La Baisse du Taux de Profit

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Ottokar » 29 Juin 2005, 17:04

(txi @ mercredi 29 juin 2005 à 14:38 a écrit : Sur les ondes longues : c’est un nommé Kondrattief...

le Kondratiev en question, Nicolas de son prénom était un économiste marxiste russe, qui n'était pas bolchévik mais a travaillé avec le pouvoir des soviets. Il a participé à l'élaboration du premier plan quinquennal puis a disparu dans les purges des années 30 (comme bien d'autres, on ne connaît pas la date de sa mort). Marxiste indépendant, honnête, il a fait ses recherches et publié ses thèses dans les années 20, thèses brièvement débattues et combattues par Trotsky à l'Internationale, plus pour des raisons politiques qu'économiques sans doute. Mais sa vie mérite un certain respect et on n'est pas forcé d'employer cette formule involontairement méprisante "un nommé Kondratiev".

Sur le fond, les ondes longues, reprises par Schumpeter puis Mandel posent quantité de problèmes. Kondratiev les abordaient comme un décalque des raisonnements de Marx, un problème de renouvellement du capital fixe à l'échelon de la société (les canaux dans les années 1820, le chemin de fer dans les années 1850, par exemple) et Schumpeter comme un cycle d'innovations, qui arrivent par vagues et s'épuisent. Le cycle est donc "endogène", créé par ses propres forces et non "exogène", du à des causes extérieures. Trotsky critiquait cet aspect des choses, car cela revenait à pronostiquer un rétablissement du capitalisme et l'aube d'une longue période de croissance dans les années 20, là où l'internationale ne voyait qu'un rétablissement provisoire, et donc une pause tout aussi provisoire dans l'offensive révolutionnaire. Et surtout cela négligeait pour Trotsky certaines causes "exogènes" comme les guerres et les révolutions !

On peut repérer des périodes de croissance forte et de croissance faible : pour la France, le Second Empire, la Belle époque, les soi-disant "Trente Glorieuses" opposées aux crises et au ralentissment des années 1880, à la crise des années 30, à la période ouvrete depuis le milieu des années 70. Mais est-ce une loi générale ? Sommes-nous au bord de 25 à 30 nouvelles années de croissance ? Ce qui a été se reproduira-t-il ? Telle est la question en débat.

Sur Dumensil et Lévy, pour qui a déjà vu leur numéro de duettistes, leur reprocher de manquer de données est une douce plaisanteries, car tandis que l'un parle, l'autre vous dégaine des transparents, des courbes et des tableaux, en tirant plus vite que son ombre !

Sur le fond, ce qui est reproché par txi est d'une part, le point noté par Jacquemard, leur adhésion à la théorie fumeuse du "cadrisme", reprise des théories déjà combattues avant-guerre par Trotsky (Bruno Rizzi, James Burnham). Et d'autre part, leurs ambiguités viennent de leur positionement dans Attac : ils ne regrettent pas le capitalisme d'avant. Ils notent l'inflexion, que l'on peut aussi noter, ce passage d'un capitalisme de croissance, qui tire ses profits de la croisnace et l'extension de la production, à un capitalisme de crise, qui malgré l'arrêt ou le ralentissement de la croissance, exige néanmoins que l'actionnaire, le spéculateur et le banquier soient servis, et bien servis !

De ce point de vue, leurs descriptions et leurs chiffres nous servent.
Ottokar
 
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Message par Ottokar » 30 Juin 2005, 11:56

(txi @ jeudi 30 juin 2005 à 09:42 a écrit : sur les ondes longues de Mandel, il me semble qu'il parle bien de causes exogènes et non endogènes. Les destructions barbares de la deuxième guerre mondiale, (combinées à la paralysie du prolétariat) ont bien représenté ce choc exogène qui a permis au capitalisme de redémarrer sur des bases- notamment techniques et d'organisation- relativement nouvelles, non ?

J'avoue avoir regardé il y a trop longtemps et de façon trop distraites les thèses de Mandel pour te répondre précisément, mais il me semble bien que sa version est un mélange des causes endogènes de Kondratiev (renouvellement du capital fixe) et de Schumpeter (vagues d'innovatons). Il parle ainsi d'un "cycle vapo-textilier" (début XIXème), carbo-ferroviaire (notre Second Empire, l'Angleterre Victorienne), etc.

"Endogène", cela signifie que le raisonnement est similaire à celui de Marx sur les crises dans le Livre III : la "péréquation des taux de profit" et la "baisse tendancielle des taux de profit" ne se déroulent pas de façon graduelle, continue, mais par des ajustements brutaux, des crises, un peu comme dans la tectonique des plaques où des forces accumulées éclatent brutalement sous forme de tremblement de terre ou de tsunami. A ce moment, de vastes portions du capital sont dévalorisées (les friches industrielles qui entourent les vieilles villes industrielles ou qui peuplent le 93, les bâtiments déserts de la sidérurgie lorraine), et à la faveur de la remontée des taux de profit et d'exploitation dans la crise, l'accumulation repart, utilisant les innovations. En changeant ce qu'il faut changer, un cycle long se déroulerait de la même façon sur 50 ans au total : des changements s'accumulent, puis éclatent et une vague d'accumulation massive, de grands équipements, d'infrastuctures à l'échelle de la société accompagnent le retour d'une période de croissance (de 25 ans).

a écrit :Y a-t-il des économistes qui se risquent à faire des pronostics à long terme ?


Oui, ceux qui raisonnent en cycles longs. Les cyles longs, Schumpeter et Kondratiev ont été redécouverts par les économistes bourgeois dans le retournement des années 70. L'Expansion, qui est loin d'être marxiste, il faut bien l'avouer, avait fait un numéro spécial qui tournait quasiment entièrement là-dessus. Ceux qui admettraient cette théorie affirmeraient que c'est une "loi", que la période des "20 piteuses" se termine, que l'nformatique et les nouvelles technologies ont ouvert un nouveau cycle de croissance de 25 ans, etc. Vu la gueule de la croissance, du chômage et des reculs qu'ils nous ont imposé, on risque de ne pas bien voir la différence avec la crise !

a écrit :Pourtant le discours d'ATTAC est bien en général la revendication d'un capitalisme régulé et censé être plus humain,non ?


Le discours d'ATTAC, oui, le discours de Dumesnil et Lévy, non. On peut les accuser de pêcher par omission, de ne jamais dire que le capitalisme c'était pas mieux "aaaaavant", ce qui fait qu'un attacien moyen arrive à les entendre sans se troubler, mais pas d'affirmer des choses fausses. C'est cette ambiguité sans doute qui fait que bien que connaissant plusieurs d'entre nous, et bien qu'ayant été sollicités, ils ne sont jamais venus à notre fête.

Ils y perdent plus que nous, ils auraient vendu leurs livres et touché des droits d'auteurs !
Ottokar
 
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Message par Domb » 30 Juin 2005, 14:04

Bah... une bonne lecture de " Salaire, prix et profit ", et on se rend compte de l'actualité du Papy.


Si on a le courage on se tape le tome III du Capital, mais bon c'est les vacances (parait-il ...)
Domb
 
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Message par Domb » 30 Juin 2005, 15:12

Lapidaire je ne sais pas. Chacun apprécie les discours en leur origine et position de classe (ou pas). Perso, discuter d'Attac comme on peut le faire ça et là dans les salons des comités du " non ", pointer le petit bout de la lorgnette réformiste-libertaire façon Olivier Besancenot ne m'intéresse pas.

Le fil du sujet est "réponse à la baisse (tendencielle) du taux de profit". Des développements simples, sur ces choses apparemment "complexes" ont été fournies par Marx dans le petit machin pédagogique en question (Salaire...). Il convient sans doute de réviser le rôle des super-structures, mais pour le reste, c'est tout à fait d'actualité. C'est tout au moins mon avis, à discuter...
Domb
 
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Message par Véronique » 13 Août 2005, 10:58

(txi a écrit :Il est évident que le poids des cadres (privés mais aussi de la bureaucratie des daministrations) reflètent cette tendance à l’acroissement du travail improductif (au sens maxiste) ainsi que le développement considérable d’activités (juridiques, financières, publicité, etc…) imporductives vont dans ce sens . Sauf qu’une bonne partie de ces phénomènes n’influent pas la maximisation du profit au niveau global, mais seulement sa répartition entre les différents capitaux individuels

Ce n'est pas si sûr, ou pour mieux dire : je n'en suis pas si sûre. Ce que Marx avait montré est surtout que le "general intellect" tel que défini dans les "Grundrisse" contribue à l'accumulation du capital sans pour autant générer de coûts liés à la production. C'est par conséquent un facteur non négligeable permettant d'enrayer la baisse tendancielle du profit global (à défaut du taux de profit). Or l'une des caractéristiques du capitalisme post-fordiste réside --me semble-t-il, en tout cas-- dans la persistance du profit dit "global" combinée à une diminution forcenée des coûts de production. Ceci a donc quand même une influence directe sur le profit taxé (le taux ou "net income" calculé en rendement par valeur d'action redistribuée "dans" le capital accumulé) dans la mesure où la valeur marchande/d'achat est moindre.

Pour ce qui est des capitaux "individuels", j'avoue ne pas trop comprendre... sauf à considérer que ces capitaux sont des valeurs ré-investies circulant sur le marché (pas forcément à fins boursières spéculatives). Auquel cas ils ne me paraissent pas "individuels".

Mais je n'ai peut-être pas fait tout bon :unsure:
Véronique
 
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