Les nazis et le patronat allemand

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 05 Mai 2004, 18:58

Bonsoir !

Wolf a bossé et ça, ça se respecte.
Quant à moi je n'ai pas trop le temps.

Alors juste deux choses : inutile d'exiger que je fasse amende honorable pour avoir dit que Hitler avait pris le pouvoir sans l'argent du patronat alors qu'il en a touché un peu. Ma formulation n'est pas incorrecte pour autant. Elle signifie que cet argent n'a rien eu de décisif. Et elle a le mérite de prendre bille en tête un préjugé encore répandu, n'est-il pas ?

Sur le dosage de la répression : Franco tire dans le tas, et pendant des années. Pinochet tire dans le tas, et pendant des années. Staline tire dans le tas, et pendant des années. Hitler est économe de ses actes répressifs. Savez-vous par exemple que la nuit des Longs couteaux a fait une centaine de morts, contrairement aux centaines ou aux milliers habituellement avancés ?

Sur le plan moral, je ne dis pas que c'est mieux et j'aurais même tendance à penser que c'est moins bien (car ce n'est pas par philanthropie qu'il laisse ces gens en liberté et en vie, mais pour les associer à un projet barbare).
François Delpla
 
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Message par Pascal » 05 Mai 2004, 22:36

(François Delpla @ mercredi 5 mai 2004 à 19:58 a écrit :Sur le dosage de la répression : Franco tire dans le tas, et pendant des années. Pinochet tire dans le tas, et pendant des années. Staline tire dans le tas, et pendant des années. Hitler est économe de ses actes répressifs.

Hitler économe d'actes répressifs !!!????

Même après "Hitler a pris le pouvoir sans l'argent du patronat" et "la satisfaction partielle des revendications ouvrières sous le 3ème Reich", je n'en reviens pas !

Je n'ai malheureusement pas de livre sous la main qui permettrait de chiffrer exactement l'étendue de la répression nazie en Allemagne, surtout qu'une telle étude dépasse les seuls camps de concentration, mais impliquerait aussi de connaître le nombre de prisonniers politiques dans les prisons et pénitenciers, le nombre de condamnations à mort, les exécutions sommaires comises par des SA, etc.

Voici quand même quelques chiffres pour donner une idée de la répression :

Selon Marcel Ruby ("Le livre de la déportation" ), 4.000 communistes sont arrêtés dans la seule nuit qui suit la promulgation de la loi du 28 février 1933. Des milliers d'autres suivent dans tous les milieux antifascistes. Selon le livre de l'Institut für Marxismus-Leninismus, "Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung", toujours pour la seule nuit du 28 février, il est question de plus de 1.500 arrestations d'antifascistes dans Berlin et de plus de 10.000 arrestations en Allemagne.

Pour les seules années de 1936 et de 1937, Marcel Ruby avance le chiffre de 18.000 communistes et de 2.000 sociaux-démocrates enfermés dans des camps de concentration.

On peut aussi prendre les chiffres des détenus dans quelques camps de concentration, chiffres tirés du livre de Marcel Ruby :
- Buchenwald : Mis en service en juillet 1937, le camp de Buchenwald est d'abord conçu pour 3000 détenus. Fin 1937, on y compte déjà 2.912 prisonniers, chiffre qui monte à 11.028 détenus au premier janvier 1939.
- Dachau : Ouvert dès mars 1933, ce camp a une capacité de 5000 détenus selon Himmler. Le 4 février 1934, Le journal des Travailleurs estime à 2400 le nombre de prisonniers dans le camp et décrit les différentes tortures dont sont victimes les détenus anti-fascistes. Toujours dans ce journal, il est question d'une cinquantaine de meurtres commis par les SA dans le camp. Selon Marcel Ruby, "Au total, des dizaines de milliers d'Allemands ont été détenus dans le camp."
- Flossenbürg : Ouvert en mai 1938, ce KZ compte 1500 détenus fin décembre 1938.
- Neuengamme : KZ autonome à partir du 4 juin 1939, on y compte alors 1.070 détenus.
- Ravensbrück : le 13 mai 1939, on y compte 867 déportées ; fin décembre 1939, le KZ compte 1.168 déportées.
- Sachsenhausen : mis en place dès 1933, ce KZ compte 2.300 prisonniers en 1937, 8.300 en 1938 et 12.200 en 1939.

Pour ce qui est des homosexuels , selon le site "triangles roses" (http://www.chez.com/triangles/hocquen.htm) :
" La seule répression légalisée, c'est-à-dire les condamnations par les tribunaux allemands en vertu du paragraphe 175 " amélioré ", concerne environ 50 000 personnes. En examinant les statistiques, on constate que la moyenne des condamnations, un millier par an jusqu'en 1934, passe alors à cinq mille, puis dix mille par an de 1936 à 1940. Les homosexuels ainsi condamnés, après avoir purgé leur peine " civile " de prison, prenaient ensuite automatiquement le chemin des camps à leur " libération ". En cas de condamnation pour récidive, la justice avait d'abord pris soin de les faire castrer."

Pour ce qui est des atrocités racistes, je ne reviens pas sur les persécutions dont sont victimes les juifs dès 1933, mais il convient de rappeler le vaste pogrom de la Kristallnacht (9-10 novembre 1938) où 91 juifs sont assassinés (des milliers sont battus et blessés) et où 30.000 sont arrêtés et déportés dans les camps de concentration. Rappelons enfin que plus de 80% des juifs d'Allemagne ont été massacrés par les nazis.

Pour ce qui est des Sintis et Roms, ils sont eux-aussi victimes de persécutions dès 1933 (début des stérilisations le 2 novembre 1933). Les premières raffles et déportations massives de Sintis et de Roms vers les camps de concentration commence en 1938. On estime à 15.000 le nombre de tziganes allemands victimes du génocide (selon le livre de Claire Auzias, "Samudaripen, le génocide des tsiganes ").

Enfin, je ne dispose pas de chiffres sur le nombre d'Allemands et d'Allemandes condamnés pour avoir vécu une histoire d'amour avec un Juif sous le 3ème Reich.
Pascal
 
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Message par François Delpla » 06 Mai 2004, 06:54

Bonjour !

Le post de Pascal va entièrement dans mon sens.
Pourquoi certaines persécutions commencent-elles en 38, sinon précisément parce que le pouvoir a le souci d'une progressivité ?
Pourquoi les catégories visées sont-elles minoritaires et , d'une façon ou d'une autre, marginalisables ?
Il s'agit bien de faire comprendre à la masse des Allemands qu'on peut, au besoin, les frapper durement, mais qu'ils peuvent aussi mener une petite vie pépère, en travaillant et en ne se mêlant pas de politique. Econome de gestes, cette répression l'est aussi de cadres. Les historiens qui se sont penchés sur la Gestapo ont tous été frappés par la faiblesse de ses effectifs, par rapport aux autres dictatures.
Je ne fais pas du Goldhagen : mon propos n'est pas de prétendre que les Allemands sont plus prêts à la dictature que d'autres, mais qu'ils sont bien plus habilement menés.
François Delpla
 
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Message par Nadia » 06 Mai 2004, 08:48

Petite question à FDelpla en passant : combien de Juifs ont été tués sous le nazisme ?
Nadia
 
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Message par Pascal » 06 Mai 2004, 11:22

(François Delpla @ jeudi 6 mai 2004 à 07:54 a écrit :Le post de Pascal va entièrement dans mon sens.

Non, non et non, je ne vais pas dans votre sens.

Mon post avait pour but de rappeler :
- Qu'à partir de 1933, des dizaines de milliers d'opposants croupissent dans les camps de concentration ;
- Que chaque année, des milliers d'homosexuels sont arrétés uniquement parce qu'ils sont homosexuels ;
- Qu'à partir de 1938, on a des arrestations et déportations par dizaines de milliers d'êtres humains uniquement parce qu'ils sont nés juifs ou tziganes.

Ce n'est pas ce que j'appelle être "économe en actes répressifs", ou alors je me fais curé !!
Pascal
 
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Message par alex » 06 Mai 2004, 14:32

[QUOTEdelpa, ]"Ouvriers dans le sens du poil" : ... Si en termes de salaire horaire net le bilan n'est, encore aujourd'hui, pas très clair, au moins est-on sûr que le plein emploi augmente nettement la masse salariale en 1939 par rapport à 1932, sinon 1929. Resterait à mesurer les retombées de la croissance économique sur le logement, les transports, etc. et là encore les probabilités d'amélioration sont grandes.
Chaque Allemand sent confusément et de plus en plus que s'il est vivant et en liberté c'est qu'il a coopéré à des choses humainement inacceptables, et c'est la meilleure explication du fait que le Führer garde jusqu'au bout le contrôle. [/QUOTE]

Si carresser les ouvriers dans le sens du poil c'est leur apporter un travail forcé quasi gratuit (d'où le plein emploi), je dis que c'est indécent !
Est ce que l'ensemble des chômeurs étaient auparavent rémunérés ?
Si c'est non cela explique peut être l'augmentation de la masse salariale mais surtout une exploitation forcenée de la classe ouvrière.
Il vous reste à mesurer les retombées de la croissance et ses PROBALITES d'amélioration ( sur les conditions de vie):
bref, vous n'êtes sûr de rien !

Inacceptable aussi le fait de rendre coupable tous les allemands, ceux qui sont encore en vie.
alex
 
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Message par pelon » 06 Mai 2004, 17:02

(alex @ jeudi 6 mai 2004 à 15:32 a écrit :

Inacceptable aussi le fait de rendre coupable tous les allemands, ceux qui sont encore en vie.
Tu te bases sur quoi ? je n'avais pas lu cela.
pelon
 
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Message par François Delpla » 07 Mai 2004, 10:27

a écrit :QUOTE Inacceptable aussi le fait de rendre coupable tous les allemands, ceux qui sont encore en vie. 


Tu te bases sur quoi ? je n'avais pas lu cela. 



Bonjour !


Pelon est le premier et le seul, depuis des jours, qui tente d'appeler mes contradicteurs à plus d'équité et de sérénité dans la lecture de mes proses. Est-ce la partie émergée d'un iceberg, et de quelles dimensions ?


La question est simple, et Nadia, par son sec rappel du nombre des victimes juives, a le mérite de la faire émerger en toute clarté. Faut-il analyser le nazisme, pour tenter de comprendre, à toutes fins actuelles utiles, comment la planète a pu laisser se développer un tel cancer et déployer finalement pour en venir à bout des moyens aussi coûteux, ou se rassurer en ramenant l'inconnu au connu ?

Pour ma part je ne fais aucune différence à cet égard entre diverses catégories d'esprits religieux, par exemple certains monothéistes qui disent qu'il ne faut pas chercher à comprendre le mal, ou certains marxistes qui cherchent à mettre une étiquette sur le phénomène en y voyant une soif de profit exacerbée ou une répression dictatoriale classique. Pour tous ces esprits, mettre quelque part le signe "moins" (Hitler moins meurtrier que Staline avant la guerre, moins brutal envers les travailleurs que bien des libéraux, etc.) est un sacrilège, point final.
François Delpla
 
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