par François Delpla » 09 Mai 2004, 04:37
Avec Hitler tout est biaisé. Les mots n'ont pas leur sens habituel. Ainsi terreur.
Le préjugé que je pourchasse, c'est l'idée, si tépandue de droite et de gauche, que la terreur nazie du temps de paix ressemblerait à la terreur stalinienne : multiplication des flics, disparition rapide de quiconque ne fait pas montre d'un enthousiasme délirant. La terreur nazie est plutôt une menace diffuse, un orage redouté qui éclate rarement. On sait que ces gens sont méchants, ils l'ont dit, ils le montrent quelquefois. Mais dans l'ensemble c'est plutôt un "ouf" quotidien. Ca ne se passe pas aussi mal qu'on aurait cru... et ce constat est un levier puissant du consensus. D'autant que les journaux étrangers caricaturent volontiers et que le régime en met régulièrement des morceaux choisis dans sa propre presse... ce qui, outre le sentiment de sécurité, accroît la xénophobie et la mobilisation patriotique.
Que Trotsky ait vu venir une catastrophe et eu raison de dénoncer les staliniens qui, dans leur haine prioritaire de la social-démocratie, sous-estimaient le péril nazi, voilà qui est bel et bon. Mais proposer d'unir les milices socialistes et communistes pour damer militairement aux SA le pion dans la rue n'est sans doute pas une réponse suffisante. Hitler ne manie pas les SA come un instrument direct de prise du pouvoir mais bien plutôt comme un épouvantail destiné à créer un besoin d'ordre et répliquer sur ce terrain, la gauche, unie ou non, ne l'a peut-être que trop fait. Car justement, ce que je dis ci-dessus sur le calme relatif des premières années, contribuant puissamment au consensus, est un bon indice qu'une bonne partie des couches populaires aspiraient à ce même calme. De ce point de vue, la petite bougeoisie sempiternellement mise à contribution pour écarter l'idée qu'une bonne partie de l