parti ouvrier / parti bourgeois

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par stef » 29 Oct 2002, 16:23

Réponse à mon (cyber-)camarade Pelon en deux temps.

a écrit :Mais alors, pourquoi le PS et le PC seraient-ils des partis bourgeois, eux qui ne s'en sont pas plus pris au capital que les Verts.
Tout d'abord, pour des raisons historiques : ils ont été fondés comme des partis de la classe ouvrière (même s'ils se réclament de moins en moins de cette dernière : on se souvient de Jospin redécouvrant la classe ouvrière quand, dans sa campagne, il ne décollait pas), ensuite parce que formellement au moins ils s'en réclament (ou réclamaient) et que les ouvriers considèrent (de plus en plus "considéraient") que c'étaient leurs partis.

Tout ceci n'est que miel à mes yeux. Je considère ceci comme absolument juste.

a écrit :Cette caractérisation d'un parti, s'il peut servir de boussole dans certaines occasions ne doit pas nous empêcher d'analyser et l'évolution d'un parti et le contexte historique. Un ouvrier de 50 ans et même de 80 ans (à la retraite) reste un membre de la classe ouvrière; s'il devient chef d'équipe aussi. Par contre s'il monte tellement socialement qu'il devient le patron de son entreprise, il ne serait plus seulement "moins ouvrier", ni "un peu ouvrier quand même pour des raisons historiques". Il ne serait pas non plus ouvrier/patron. Non, il serait devenu, pour ce qui nous intéresse, un patron.


Autrement dit, il y a eu passage de quantité en qualité (ouvrier->patron). Le premier débat est donc : ce passage a-t-il eu lieu en ce qui concerne les PS ?

a écrit :Sur le contexte historique, le parti social-démocrate allemand en 1919, incontestablement un parti ouvrier, trahissant la révolution, défend à 100 % l'ordre bourgeois (il n'est pas question de FUO à cette époque). Ce même parti, est menacé, au début des années 30, comme toute la classe ouvrière allemande, en tant que parti ouvrier, par le nazisme. Le FUO s'impose de toute évidence. Seul Trotsky, nous le savons défendra cette politique. On connait la suite.

Là par contre, mon cde, ça se gâte. Et c'est important : ce qui est derrère est de savoir si la politique de FU était une tactique épisodique ou systématique pour les partis léninistes.
Indiquons donc que :
1/ Cette tactique apparait entre février et octobre 1917 en Russie (voir ma citation du Prog de transition). Sans que le mot FUO ne soit encore "inventé".
2/ On en trouve des traces dans les textes de Lénine postérieurs à 1917 - par exemple La maladie infantile. On ne saurait donc écrire comme tu le fais "il n'est pas question de FUO à cette époque". Voir notamment sa section sur l'Angleterre.
3/ Cette tactique est formalisée en 1921-22 (III° et IV° congrès de l'Internationale Communiste). Exemple :
"Quelles que soient les trahisons de la C.G.T. réformiste que dirigent Jouhaux, Merrheim et consorts, les communistes, et avec eux tous les éléments révolutionnaires de la classe ouvrière française, se verront forcés de proposer aux réformistes, avant toute grève générale, avant toute manifestation révolutionnaire, avant toute action de masses, de s'associer à cette action, et, sitôt que les réformistes s'y seront refusés, de les démasquer devant la classe ouvrière. "
Ou :
."A la coalition ouverte ou masquée bourgeoise et social-démocrate, les communistes opposent le front unique de tous les ouvriers et la coalition politique et économique de tous les partis ouvriers contre le pouvoir bourgeois pour le renversement définitif de ce dernier.
Il est d'aileurs à noter que la formulation du "gouvernement ouvrier" est celle de Legien, chef bureaucrate du syndicat allemand DGB.
4/ La politique de FUO est ensuite généralisée dans tous les PC - ce qui provoque en général des crises réelles. Notamment dans le cas du PCF et du PC Italien (textes disponibles sur marxists.org - faire un search sur "Renoult").
5/ Les travaux de Trotsky sur la question dans les années 30 sont d'une énorme importance car ils posent le problème de la tactique de FUO du pooint de vue d'une organisation qui n'est n'est pas en mesure de se porter candidate à la direction du mouvement.

Conclusion de tout ceci : la tactique de FUO est le fil à plomb de la méthose des partis communistes depuis qu'ils existent. C'est d'autant plus important que c'est cette méthode qui a été employée en Russie - jusqu'ici la seule révolution communiste victorieuse pour un temps.
stef
 
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Message par stef » 29 Oct 2002, 16:54

a écrit :Dans la discussion qui nous intéresse, j'aimerais que nous avancions en démontant en quoi le PS est encore un parti ouvrier et en quoi il ne l'est plus. Quand Trotsky parlait de parti ouvrier/bourgeois, il s'agissait non pas d'une caractérisation figée comme un objet qui est en métal ou moitié-moitié métal moitié fer, mais de quelque chose de mouvant. Ainsi, ce parti pouvait être 100% bourgeois dans certaines circonstances (défendre l'empire colonial se son Etat par exemple) ou 100% ouvrier (menacé de disparition sous les coups du fascisme).


Là je pense que la question est légèrement mal posée....
Parler de parti ouvrier-bourgeois indique bien une nature contradictoire. La question fondamentale est de savoir si les PS - en tant qu'organisations ouvrères - ont franchi une étape, un saut qualitatif et sont devenus des partis purement bourgeois - équivalents au parti démocrate US ou à l'UDF, etc...

Encore une fois : cette discussion n'a d'intérêt que si on se place du point de vue de "quelle politique défendre ?", du point de vue du combat politique. Sinon, ce serait une pure spéculation idéologique.

En fait pour ma part, je pense qu'il ne peut exister de parti ouvrier qui subsiste durablement au sein de la société bourgeoise. Tôt ou tard, sa substance de classe s'affaiblit sous la pression des forces multiples qui l'entourent (exemple : les dirigeants usés qui se vendent). En plus : il n'existe pas de parti ouvrier "indépendant" (comme dit Lambert). On n'est jamais indépendant d'une classe ou de l'autre. On peut éventuellement parler d'équilibre instable et transitoire (c'est évident pour le cas du PT brésilien : sans s'armer du programme du socialisme, la dégénerescence est inévitable).

Donc dans le cas du PS ce à quoi nous assistons est à sa lente décomposition politique au long du siècle et l'intégration à la bourgeoisie de plus en plus poussée de sa direction - que l'on songe au poids qu'y ont les énarques, à la quasi disparition de syndicalistes (même bureaucrates).

Et Pelon a parfaitement raison de souligner que cette déperdition s'est accentuée depuis 1981 (adhérer au PS sur la base du bilan de Miterrand/Jospin...). Fondamentalement la raison en est que le "réformisme" dont il se réclame s'avère sans contenu (la crise du capitalisme ne laisse pas de marge). D'où le caractère de plus en plus bourgeois - du point de vue de sa ligne et de sa composition sociale - de sa direction. Et d'où le fait que l'essentiel (pas tous) de ses adhérents soient très loin du mouvement de la classe (le type lecteur du "Nouvel Obs", en gros).

Sauf que... en même temps, le stalinisme se décompose aussi, aucun parti révolutionnaire de masse n'apparait. Donc les travailleurs votent PS faute de mieux, le chargeant tout au plus d'en finir avec Chirac, etc.

D'où la contradiction permanente du PS. Nombre de ses dirigeants aspirent à couper définitivement le cordon ombilical, à "actualiser sa doctrine" - bref le transformer en parti bourgeois "démocrate" (c'est la fameuse 3° voie de Blair). Sauf que le pari est très risqué. Tous ceux qui ont été au bout de cette logique (p. ex. Chevènement et son très chauvin MDC) se sont cassés la gueule. D'où le fait que l'appareil du PS reste pour l'instant sur une orientation de préservation d'un parti représentant la "tradition social-démocrate", mais avec des liens avec les masses qui sont aujourd'hui de nature essentiellement électorale.

Et de l'autre côté, nombre d'autres dirigeants (Dray/Mélenchon/Aubry/Emmanuelli...) mesurent que le cours Jospin risque de couter son existence au PS (donc à leur gagne-pain). D'où leur revendication d'un cours vraiment "réformiste". Ce type de courant - pour lequel je n'ai aucune sympathie en tant que telle - est évidemment symptomatique de partis ouvriers-bourgeois. Z'imaginez Emmanuelli à l'UDF ?

Conclusion : le PS demeure un parti ouvrier bourgeois, dont la substance ouvrière s'est terriblement affaiblie. Ne pas en tenir compte pour un trotskyste serait faire de l'autisme.
stef
 
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Message par pelon » 29 Oct 2002, 17:29

(rojo @ Tuesday 29 October 2002, 18:23 a écrit :
C'est que quand on parle de Front Unique en 1930 en Allemagne, ou en 36 en France. On combat en quelque sorte les réformiste en les mettant au pied du mur, parce ce que le prolétariat à des illusions sur leur capacités.
La tactique du Front Unique sert à les démasquer.

Tout à fait. Et que dans ces années là, le prolétariat est combatif et va de l'avant. Il est donc à même de tirer le bilan des expériences.

Et pour continuer la pensée de rojo, s'addresser à des travailleurs qui se sont donnés pour direction des réformistes et leur dire "nous n'avons pas confiance dans vos chefs, mais cela ne va pas nous empêcher de nous battre avec vous pour vos objectifs. Vous verrez que ce sont vos chefs qui vont vous abandonner en route" n'a rien à voir avec la situation actuelle.

Aujourd'hui, à part stef et wolf, aucun travailleur ou militant ouvrier ne pense que Fabius est un dirigeant qui le mènera au combat. En partie parce que la plupart des travailleurs ne croient même plus à la possibilité de mener le moindre combat.

Alors ce n'est certainement pas à nous de remettre en selle ces gens là, en disant aux travailleurs qu'ils ont à défendre le gouvernement de gauche, que c'est "leur" gouvernement.
pelon
 
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Message par stef » 29 Oct 2002, 17:40

Holà mes p'tits loups !

Vous passez du coq à l'âne !
La première question concernait la nature du PS. J'y ai répondu de façon argumentée. A vous de jouer.

Partant de là, j'en ai déduit quelques éléments vis à vis de la politique révolutionnaire. C'est une seconde question.

Maintenant, une chose, Mr Bf. J'ai soigneusement fait attention à ne pas décrire Fabius comme un "dirigeant ouvrier" (il m'arrive aussi de sortir...) mais comme un authentique bourgeois campant à la tête d'un parti - le PS -qui demeure "ouvrier" malgré sa décomposition politique et le fait qu'il n'y a pratiquement plus d'ouvrier en son sein (pas simple, hein ?).

Donc merci de ne pas caricaturer mes positions !

PS: Je répondrai sur à El Rojo dans le thread ad hoc. Ceci étant, s'il croit que la politique de FUO sert à remettre Fabius en selle, c'est le bras qu'il se met dans l'oeil, pas le doigt ! Pas plus qu'elle ne servait à remettre Blum et Thorez en selle !
stef
 
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Message par stef » 29 Oct 2002, 17:50

Juste un point pour Eric.
a écrit :Aujourd'hui, à part stef et wolf, aucun travailleur ou militant ouvrier ne pense que Fabius est un dirigeant qui le mènera au combat.  


Stef et (je pense) Wolf pensent que les dirigeants du PS comme ceux du PCF ne mènent personne au combat, mais au contraire qu'ils collaborrent effrontément avec Chirac & Raffarin après l'avoir aidé à se faire réélire.

Mais ils constatent aussi que lorsqu'il y a vote, lesdits travailleurs votent PS et que tout ceci a donc une légère importance...
stef
 
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Message par pelon » 29 Oct 2002, 17:59

Il me semblait qu'on y avait répondu pourtant!
En fait tu n'as pas dit grand chose de précis. tu parles de lente décomposition (certes), de "liens" avec le mouvement ouvrier (lesquels?).

Tu demandes "Z'imaginez Emmanuelli à l'UDF ?". Oui, pas toi? Est-il plus à gauche que Bayrou qui est pour la taxe Tobin?

a écrit :les travailleurs votent PS faute de mieux, le chargeant tout au plus d'en finir avec Chirac, etc.

De moins en moins votent pour eux.

Selon toi, quand le saut qualitatif aurait lieu? Qu'est ce qui montrerait qu'indiscutablement le PS n'est plus un parti ouvrier? (la question est un peu bête, je sais).

pour résumer, si ni les dirigeants, ni la politique, ne la composition, ni les attentes des travailleurs n'en font un parti ouvrier, qu'est ce qui peut bien lui rester pour que tu continues à l'appeler ainsi? Sincèrement, je ne comprends pas.
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Message par pelon » 29 Oct 2002, 18:02

(stef @ Tuesday 29 October 2002, 18:50 a écrit :Juste un point pour Eric.
a écrit :Aujourd'hui, à part stef et wolf, aucun travailleur ou militant ouvrier ne pense que Fabius est un dirigeant qui le mènera au combat.  


Stef et (je pense) Wolf pensent que les dirigeants du PS comme ceux du PCF ne mènent personne au combat, mais au contraire qu'ils collaborrent effrontément avec Chirac & Raffarin après l'avoir aidé à se faire réélire.

C'est vrai, mon clavier a dépassé ma pensée, je sais bien que tu ne penses pas cela.
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Message par stef » 29 Oct 2002, 18:35

Réponse à Eric qui écrit :
a écrit :Tu demandes "Z'imaginez Emmanuelli à l'UDF ?". Oui, pas toi? Est-il plus à gauche que Bayrou qui est pour la taxe Tobin?


Voici un court extrait de ce que dit ledit Henri :

a écrit :Henri Emmanuelli a expliqué (...) que son objectif était de rassembler la gauche, condition indispensable à un retour aux affaires. "Or il est évident que la gauche ne peut pas se rassembler sur une ligne sociale-libérale",

a écrit :Le débat est de savoir si le Parti socialiste en France comme en Europe a quelque chose à dire aux gens pour incarner leur espérance ou s'il est simplement le soigneur de touche qui est là pour soigner les dégâts de la mondialisation libérale

a écrit :Moi, j'accepte l'économie de marché en tant que système qui organise l'offre et la demande mais je n'accepte pas l'économie de marché où le seul critère retenu soit celui du profit


Certes tout individu est susceptible de bouger. Mais un tel discours ne peut être tenu ni chez les trotskystes ni à l'UDF !

Je ne prends évidemment pas tout ceci au sérieux - c'est simplement symptomatique de la nature différente du PS par rapport à l'UDF.
stef
 
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