Pour celles et ceux qui veulent poursuivre sur l'hitoire de l'Affiche rouge et lire le dernier bouquin de Benoît Rayski, journaliste et écrivain, voici ce qu'il est possible de lire sur le site Web de "Politis"
http://www.politis.fr/article849.html L’affiche rouge
On célébrera dans quelques jours le
soixantième anniversaire de la mort de 23
jeunes gens, parfois très jeunes.
Des résistants de la FTP-MOI (le réseau
communiste des Francs-Tireurs et partisans,
mouvement des ouvriers immigrés.) Ceux de
la très célèbre « Affiche rouge »,
immortalisés par les vers d’Aragon, fusillés
par les nazis au mont Valérien, le 21 février
1944. Le « groupe Manouchian », du nom du
poète arménien, le chef militaire du
mouvement. Contrairement à ce que dit
Aragon, ils n’étaient pas « vingt-et-trois
quand les fusils fleurirent », vingt-deux
seulement. Le vingt-troisième « terroriste »
était une femme, et le protocole de la
Wehrmacht interdisait qu’on les fusille. Olga
Bancic connut ce surcroît de douleur d’être
séparée de ses camarades. Elle fut décapitée
à Stuttgart, le 10 mai de la même année.
Personne n’en voudra au poète de l’avoir
associée dans la mort à ceux dont elle avait
partagé le combat, fût-ce par commodité :
cette entorse à la vérité historique réparait
l’injustice de son sort.
Un livre de passion
Disons tout de suite que le court essai que
consacre le journaliste et écrivain Benoît
Rayski à ce tragique événement est à la fois
superbe et partisan (3). Il revendique du
reste ce parti pris, lui que son histoire
personnelle ne pouvait conduire qu’à écrire un
livre de passion : son père, Adam Rayski, qui
vit toujours, fut le chef politique de la section
juive de la MOI.
Ils étaient onze juifs hongrois et polonais
(Olga était roumaine) , sur les vingt-trois.
Cinq autres sont Italiens, trois Français, deux
Arméniens, un Polonais et un Espagnol. S’il
rappelle en exergue (« pour mémoire ») les
noms des vingt-trois, avec des éléments
biographiques pour chacun, Rayski s’attache
ensuite à retrouver les traces des éléments
juifs du groupe, et au-delà, plonge dans une
évocation de cette communauté juive et
rouge du Paris des années noires, de ce petit
peuple d’ouvriers et d’artisans de ces
quartiers de l’Est parisien (le XIe
arrondissement notamment) « pour
l’essentiel d’origine polonaise, qui élevait ses
enfants en mariant spontanément la France,
le yiddish et le communisme » et qui fournit
à lui seul 13 000 martyrs aux camps
d’extermination. On ne lui contestera pas ce
choix, qui correspond à un évident retour aux
sources de l’auteur (judéité et engagement
révolutionnaire étroitement mêlés), dont il
nous livre la clé : « Quand pendant trop
longtemps on a marché dans le désert,
desséché par la fournaise et qu’enfin une
main providentielle vous tend une bouteille
d’eau, il est exclu de laisser se perdre ne
seraient-ce que quelques gouttes du précieux
liquide. De cette bouteille nous avons tous
besoin. Ceux qui ont toujours su rester près
de la source pour se désaltérer. Et ceux
dont moi qui ont cru qu’ils pourraient
continuer à vivre en se passant d’eau. » Ce
sont, d’ailleurs, les plus belles pages du livre,
les plus émouvantes, qui font revivre
souvenirs d’enfance, odeurs et chansons, vie
quotidienne d’un monde à jamais disparu.
Magnifique aussi la longue quête aux
souvenirs des disparus, la recherche des
rares témoins, la consultation des archives
films d’actualité, journaux de l’époque, dans
toute l’ignominie dont ils témoignent , le
recueillement sur les tombes du cimetière
d’Ivry ou les rues de Villejuif... On est
d’autant plus mal à l’aise à la lecture des
pages où se revendique cette « totale
altérité » du peuple élu, cette séparation
irréductible du juif et du goy (a fortiori de
l’Arabe) : « Nous sommes ce que nous
sommes, ils ne sont que ce qu’ils sont », qui
puise dans l’évocation du génocide pour
justifier l’immuable posture de ceux à qui
tous les égards sont dus, de qui rien ne peut
être exigé. Le premier chapitre est, à cet
égard, assez révoltant : on enterre, au
cimetière de Jérusalem, un jeune homme
victime d’un attentat-suicide. Destin
tragique : Baruch Lerner, 28 ans, est le
petit-fils d’un autre Baruch Lerner, fusillé par
les nazis en 1943, au même âge.
Témoin exalté de ces funérailles, Rayski ose
des phrases terribles : « Je tiens, on l’aura
compris, la vie du petit-fils (Lerner) pour
infiniment plus précieuse que celle de tous
les shahid (martyrs) enfantés par la terre de
Palestine, rendue folle par la haine. Je ne
considère pas Ismaïl Horani (le kamikaze)
comme mon semblable. Pas plus que je ne
me sens appartenir à la même humanité [...]
que ceux qui, inlassablement, répètent qu’il
faut comprendre le désespoir des
Palestiniens... »
Dans sa quête d’identité, Benoît Rayski
s’égare. Il est sauvé par une honnêteté que
révèle un autre passage du livre. Quand,
donnant une conférence devant un auditoire
de vieux juifs de gauche, il raconte le malaise
de l’assistance et le reproche qui lui est fait de
« favoriser le communautarisme par son
nationalisme exacerbé » ou qu’on exprime le
refus de l’instrumentalisation d’Auschwitz aux
fins d’un soutien aux exactions de l’armée
d’Israël dans les territoires occupés. Débat
bien actuel, hélas, et dont la virulence
n’augure rien de bon.
Reste un bel hommage, vraiment, à ceux de
l’Affiche. C’est tout de même l’essentiel du
bouquin.
(1) Bonne ou mauvaise, c’est une autre question.
J’aime assez la proposition du rabbin Josy
Eisenberg (dans Le Monde du jeudi 5 février) qui
tient en trois points : 1) Plus de peines
d’inéligibilité ; 2) Obligation de se démettre
immédiatement de tous ses mandats après
condamnation à une peine de prison, sauf à perdre
le bénéfice du sursis ; 3)Organisation sous deux
mois d’une nouvelle élection, où le peuple choisira
de réélire ou pas le condamné.pas le condamné.
(2) « 21,21,21 », Le Monde du 6 février. (3)
L’Affiche rouge, 21 février 1944, Benoît Rayski,
Kiron-Le Félin, 122 p., 16 euros.
