Les nazis et le patronat allemand

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par François Delpla » 04 Avr 2004, 19:54

Bonsoir !

Je suis François Delpla, l'auteur de l'article "Hitler prend le pouvoir sans l'argent du patronat" (http://www.delpla.org).

Il me semble que ce texte, ou les extraits cités, n'ont pas été très bien lus par certains intervenants.

Je précise donc qu'il ne témoigne pas de la moindre sympathie pour l'une ou l'autre des deux entités qui lui donnent son titre. Vous pouvez vous y plonger sans crainte !

à bientôt

fdelpla
François Delpla
 
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Message par logan » 04 Avr 2004, 21:59

J'ajouterai que le titre "Hitler prend le pouvoir sans l'argent du patronat" est mensonger, et même en contradiction avec le contenu de l'article!

Un titre en accord avec le contenu aurait été "Hitler prend le pouvoir autant avec l'argent du patronat qu'avec celui de ses militants."

Et même ce titre aurait été faux puisqu'une grande partie des militants qui apportent les fonds sont des patrons (petits ou moyens!!)
Je vous cite vous même:
a écrit :Le parti nazi (NSDAP) semble avoir tiré le plus clair de ses ressources de la masse de ses adhérents et de ses sympathisants [2]. S’il n’y avait guère de grands patrons parmi eux, il y en avait beaucoup de petits et de moyens


Il faudrait donc rebaptiser l'article "Hitler prend le pouvoir autant avec l'argent du patronat qu'avec celui de ses militants, qui est en majorité l'argent des petits et moyens patrons"

Mais vous mettez le conditionnel dans l'article et pas dans le titre!! >
a écrit :Le parti nazi (NSDAP) semble avoir tiré le plus clair de ses ressources de la masse de ses adhérents


Il faudrait donc rebaptiser l'article "Hitler semble prendre le pouvoir autant avec l'argent du patronat qu'avec celui de ses militants, qui est en majorité l'argent des petits et moyens patrons"


Et même cette phrase est discutée par de nombreux historiens. :dry:
Et il y aurait encore beaucoup à dire sur de nombreux points de votre article...

Pour un sujet aussi grave votre analyse est d'une légèreté étonnante.
logan
 
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Message par pelon » 04 Avr 2004, 22:53

D'accord globalement avec les posts précédents. Le bourgeoisie allemande, cultivée, "civilisée" aurait préféré se passer d'Hitler et des voyous du parti nazi. C'était en effet la dernière solution, les autres partis bourgeois lui auraient en effet mieux convenu si les circonstances l'avaient permis. Le financement de tous ces partis n'est donc pas étonnant. Dernière solution de la bourgeoisie mais solution quand même. Ce que nous pouvons constater c'est qu'un bourgeois humaniste est avant tout un bourgeois et même si le soir il lit Kant et joue Mozart, quand son capital est en jeu il est capable de faire appel à des barbares comme les nazis... même si c'est avec une pince à linge.
pelon
 
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Message par quijote » 05 Avr 2004, 01:06

rappellons à Dolmancé que ce fut Goering qui servit de lien direct entre le patronat allemand et les Nazis . D 'autre part , si Hitler élimina les chefs des Sa , c 'est parceque leur démagogie risquait de gêner les patrons et pouvait donner de mauvaises idées" ... S' il ne l 'a pas fait ,qu 'il voit les film des Visconti " les Damnés " . A travers dolmancé , c 'est toute la " pensée unique " ( la pensée ? ) je devrais dire " les lieux communs ", prononcés sentencieusement : Dommancé , tu me fais penser à certains beaufs qui se croient malins quand ils disent que les Extrèmes se rejoignnent ( mais c 'est ce qui traine dans la presse actuelle ) pour eux , il y a les "démocrates" et les autres les " totalitaires" . c 'est ça les " nouveaux philosophes " et c 'est ça qu 'on apprend à l' heure actuelle dans les bahuts .. pas très original ce Dolmancé ...
quijote
 
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Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 05:41

Bonjour !


Mes contradicteurs, à qui je sais gré de m'avoir lu de près, n'ont pas bien assimilé (mais comment leur en vouloir ?) un trait nouveau, qui s'impose petit à petit au détriment de très vieilles habitudes, dans l'analyse du nazisme : le fait que Hitler était un très grand manipulateur, doté d'un immense talent pour passer inaperçu. (puisqu'on cite Daniel Guérin, il est clair qu'il n'y a vu que du feu, c'est le cas de le dire : une "peste brune" qui ne sait que tout dévaster)

Voyez par exemple, dans le dernier livre de Philippe Burrin, comment il surfe sur les sentiments antisémites des Allemands pour leur mettre le doigt dans un engrenage qu'ils ne voient pas du tout venir.

Rien n'est plus difficile que de juger la conduite de ceux se laissent manipuler. Et si on cherche des excuses, l'ouvrier peu instruit en a certes plus de voter NS, ou de se laisser prendre par la chaude ambiance d'un meeting, que son patron. Mais tous deux le font, la plupart du temps, au nom de vues à court terme. Car l'idée qu'il s'agit d'un pantin incapable de se maintenir longtemps au pouvoir est très répandue.

Il ne faut pas jouer sur les mots : l'argent d'un certain nombre de chefs de PME cotisant au NSDAP, ce n'est pas cela qu'on appelle "l'argent du patronat", surtout dans cette Allemagne de fin 32-début 33, ravagée par la crise. Les grosses fortunes vont, jusqu'au bout, très majoritairement à d'autres. C'est ce que vous ne saviez pas, et je crois avoir fait oeuvre utile en vous le faisant remarquer.

Maintenant, à chacun de réfléchir sur le simplisme qui l'avait fait adhérer à des erreurs. Ce manque de rigueur est-il la voie la plus courte vers une révolution profitable aux larges masses ou, tout au contraire, assimile-t-il les militants à leurs adversaires, dans une mêlée confuse où seule compte la chapelle, et point du tout la vérité ?
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 05 Avr 2004, 07:28

Les comptables seront honorés de savoir que leur profession seule prédispose à repérer les manipulations de grand style d'un acteur de l'histoire aux méthodes inédites.
François Delpla
 
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Message par pelon » 05 Avr 2004, 08:06

(FD a écrit :
Mes contradicteurs, à qui je sais gré de m'avoir lu de près, n'ont pas bien assimilé (mais comment leur en vouloir ?) un trait nouveau, qui s'impose petit à petit au détriment de très vieilles habitudes, dans l'analyse du nazisme : le fait que Hitler était un très grand manipulateur, doté d'un immense talent pour passer inaperçu. (puisqu'on cite Daniel Guérin, il est clair qu'il n'y a vu que du feu, c'est le cas de le dire : une "peste brune" qui ne sait que tout dévaster)


(Trotsky a écrit :
Le chef par la grâce du peuple se distingue du chef par la grâce de Dieu, en ce qu'il est obligé de se frayer lui-même un chemin ou, du moins, d'aider les circonstances à le lui ouvrir. Mais le chef est toujours un rapport entre les hommes, une offre individuelle en réponse à une demande collective. Les discussions sur la personnalité d'Hitler sont d'autant plus animées qu'elles cherchent avec plus de zèle le secret de sa réussite en lui-même. Il est pourtant difficile de trouver une autre figure politique qui soit, dans la même mesure, le point convergent de forces historiques impersonnelles. N'importe quel petit bourgeois enragé ne pouvait devenir Hitler, mais une partie d'Hitler est contenue dans chaque petit bourgeois.

Je ne saurais trop vous conseiller la brochure de Trotsky d'où ma citation est extraite
ICI

On peut découvrir des nouveaux traits de la personnalité d'Hitler ou réévaluer certaines de ses capacités. Il n'en reste pas moins que s'il fut suivi par des larges masses, en premier lieu par la petite bourgeoisie appauvrie et ruinée, ce fut en raison de circonstances historiques particulières et que dans ces circonstances, c'était l'objet de la discussion, la bourgeoisie allemande a accepté le parti nazi comme solution ultime.

C'est dans Fascisme et grand capital que Guérin analyse les rapports entre le Parti Nazi et la bourgeoisie allemande. Dans la peste brune, ce sont des notes de voyage, quelques mois avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Notes fort instructives d'un jeune marcheur.

a écrit :
Voyez par exemple, dans le dernier livre de Philippe Burrin, comment il surfe sur les sentiments antisémites des Allemands pour leur mettre le doigt dans un engrenage qu'ils ne voient pas du tout venir.

Bien sûr mais ce n'est pas une découverte. Dans la brochure déjà citée, Trotsky écrit :
a écrit :
Au début de sa carrière politique, Hitler ne se distinguait, peut-être, que par un tempérament plus énergique, une voix plus forte, une étroitesse d'esprit plus sûre d'elle-même. Il n'apportait au mouvement aucun programme tout prêt, si ce n'est la soif de vengeance du soldat humilié. Hitler commença par des injures et des récriminations contre les conditions de Versailles, la vie chère, le manque de respect pour le sous-officier méritant, les intrigues des banquiers et des journalistes de la foi de Moïse. On trouvait dans le pays suffisamment de gens qui se ruinaient, qui se noyaient, qui étaient couverts de cicatrices et d'ecchymoses encore toutes fraîches. Chacun d'eux voulait frapper du poing sur la table. Hitler le faisait mieux que les autres. Il est vrai qu'il ne savait pas comment remédier à tous ces malheurs. Mais ses accusations résonnaient tantôt comme un ordre, tantôt comme une prière adressée à un destin inflexible. Les classes condamnées, semblables à des malades incurables, ne se lassent pas de moduler leurs plaintes, ni d'écouter des consolations. Tous les discours d'Hitler étaient accordés sur ce diapason. Une sentimentalité informe, une absence totale de rigueur dans le raisonnement, une ignorance doublée d'une érudition désordonnée : tous ces moins se transformaient en plus. Cela lui donnait la possibilité de rassembler toutes les formes de mécontentement dans la besace de mendiant du national-socialisme, et de mener la masse là où elle le poussait. De ces premières improvisations, l'agitateur ne conservait dans sa mémoire que ce qui rencontrait l'approbation. Ses idées politiques étaient le fruit d'une acoustique oratoire. C'est ainsi qu'il choisissait ses mots d'ordre. C'est ainsi que son programme s'étoffait. [souligné par pelon]C'est ainsi que d'un matériau brut se formait un " chef ".


(FD a écrit :
Il ne faut pas jouer sur les mots : l'argent d'un certain nombre de chefs de PME cotisant au NSDAP, ce n'est pas cela qu'on appelle "l'argent du patronat", surtout dans cette Allemagne de fin 32-début 33, ravagée par la crise. Les grosses fortunes vont, jusqu'au bout, très majoritairement à d'autres. C'est ce que vous ne saviez pas, et je crois avoir fait oeuvre utile en vous le faisant remarquer.



Que l'argent de la grande bourgeoisie allemande aille principalement à d'autres partis ne nous trouble pas. Il nous suffit qu'il aille en partie aux nazis. Ces fonds allaient-ils, ne serait-ce que très minoritairement, au Parti Communiste. Non, c'était un parti qui était étranger au grand capital alors que le parti nazi pouvait lui servir.
Encore une fois, quand on dit que le grand patronat allemand a finalement choisi Hitler, on n'a jamais écrit que c'était de gaité de coeur. Oui, ils savaient que les dirigeants du parti nazi ne seraient pas controlables coimme un Hindenbourg. Ils n'étaient pas de leur classe. Mais faute de mieux, Hitler est devenu leur solution, en partie en 1932 et en tout cas en janvier 1933 même s'il restait à Hitler à supprimer ceux qui croyaient encore à la composante "anticapitaliste" du programme nazi pour rassurer totalement la bourgeoisie allemande.
pelon
 
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