler avance sans guerre, en particulier en 1938, séduit fort les trusts : en voilà, une manière d'augmenter les profits et de repartager le monde (en particulier en évinçant le capital français de Tchécoslovaquie) qui agrée à Krupp. Mais il est berné : Hitler change de braquet début 39 sans prévenir et son patronat, comme l'immense majorité des observateurs dans le monde, se prend à espérer qu'il bluffe.
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 21 Mai 2004, 08:56

Bonjour !

Nul ne se vexera, j'espère, si je dis que décidément vous relevez le niveau.

La comparaison Pinochet-Hitler me paraît souffrir des mêmes inconvénients que toutes les nazifications polémiques de roitelets défiant les Etats-Unis (Milosevic, Saddam et même à certains égards Ben Laden) qu'on essaie de nous faire avaler depuis des années.

Pinochet, c'est l'inverse : le bon élève, au premier rang de la classe des soumis. Alors il peut bien défier son patronat local, il est du côté du manche, et quel manche !

Hitler est unique, entre autres raisons parce qu'il prend la barre d'une très grande puissance à une époque où aucune ne domine, où le jeu est plus ouvert que jamais au sein de ce que des historiens ont appelé le "club des 7" (EU, GB, France, Allemagne, URSS, Italie, Japon).

Ses rapports avec le patronat peuvent et doivent s'étudier historiquement. Celui-ci a toujours été inquiet de ses initiatives. C'est bien pour cela qu'avant la prise du pouvoir il est avare de ses marks. Certes, il est ravi de la destruction des syndicats, de l'arrêt des grèves, etc. Mais il aimerait bien se débarrasser du pompier une fois le feu éteint (quand il devient clair que la crise de 29 ne débouchera pas sur une "contagion" de la Russie bolchevique). Rien, vraiment rien ne montre qu'il est désireux d'une nouvelle aventure guerrière, surtout précipitée et à quitte ou double.

Sur le long terme, il me semble que c'est la tendance "Stresemann" du capitalisme allemand (privilégier la conquête des marchés sur celle des territoires) qui l'a emporté, et s'est épanouie dans les "Trente Glorieuses" et la construction européenne.
François Delpla
 
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Message par Nadia » 21 Mai 2004, 09:24

[quote=" (François Delpla @ vendredi 21 mai 2004 à 09:56"]
Ses rapports avec le patronat peuvent et doivent s'étudier historiquement. Celui-ci a toujours été inquiet de ses initiatives. C'est bien pour cela qu'avant la prise du pouvoir il est avare de ses marks. Certes, il est ravi de la destruction des syndicats, de l'arrêt des grèves, etc. Mais il aimerait bien se débarrasser du pompier une fois le feu éteint (quand il devient clair que la crise de 29 ne débouchera pas sur une "contagion" de la Russie bolchevique). Rien, vraiment rien ne montre qu'il est désireux d'une nouvelle aventure guerrière, surtout précipitée et à quitte ou double.
:gne_gif:

(De toute façon, j'ai compris, quand le Delpla ne convainc de rien par des affirmations gratuites, il finit par insulter.)
Nadia
 
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Message par François Delpla » 21 Mai 2004, 12:05

a écrit :quand le Delpla ne convainc de rien par des affirmations gratuites, il finit par insulter.



Toujours pas le plus petit embryon de démarche démonstrative.
En revanche, vos accusations vous vont comme un gant.

Mais, s'il vous plaît de déshonorer les idées dont vous vous réclamez, je ne saurais vous en empêcher.
François Delpla
 
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Message par quijote » 21 Mai 2004, 13:10

Mon cher Delpa , discuter avec vous , c 'est comme discuter sur le sexe des anges . un exemple vous mettez en équation les " dictatures" en rapprochant colonialisme et nazisme : une autre" dictature" si j 'ai bien compris . au fond pour vous , la références absolue , c 'est le concept de "démocratie " , de "violernce" que vous utilisez comme des références intemporelles , donc a-historiques . on ne peut rapprocher" colonialisme" et "dictature "et se contenter de cette approche . à raisonner ainsi , on perd de vue le contexte historique ( ce que l 'on appelle l 'historiscisme , c 'est à dire le fait de vouloir établir des lois de l 'évolution historique ). le colonialisme , c 'était une chose : phénomène lié au développement du capitalisme et à la nécessité pour la bourgeoisie de trouver des débouchés , des sources de matières premières , d 'avoir une chasse gardée . quant à La "dictature " en soi , cela ne veut rien dire . c 'est vrai que la mode chez les historiens actuels est d 'opposer "les" totalitarismes "( et dans ce concept ; ils englobent pêle mèle le "communisme " , le fascisme ", le " nazisme " , totalitarismes qu 'ils opposent aux "démocraties ": reportez -vous à la façon dont sont rédigés les manuels d 'histoire du secondaire . moi , je dis , " où est la nature de classe des uns et des autres "? Comment xpliquer que la Bourgeoisie , en tant que classe ( je ne parle pas des individus ) a fait le choix de l' une ou de l 'autre de sa forme politique de domination ? et pourquoi , elle prèfère en général la forme " libérale " , " démocratique " , " parlementaire" à la dictature .. reportez -vous aux analyses de lénine ' dans l 'Etat et la Révolution . un dernier point , je discute dans un esprit amical , sans acrimonie , ni mépris : simplement admettez que nous avons une approche différente des phénomènes .
quijote
 
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