Re: Éphéméride
Publié : 23 Mars 2020, 19:07
Inadmissible en effet...
23 mars 1917
Trotsky, Histoire de la révolution russe, Les journées d'avril
https://www.marxists.org/francais/trots ... /hrr17.htm
23 mars 1917
Le 23 mars, les États-Unis entraient dans la guerre. Ce jour-là, Pétrograd célébrait les obsèques des victimes de la Révolution de Février. La manifestation de deuil, pourtant animée d'une solennelle allégresse, fut le puissant accord final de la symphonie des cinq jours. Tous vinrent aux funérailles : et ceux qui avaient combattu coude à coude avec les morts, et ceux qui avaient prêché la modération, et probablement ceux qui avaient abattu les victimes, et, plus nombreux encore, ceux qui s'étaient tenus à l'écart de la lutte. A côté des ouvriers, des soldats, des petites gens de la ville, se trouvaient des étudiants, les ministres, les ambassadeurs, des bourgeois cossus, des journalistes, des orateurs, des leaders de tous les partis.
Les rouges cercueils, portés à bras par des ouvriers et des soldats, arrivèrent en files de tous les rayons au Champ de Mars. Lorsque l'on commença à descendre les cercueils dans la fosse, la forteresse Pierre-et-Paul, bouleversant les innombrables masses populaires, gronda d'un premier salut d'adieux. Les canons tonnaient d'une nouvelle manière : nos canons, notre salut. Le quartier de Vyborg apportait cinquante et un cercueils rouges. Ce n'était qu'une partie des victimes dont il était fier. Dans son cortège, de tous le plus compact, se distinguaient de nombreux drapeaux bolcheviks. Mais ils flottaient pacifiquement à côté d'autres. Sur le Champ de Mars même ne restèrent que les membres du gouvernement, du Soviet et de la Douma d'Empire — déjà défunte, mais qui s'entêtait à fuir ses propres funérailles.
Devant les tombes défilèrent, dans la journée, avec leurs drapeaux et leurs orchestres, huit cent mille personnes au moins. Et, bien que, d'après les calculs préalables des plus hautes autorités militaires, une pareille masse humaine ne dût en aucun cas réussir à passer dans les délais prévus sans provoquer le plus immense chaos et des remous désastreux — la manifestation se déroula néanmoins dans un ordre parfait, significatif pour celles de ces marches révolutionnaires où domine la conscience satisfaite d'avoir accompli pour la première fois de grandes œuvres, avec l'espoir que dans la suite tout ira pour le mieux. C'est seulement cet état des esprits qui maintenait l'ordre, car l'organisation était encore faible, inexpérimentée et peu sûre d'elle-même.
En fait, ces funérailles suffisaient, semblait-il, à réfuter la légende d'une révolution non sanglante, Et, néanmoins, l'état d'esprit qui régna aux obsèques reproduisait partiellement l'atmosphère des premiers jours d'où cette légende naquit.
[...]
Trotsky, Histoire de la révolution russe, Les journées d'avril
https://www.marxists.org/francais/trots ... /hrr17.htm