(FD a écrit :
Mes contradicteurs, à qui je sais gré de m'avoir lu de près, n'ont pas bien assimilé (mais comment leur en vouloir ?) un trait nouveau, qui s'impose petit à petit au détriment de très vieilles habitudes, dans l'analyse du nazisme : le fait que Hitler était un très grand manipulateur, doté d'un immense talent pour passer inaperçu. (puisqu'on cite Daniel Guérin, il est clair qu'il n'y a vu que du feu, c'est le cas de le dire : une "peste brune" qui ne sait que tout dévaster)
(Trotsky a écrit :
Le chef par la grâce du peuple se distingue du chef par la grâce de Dieu, en ce qu'il est obligé de se frayer lui-même un chemin ou, du moins, d'aider les circonstances à le lui ouvrir. Mais le chef est toujours un rapport entre les hommes, une offre individuelle en réponse à une demande collective. Les discussions sur la personnalité d'Hitler sont d'autant plus animées qu'elles cherchent avec plus de zèle le secret de sa réussite en lui-même. Il est pourtant difficile de trouver une autre figure politique qui soit, dans la même mesure, le point convergent de forces historiques impersonnelles. N'importe quel petit bourgeois enragé ne pouvait devenir Hitler, mais une partie d'Hitler est contenue dans chaque petit bourgeois.
Je ne saurais trop vous conseiller la brochure de Trotsky d'où ma citation est extraite
ICIOn peut découvrir des nouveaux traits de la personnalité d'Hitler ou réévaluer certaines de ses capacités. Il n'en reste pas moins que s'il fut suivi par des larges masses, en premier lieu par la petite bourgeoisie appauvrie et ruinée, ce fut en raison de circonstances historiques particulières et que dans ces circonstances, c'était l'objet de la discussion, la bourgeoisie allemande a accepté le parti nazi comme solution ultime.
C'est dans Fascisme et grand capital que Guérin analyse les rapports entre le Parti Nazi et la bourgeoisie allemande. Dans la peste brune, ce sont des notes de voyage, quelques mois avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Notes fort instructives d'un jeune marcheur.
a écrit :
Voyez par exemple, dans le dernier livre de Philippe Burrin, comment il surfe sur les sentiments antisémites des Allemands pour leur mettre le doigt dans un engrenage qu'ils ne voient pas du tout venir.
Bien sûr mais ce n'est pas une découverte. Dans la brochure déjà citée, Trotsky écrit :
a écrit :
Au début de sa carrière politique, Hitler ne se distinguait, peut-être, que par un tempérament plus énergique, une voix plus forte, une étroitesse d'esprit plus sûre d'elle-même. Il n'apportait au mouvement aucun programme tout prêt, si ce n'est la soif de vengeance du soldat humilié. Hitler commença par des injures et des récriminations contre les conditions de Versailles, la vie chère, le manque de respect pour le sous-officier méritant, les intrigues des banquiers et des journalistes de la foi de Moïse. On trouvait dans le pays suffisamment de gens qui se ruinaient, qui se noyaient, qui étaient couverts de cicatrices et d'ecchymoses encore toutes fraîches. Chacun d'eux voulait frapper du poing sur la table. Hitler le faisait mieux que les autres. Il est vrai qu'il ne savait pas comment remédier à tous ces malheurs. Mais ses accusations résonnaient tantôt comme un ordre, tantôt comme une prière adressée à un destin inflexible. Les classes condamnées, semblables à des malades incurables, ne se lassent pas de moduler leurs plaintes, ni d'écouter des consolations. Tous les discours d'Hitler étaient accordés sur ce diapason. Une sentimentalité informe, une absence totale de rigueur dans le raisonnement, une ignorance doublée d'une érudition désordonnée : tous ces moins se transformaient en plus. Cela lui donnait la possibilité de rassembler toutes les formes de mécontentement dans la besace de mendiant du national-socialisme, et de mener la masse là où elle le poussait. De ces premières improvisations, l'agitateur ne conservait dans sa mémoire que ce qui rencontrait l'approbation. Ses idées politiques étaient le fruit d'une acoustique oratoire. C'est ainsi qu'il choisissait ses mots d'ordre. C'est ainsi que son programme s'étoffait. [souligné par pelon]C'est ainsi que d'un matériau brut se formait un " chef ".
(FD a écrit :
Il ne faut pas jouer sur les mots : l'argent d'un certain nombre de chefs de PME cotisant au NSDAP, ce n'est pas cela qu'on appelle "l'argent du patronat", surtout dans cette Allemagne de fin 32-début 33, ravagée par la crise. Les grosses fortunes vont, jusqu'au bout, très majoritairement à d'autres. C'est ce que vous ne saviez pas, et je crois avoir fait oeuvre utile en vous le faisant remarquer.
Que l'argent de la grande bourgeoisie allemande aille principalement à d'autres partis ne nous trouble pas. Il nous suffit qu'il aille en partie aux nazis. Ces fonds allaient-ils, ne serait-ce que très minoritairement, au Parti Communiste. Non, c'était un parti qui était étranger au grand capital alors que le parti nazi pouvait lui servir.
Encore une fois, quand on dit que le grand patronat allemand a finalement choisi Hitler, on n'a jamais écrit que c'était de gaité de coeur. Oui, ils savaient que les dirigeants du parti nazi ne seraient pas controlables coimme un Hindenbourg. Ils n'étaient pas de leur classe. Mais faute de mieux, Hitler est devenu leur solution, en partie en 1932 et en tout cas en janvier 1933 même s'il restait à Hitler à supprimer ceux qui croyaient encore à la composante "anticapitaliste" du programme nazi pour rassurer totalement la bourgeoisie allemande.